En Iran, les images prises avec des téléphones portables ont permis de s’informer sur la contestation. Un documentaire percutant les associe à un dessin animé pour en retracer les étapes. Il est diffusé ce soir sur Arte.
Ce documentaire est un patchwork sur la révolte iranienne de 2009, nommée “l’insurrection verte” – on notera que la couleur traditionnelle de l’islam est également celle des contestataires. Le déclencheur de ces émeutes est connu : le résultat très contesté des dernières élections présidentielles accordant la victoire au sortant Mahmoud Ahmadinejad, au détriment du favori de la rue, Mir Hossein Moussavi. Emeutes réprimées dans le sang, dont ce film est un constat coup de poing.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Il est en partie constitué d’images tournées au coeur de l’événement avec des téléphones portables, comme ces charges brutales de policiers dans les rues, qu’on voit parfois cingler directement sur l’objectif. Images frustes, pixellisées, agitées, dont la médiocrité technique est également un gage d’authenticité. On se souvient du cas de la mort en direct de Neda Agha-Soltan, filmée au portable et diffusée sur le net, qui devint ainsi pour le monde entier la martyre emblématique de cette insurrection.
Les images brutes alternent avec les témoignages plus posés d’Iraniens (un religieux, une avocate, un ex-procureur de l’ONU, un exmilicien, un blogueur, une journaliste et la juriste Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix) qui réagissent à cette violence d’Etat .
Pour recréer l’ambiance délétère de l’événement et décrire ses conséquences concrètes, le cinéaste a inclus dans le film une partie romancée par le biais du dessin animé, à la façon, mais en moins sophistiqué, de l’israélien Valse avec Bachir.
On assiste ainsi au chemin de croix de deux personnages exemplaires, Kaveh et Azadeh, des étudiants raflés avec les autres, blessés et tabassés en prison au lieu d’avoir droit à des soins médicaux. Bref, une évocation saisissante, précise et inventive d’un des plus remarquables mouvements populaires de ces dernières années. L’écho qu’il a rencontré laisse espérer le proche assouplissement d’une situation qui a dépassé son seuil de tolérance.
Ce documentaire, qui est une des multiples expressions de la croisade antirépression en Iran, a été précédé par des signes avant-coureurs au cinéma: des films à la frange du documentaire, où l’on sentait déjà un bouillonnement, un frémissement contestataire (Les Chats persans, Téhéran et Téhéran sans autorisation, tourné au téléphone portable).
Cette Théma Etre jeune en Iran est complétée par un autre documentaire, Les Couleurs de l’amour (2005), qui montre l’autre versant de cette exaspération sociale, celui d’une certaine libéralisation des moeurs, notamment sur le plan amoureux.
A travers ces films, qu’ils soient dramatiques ou non, qu’ils mettent ou pas l’accent sur les excès et débordements du pouvoir islamiste, on sent en filigrane que cette obsession du contrôle de la société traduit une certaine impuissance. Qu’on le veuille ou non, le peuple iranien, en phase avec les médias modernes, se mettra au diapason de la société occidentale. Rien ne pourra le détourner de son aspiration viscérale au desserrement de l’étau religieux.
Iran, l’insurrection verte Documentaire d’Ali Samadi Ahadi. Mardi 22 > 20 h 35 > Arte
{"type":"Banniere-Basse"}