Au lendemain de la circulaire de Valls sur l’interdiction de ses spectacles, trois villes ont déjà pris des mesures pour empêcher Dieudonné, de se produire. Une interdiction justifiée difficilement par le « risque de troubles sérieux à l’ordre public ».
Un faux départ pour la tournée de Dieudonné. Ses deux premières dates, jeudi à Nantes et vendredi à Tours, font l’objet d’arrêtés d’interdiction pour “risque de troubles sérieux à l’ordre public”. Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, a également pris une mesure pour empêcher la tenue de la représentation du 26 janvier dans sa ville. Les maires de Metz et de Nancy ont aussi fait part de leur intention de faire interdire le spectacle.
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Une interdiction difficile à justifier
Les arrêtés pris par les maires ou les préfets ne sont en fait pas définitifs, ils peuvent être annulés par un juge administratif s’ils ne respectent pas les libertés fondamentales. Ici, tout le problème réside dans la difficulté à prouver le “risque de troubles sérieux à l’ordre public”. Pour être interdit, il faudrait que le spectacle génère des risques importants tels que des émeutes ou des attentats.
Dans un billet de blog intitulé « Pourquoi il ne faut pas faire taire Dieudonné (mais il ne faut pas l’écouter non plus)« , Maître Eolas explique :
« L’interdiction ne doit être que le dernier recours, le premier étant par exemple de déployer les forces de l’ordre pour l’assurer, cet ordre, justement. (…) Les spectacles de ce comédien ont lieu depuis des années dans un théâtre, sans problème particulier. Sortir de son chapeau un risque de trouble à l’ordre public tel qu’on ne peut que les interdire est une ficelle un peu grosse pour qu’un juge administratif ne la voit pas. »
Dieudonné a d’ailleurs fait part de son intention de contester toute interdiction devant les tribunaux administratifs. Une procédure en référé qui donne au juge 48 heures pour décider si le risque est assez fort pour justifier une limitation des libertés d’expression et de réunion. Jusqu’ici, la justice a déjà donné raison une quinzaine de fois à l’humoriste qui s’était retourné contre des interdictions de représentation.
Une seule fois, « une petite commune a bien réussi à interdire Dieudonné, mais c’est parce qu’elle n’avait que deux policiers à sa disposition » rappelle dans Libération Anne Baux, présidente de l’Union syndicale des magistrats administratifs.
Une atteinte au respect de la dignité humaine ?
Dans la circulaire envoyée hier aux préfets, et publiée par Le Parisien, le ministre de l’Intérieur met en avant des « infractions liées à des propos ou scènes susceptibles d’affecter le respect dû à la dignité humaine, qui est une composante de l’ordre public« . Manuel Valls s’appuie en fait sur une décision du Conseil d’Etat du 27 octobre 1995 qui avait interdit un spectacle de lancer de nains en raison de son atteinte à la dignité humaine.
Les propos antisémites déjà tenus par Dieudonné lors de ses spectacles pourraient alors rentrer dans cette catégorie, mais il semble difficile d’interdire un spectacle en prévision de propos qui pourraient être tenus par l’humoriste, dans des sketchs qui peuvent varier d’une ville à l’autre et où l’improvisation a une part importante.
Des manifestations à venir
Quoi qu’il advienne, de nombreuses associations ont déjà annoncé leur intention de tenir des manifestations contre l’humoriste. Avant l’annonce de l’interdiction du spectacle à Nantes, la famille Klarsfeld avait prévu de manifester jeudi devant le zénith de la ville, « au nom des fils et filles de déportés juifs« .
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a également lancé un appel à manifester dans toutes les villes où devrait se produire Dieudonné en 2014. Enfin, l’association Europe-Israël a prévu de se rendre devant le théâtre de la Main d’Or (dont Dieudonné est le locataire) le 16 janvier prochain pour « stopper définitivement cet antisémite« . Des mouvements sionnistes radicaux tels que le Betar et la Ligue de défense juive (LDJ) ont d’ores et déjà répondu à l’appel.
Cette rencontre promet d’être explosive. En décembre six jeunes avaient été mis en examen pour avoir voulu « punir » des auteurs du geste de la quenelle.
Dans une vidéo YouTube intitulée « 2014 sera l’année de la quenelle ! », Dieudonné a réagi à ces annonces : « Je suis pour la manifestation, mais attention les gars. (…) Le problème c’est qu’il y a des gens en face qui ne sont pas contents non plus, et ils sont motivés. » Avant de tempérer ses propos, « moi je suis contre la violence et je ne suis pas antisémite« , et de repartir dans la provocation, « mais je ne dis pas que je ne le serai jamais, je me laisse cette possibilité« .
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