Figure emblématique de l’animation japonaise reconnue dans le monde entier, Hayao Miyazaki s’est construit en marge des systèmes, en humaniste du XXIe siècle. Article extrait de notre hors-série consacré à Miyazaki et aux maîtres de l’animation japonaise, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.
Hayao Miyazaki, maître de l’animation nippone, cofondateur du Studio Ghibli, est dessinateur, écrivain, cinéaste, animateur, poète (sans le dire) et producteur (par nécessité). Qu’il soit japonais et qu’il œuvre dans le dessin animé rend son parcours et, surtout, sa position symboliques. il n’a pas seulement dû refuser la fatalité mercantile des studios nippons pour imposer sa vision du dessin animé, il a aussi dû se mesurer à un empire mondial qui n’a pas l’habitude de tolérer (et de rencontrer) la moindre forme de concurrence: Disney.
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Né en 1941, il est, comme tous les Japonais de sa génération, marqué par les blessures de son pays au lendemain de la guerre. Enfant fragile, fils d’ingénieur aéronautique, il développe un don précoce pour le dessin: “Quand j’étais petit, j’aimais dessiner. Mais je ne faisais absolument pas les dessins des enfants de mon âge. Je dessinais uniquement des avions, des chars ou des bateaux de guerre. J’étais un garçon à la santé très fragile et j’étais fasciné par tout ce qui exprimait la force, la puissance. Ensuite, à 15 ans, j’ai décidé de devenir dessinateur de mangas, mais ce n’était qu’une décision, je ne suis jamais passé à l’acte. A 18 ans, à l’université, j’ai fait des études d’économie. Pendant tout mon temps libre, et j’en avais beaucoup, j’ai commencé à dessiner vraiment, et j’ai fait ma formation artistique moi-même. Je ne suis jamais allé à l’école des beaux-arts. J’ai décidé à ce moment-là de passer à l’action. J’aimais beaucoup les mangas d’Osamu Tezuka dans les années 1960. Le film qui m’a décidé à entrer dans l’animation est le premier long métrage d’animation du cinéma japonais, le Serpent blanc, sorti dans les années 1950 (film de 1958 de Taiji Yabushita et Kazuhiro okabe, lire p. 6 – ndlr). Mais ce qui m’a le plus ému, à peu près à la même époque, c’est un film de Paul Grimault, la bergère et le Ramoneur, et un dessin animé soviétique qui s’appelait la Reine des neiges (de lev Atamanov, 1957 – ndlr). Ce sont ces deux films qui m’ont vraiment convaincu de travailler dans l’animation.”
Cet intérêt pour les formes artistiques occidentales, dans le domaine de l’animation mais aussi de la littérature, ne se démentira pas lorsque Miyazaki passera à la réalisation. il adaptera pour la télévision de nombreux auteurs européens. Esprit universel, il partage avec son ami Akira Kurosawa une immense culture humaniste et une ouverture vis-à-vis des artistes occidentaux, même si Miyazaki ne porte pas l’Amérique dans son cœur.
Un vent chaud sur l’industrie cinématographique
Embauché par la Toei, il gravit un à un les échelons de l’animation au sein du studio, dont il démissionnera en 1971 à cause de l’hostilité de ses patrons devant son ambition artistique. Miyazaki se distingue rapidement de ses collègues par son acharnement au travail, son opiniâtreté et sa force de caractère. Ses convictions politiques sont presque aussi intenses que ses visions artistiques, et il devient membre du syndicat des animateurs du studio à l’âge de 23 ans. Miyazaki est persuadé que toutes les possibilités du cinéma d’animation sont loin d’avoir été découvertes et qu’il faut explorer cet art encore balbutiant et l’enrichir, par des nouvelles techniques, mais aussi des idées et des histoires originales. “J’avais renoncé à ma pseudo-vocation de dessinateur de bande dessinée et j’avais l’idée de devenir animateur. J’ai vu toutes les possibilités artistiques offertes par l’animation, et j’ai découvert qu’on pouvait dire d’autres choses dans les dessins animés. Le film de Grimault n’a pas décidé de ma carrière, mais cela m’a montré qu’on pouvait mettre la barre très haut, et cela a peut-être marqué le début d’un long processus. De toute façon, je ne pensais pas atteindre un jour cette perfection. Je souhaitais seulement m’améliorer.”
Ce souci va conduire hayao Miyazaki à un véritable coup d’éclat (et d’Etat) dans le monde de l’animation japonaise. Se considérant incapable d’assouvir sa soif d’expérimentation et de création au sein des grands studios nippons de cinéma et de télévision, il fonde sa propre structure, dans le seul souci de pouvoir signer des films d’une meilleure qualité technique, en réunissant les meilleurs spécialistes, en s’accordant le temps et l’énergie impossibles à rassembler sous la pression des financiers et des décideurs étrangers à la création artistique. le Studio Ghibli, structure indépendante, est fondé en 1985 par Miyazaki et ses fidèles complices Takahata et Suzuki.
Olivier Père
Article extrait de notre hors-série consacré à Miyazaki et aux maîtres de l’animation japonaise, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.
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