Comment le petit Romuald s’est pris pour le père Noël chez le kiosquier de son papa.
Coup de tonnerre au kiosque où j’étais parti t’acheter en compagnie de Romuald.
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“Des Pokémons, des Pokémons, des Pokémons !
– On dit des Pokémons, s’il te plaît.
– Des Pokémons, steuplé steuplé steuplé !
– Bah, non, mon gars. On n’achète pas des Pokémons comme ça n’importe quand, pour rien. Tu demanderas des Pokémons dans ta liste au père Noël, si tu veux, mais pas là
– C’est pas zuste. Et puis d’abord, le père Noël, il existe pas.”
Là, il m’as mis KO le petit. Comme Jérôme Kerviel au moment où l’affaire du même nom éclate, “j’ai l’impression qu’une vague de 40 mètres m’arrive droit devant, je n’ai pas d’autre solution que de me la prendre sur la figure.” Mon fils a 6 ans, et il va être temps de faire le point sur la première escroquerie de masse dont il a été, comme tant d’enfants, victime.
“Exact, fils: le père Noël n’existe pas. C’est une histoire inventée par les grands pour les enfants. Comment t’as deviné ? ” Romuald arrête instantanément de pleurer, et quelque chose de plus triste s’installe sur son visage, quelque chose qui ressemble à ce que Sara Forestier a composé dans le film Suzanne, “une douleur sourde, mate”, une “douleur qui déforme un peu son visage, qui le tord à peine”.
En fait, il y croyait encore au père Noël, c’était juste un test, et je suis celui par lequel un monde s’effondre. Ca tourbillonne, c’est l’ouragan Katrina dans sa petite tête. Et comme dans la série Treme, il va devoir apprendre à vivre “dans cette réalité nouvelle où chacun se retrouve seul” et où les petits papas Noël ne descendent pas du ciel pour vous donner tout ce dont vous avez rêvé : des jouets par milliers, des déguisements de superhéros, des boulots à la hauteur de vos rêves et des histoires d’amours qui ne finissent jamais.
Mais papa, pourquoi les adultes mentent aux enfants si c’est mal de mentir ? Et merde ! J’ai enfanté Patrick Bruel, version “qui a le droit d’faire ça à des enfants qui croient vraiment c’que disent les grands” Et que lui répondre ? Que le mensonge, c’est ce qui rend la vie plus supportable ? Que c’est pour ça que les adultes n’en finissent pas de mentir, de se mentir, d’inventer des pères Noël, des dieux, de la magie, pour croire qu’ils ne sont pas totalement sans arme face aux tragédies qui leur tombent dessus ? Qu’au Nigeria, “la crise aidant, le recours à la sorcellerie s’est nettement développé”, qu’au nom de cette magie, on trafique des humains en pièces détachées “une main 25 euros, un pénis, c’est 50, un sein de femmes, c’est 75”, et que du coup, même si j’ai participé au grand mensonge collectif, je suis bien content qu’il en soit enfin débarrassé, du gros ventru à barbe blanche et bonnet rouge qui fait le tapin devant les vitrines des grands magasins ?
“Mais alors papa, si le père Noël existe pas, qui fait les cadeaux ? Bah, les adultes. En fait, le père Noël, c’est ceux qui ne croient plus au père Noël ?
– Un peu, oui.
– Donc moi, si je fais un cadeau à mon petit frère, je deviens le père Noël ? C’est génial, papa !”
Alleluia ! J’ai enfanté Nelson Mandela, putain. Finalement, ça valait le coup ce mensonge crétin de père Noël. Romuald aura eu besoin de cette désillusion pour, comme Nelson, “faire preuve d’une si belle sagesse et atteindre pareille grandeur.” Et je dis pas ça parce que c’est mon fils !
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