Norma, nouveau roman de Sofi Oksanen, a pour toile de fond l’exploitation du corps des femmes. L’héroïne, dotée d’une chevelure aux pouvoirs magiques, va mener l’enquête. Inégal.
Dans Purge, qui l’a révélée au grand public en 2010, la romancière finlandaise Sofi Oksanen racontait les humiliations subies par deux générations de femmes, en Estonie, entre les occupations nazie puis soviétique.
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Son nouveau roman, Norma, plonge dès ses premières pages dans cette même occultation de l’intimité des femmes ; leurs non-dits, ces violences dont elles sont victimes et qui font de leur corps un objet de honte.
Un thriller déroutant
Il ne s’agit plus ici de prostitution mais de trafic d’utérus, de mères porteuses, du commerce de cheveux venus du Nigéria, d’Ukraine ou de Thaïlande, via des salons de coiffure spécialisés.
Un sujet qui aurait pu donner une enquête passionnante mais qui devient, sous la plume élégante et endiablée de l’écrivaine, un thriller déroutant aux limites du surnaturel.
Malédiction
C’est l’histoire de Norma, fille d’une trentaine d’années, dont la mère se jette sous un métro. Passée l’étrangeté du deuil, l’héroïne refuse d’accepter la version du suicide.
Car Norma n’est pas une fille comme les autres : ses cheveux ont un pouvoir, une malédiction remontant aux sorcières d’antan. Ils poussent sans cesse, l’obligeant à les couper plusieurs fois par jour, et sont dotés d’un sixième sens : ils “sentent” les êtres et leur âme. Sa chevelure flaire ainsi la peur, la fausseté, le mensonge.
Ode à la féminité
Le cinquième livre d’Oksanen n’est pas parfait. Il s’égare parfois dans des détails inutiles, une intrigue façon polar mainstream qui fait recette de cuisine. Pourtant, son écriture baroque et l’univers à la Donna Tartt ou Tim Burton qu’elle crée, font oublier ces défauts et procurent au lecteur des moments d’exaltation, comme on en ressent face à un parfum rare, étrange et envoûtant.
C’est aussi une ode à la féminité et ses pouvoirs enchanteurs, encore et toujours bridés par le “sexe fort”. A l’image de ces cheveux sublimes et indomptables, suppléants d’âme réduits à devenir un produit de consommation.
Comme l’écrit la mère de l’héroïne, dans un constat lucide qui pourrait faire office de manifeste féministe : “De nos jours, les femmes ont les mêmes droits, les mêmes chances, et pourtant nous ne recueillons pas les fruits de la victoire. Nous offrons juste des matériaux aux industries de la beauté, nous offrons notre travail, de siècle en siècle, nous offrons notre visage, nos cheveux, notre utérus, nos seins, et les hommes continuent d’empocher les bénéfices.”
Norma (Stock), traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, 396 pages, 22 €
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