On les a repérés devant le défilé Burberry. On ne parle pas de la supermodel Kate Moss ou le rappeur grime Stormzy, qui se frayent un passage à travers la foule pour aller rejoindre le premier rang, mais de la masse de manifestants anti-fourrure présents devant la Old Sessions House, brandissant des pancartes maculées de […]
Ce week-end à Londres ont eu lieu de nombreuses manifestations contre l’utilisation de la fourrure dans la mode. De nombreuses créatrices ont préféré opter pour de la fausse fourrure. Mais est-ce vraiment la solution ? Cette matière, plus éthique, est très nocive pour l’environnement.
On les a repérés devant le défilé Burberry. On ne parle pas de la supermodel Kate Moss ou le rappeur grime Stormzy, qui se frayent un passage à travers la foule pour aller rejoindre le premier rang, mais de la masse de manifestants anti-fourrure présents devant la Old Sessions House, brandissant des pancartes maculées de faux sang aux slogans plus inventifs les uns que les autres : « Tu n’as pas besoin de fourrure. Achète-toi une Rolex ou une VIE » ou encore « Si tu aimes la sensation de la fourrure, caresse un chat ! »
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Ce n’est pas la première fois que la fashion week se fait le terrain de revendication des manifestants anti-fourrure – on se souvient de la manifestante Peta virée du podium de Christian Dior en 2003 – mais cette saison, au lieu de prendre les marques pour cibles, ce sont les invités qui se sont pris l’ire des 250 manifestants. Cris, bousculades et crachats ont accueilli les invités des défilés Burberry, où les anti-fourrure ont réussi à se faufiler en backstage et retarder le début du show d’une quinzaine de minutes, mais aussi Gareth Pugh et Versus Versace.
“Depuis les dix années que je couvre la fashion week de Londres, ça n’a jamais été aussi violent, raconte la blogueuse Susie Lau au Business of Fashion, qui fait partie des journalistes qui se sont fait cracher dessus. Je ne suis pas en colère car je comprends leur position – je pense juste que leur message aurait pu être mieux articulé.”
225 000 signatures pour une fashion week sans fourrure
Organisé par Surge, groupe activiste luttant pour le droit des animaux, le soulèvement vise à faire réagir le British Fashion Council, organe qui chapeaute la fashion week britannique, appelant les manifestants à se réunir devant le lieu central des défilés londoniens, l’espace BFC réservé aux défilés et showrooms de créateurs. « La fashion week de Londres est de retour en Septembre 2017, et ils gardent TOUJOURS la même attitude pro-fourrure, » annonce l’événement Facebook de Surge, auquel plus de 500 personnes ont répondu présent.
Le groupe, qui a également lancé une pétition pour bannir la fourrure des défilés, rappelle que même si certains grands noms de la mode ont officiellement mis un terme à leur utilisation de fourrure – Stella McCartney et Vivienne Westwood, mais aussi Armani et Calvin Klein – la fashion week de Londres reste un des plus gros utilisateurs de fourrure au Royaume-Uni, alors que le pays en a interdit la production en 2003.
The K9 Angels At London Fashion Week Anti Fur Protest #LFW #LondonFashionWeek @victoriak9angel @TheK9Angels @LondonFashionWk pic.twitter.com/4gvdxL813N
— www (@Geiky) September 18, 2017
« Le British Fashion Council ne dicte pas ce que les designers peuvent ou ne peuvent pas créer, et n’a aucun contrôle sur leur processus de création, déclare Caroline Rush, PDG du BFC. Nous avons la chance de vivre dans une capitale où règnent la liberté de parole et de choix. Les manifestations font partie de cela. La fashion week de Londres est une plate-forme promotionnelle fantastique, et les manifestants voient cela comme l’opportunité de mettre en avant leur cause. (…) Le rôle et la priorité du BFC est de garantir la sécurité de nos créateurs et de nos invités.” Le BFC avait envoyé un mail jeudi dernier à tous les invités les conseillant de ne pas porter de fourrure aux événements mode de la semaine, « vraie ou fausse. »
De la “fausse” fourrure en poil de chat
La lutte contre l’utilisation de la fourrure dans la mode a atteint un nouveau sommet en avril cette année, lorsque des poils de chats ont été retrouvés sur des chaussures de la marque britannique Missguided, alors que le modèle était censé être réalisé en fausse fourrure. La vente de la fourrure de chat et de chien est strictement interdite par l’Union européenne.
Au-delà de la présence de la fourrure sur les podiums, c’est aussi l’impact que cette présence a sur les marques de grande distribution que Surge dénonce. Les grandes marques devraient donner l’exemple et empêcher la normalisation du port de la fourrure : « Comme la mode des défilés influence directement la mode de la fast fashion, la promotion inlassable de la fourrure par les créateurs de mode est la raison de la normalisation de la fourrure bon marché présente dans les boutiques et sur les stands de marché, » explique Surge sur Facebook.
Mais le faux pas de Missguided pointe un autre problème : l’opacité concernant la production de la fourrure dite « fausse ». Suite à la découverte de Missguided, le groupe Humane Society International a trouvé de la fourrure de lapin, renard, hermine et raton-laveur dans des produits mode proposés par Amazon et la marque britannique House of Fraser. HSI invite le consommateur à redoubler de vigilance lors de l’achat de porte-clés, gants, bonnets et parkas à capuche en fausse fourrure.
Le scandale de Missguided tombe mal : la fashion week londonienne n’a jamais été autant fan de fausse fourrure. La marque Shrimps en est la figure de proue : les manteaux en fausse fourrure colorée de la créatrice Hannah Weiland avaient attiré l’attention de l’acheteuse Net-A-Porter Natalie Massenet en 2014, et Shrimps est rapidement devenu une des jeunes marques les plus suivies de la scène londonienne. Aux côtés de Faustine Steinmetz et Marta Jakubowksi, la créatrice avait signé en octobre 2016 une lettre à destination des élèves de Central Saint Martins, les poussant à ne pas céder aux sirènes de l’industrie de la fourrure. « De nombreux consommateurs tournent leur dos à la fourrure, et l’industrie de la fourrure, en perte de vitesse, essaie désespérément de rester visible en proposant des peaux aux créateurs émergents, écrivent-elles (à lire en entier ici). Nous vous poussons à ne pas succomber aux incitations et pots-de-vin de l’industrie. »
Mais est-ce vraiment la solution ? L’acrylique, fibre principale de la fausse fourrure, est un désastre écologique. Quand on ne peut pas se permettre un manteau Shrimps – comptez un budget entre 400 et 800 euros – les options fast fashion sont produites dans des conditions déplorables aussi bien au niveau écologique qu’humain, et leur bas prix fait que le consommateur choisit souvent de s’en séparer d’une saison à une autre. Composé principalement de plastique, un manteau en fausse fourrure peut prendre jusqu’à 1 000 ans pour se décomposer.
S’il faut indéniablement séparer l’information du lobbying – une association canadienne de fourreurs base toute sa communication autour de l’idée que la fourrure est finalement plus éco-responsable car biodégradable, ce à quoi Mimi Bekhechi, présidente de l’antenne anglaise de Peta, répond « la fourrure est seulement naturelle quand elle est attachée à l’animal sur laquelle elle est née » – l’impact écologique de la fausse fourrure en fait réfléchir plus d’un.
La créatrice Sophie Cull-Candy a fait appel à de la fausse fourrure pour la réalisation des chapeaux de sa collection automne-hiver 2016. Un article d’i-D l’alerte sur les dégâts environnementaux de la production de fausse-fourrure. « Cela m’a fait vraiment réfléchir, nous confie la créatrice. Si je peux justifier mon choix en me disant que ce que je crée va durer dans le temps, car les gens vont l’aimer, le garder toute leur vie et le passer à la génération suivante, alors ça ne me pose pas de problème d’utiliser de la fausse fourrure. Dans le cas contraire, je chercherai un autre textile qui peut être aussi doux, fun et luxe que la fausse fourrure. »
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