L’une des nouveautés les plus attendues de la saison, « Almost Human », déçoit beaucoup. Comment faire de ce ratage une expérience réussie de sériephile ?
Un(e) ami(e) sceptique vous demande de lui faire découvrir le monde merveilleux des séries, cet étrange territoire d’amour et d’addiction dont vous lui parlez tout le temps. Vous êtes fatigué, un peu impatient aussi, et vous choisissez bêtement l’une des dernières nouveautés de la rentrée, Almost Human, sous prétexte que la personne en question a lu tout Philip K. Dick et adore la science-fiction. Après quelques minutes du premier épisode, vous comprenez votre erreur, parce que c’est plutôt nul. Arrêter tout suite ? Ce serait mieux pour tout le monde, mais vous n’osez pas. Vous laissez votre ami(e) se gausser de cette histoire de flics dans le futur, où la moitié des effectifs de terrain est composée d’androïdes. L’ingénu(e) relève avec raison que tous les clichés du genre sont présents, de l’ambiguïté des rapports entre robots et humains aux images d’une ville du futur évoquant Blade Runner et A. I., le chef d’oeuvre incompris de Spielberg – en moins bien, évidemment.
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Pour ce qui est du récit, la série emprunte l’autoroute narrative de plus en plus contrite des fictions diffusées sur les networks, les chaînes hertziennes historiques soutenues par la pub. Une info que votre invité(e) ne connaissait pas et que vous venez de lui apprendre. Vous avez repris la main, bravo. C’est le moment d’étaler votre science qui n’est utile que dans ce genre de circonstance spéciale. Vous expliquez avoir souhaité jeter un oeil sur cet objet filmique banal pour plusieurs raisons. Tout d’abord, son créateur, J. H. Wyman, est un ancien de Fringe, la belle série existentielle et futuriste où il était question de réalités parallèles. Ensuite, l’un des producteurs exécutifs d’Almost Human n’est autre que J. J. Abrams, qui se fit connaître de la fin des années 1990 au milieu des années 2000 avec Felicity, le pilote de Lost et l’émouvante Alias. Ce garçon semblait avoir inventé la série grand public sentimentale et conceptuelle, avant qu’Hollywood ne s’aperçoive vraiment de son talent et ne fasse de lui le nouveau Steven Spielberg – tiens, encore lui – mâtiné de George Lucas.
Entre ses nombreuses réalisations pour le cinéma (Super 8, Star Trek – Into Darkness, Star Wars en prévision, etc.), J. J. Abrams n’a plus le temps matériel de travailler sérieusement sur les séries qu’il continue pourtant à mettre au monde, probablement pour des raisons financières. Cela a donné quelques ratages comme Alcatraz, Revolution et Undercovers, mais aussi quelques réussites comme Fringe et Person of Interest. Tout espoir n’était pas perdu, tel est votre argument. Mais désormais, tout espoir de voir J. J. Abrams produire une grande série est effectivement perdu. Le sériephile apprend lentement.
Si vous n’avez pas encore tout à fait gagné la partie, sortez vos dernières cartes. La première s’appelle Minka Kelly. Second rôle peu intéressant dans Almost Human, cette jeune brune un peu triste a eu une autre vie plus fascinante. Elle s’habillait parfois en cheerleader dans Friday Night Lights, une série pour laquelle il est permis d’employer le terme de chef-d’oeuvre : l’Amérique profonde, les entrailles d’une ville rongée par la crise et sublimée par son équipe de foot, un mélo en plein dans son époque. Que dire d’autre, sinon que des amis, voire plus si affinités, se doivent de partager ce genre de secret magnifique ? Proposez une séance de visionnage. Quelques jours plus tard, quand vous sortirez les yeux rougis par le souvenir de tant de beauté concentrée en soixante-seize épisodes, profitez de la confusion pour brandir le DVD de Real Humans. La vraie, la seule bonne série sur les robots et les hommes disponible aujourd’hui, fabriquée en Suède. Dans quelques heures, vous aurez enfin converti un être humain à votre passion.
Almost Human sur Fox
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