Le grand boubou blanc et le sourire ouverts en signe de bienvenue, Mory Kanté, version troisième millénaire, affiche l’hospitalité rayonnante d’un chef de village heureux. Comme nous l’enseignera très vite Sabou, ce bonheur c’est avant tout le nôtre. Car redoutable se révèle bien souvent l’exercice qui consiste à vouloir transmettre à un individu doté de […]
Le grand boubou blanc et le sourire ouverts en signe de bienvenue, Mory Kanté, version troisième millénaire, affiche l’hospitalité rayonnante d’un chef de village heureux. Comme nous l’enseignera très vite Sabou, ce bonheur c’est avant tout le nôtre. Car redoutable se révèle bien souvent l’exercice qui consiste à vouloir transmettre à un individu doté de sensibilité et de curiosité, mais qui ne connaîtrait rien de l’Afrique de l’Ouest, le sentiment que nous inspire cette région après l’avoir visitée. Aussi trouve-t-on sur ce disque toute une palette d’émotions, de couleurs et de sons qui se substitueront avantageusement aux mots pour exprimer l’essentiel.
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Sabou n’est pas un autre disque du griot guinéen. Il n’est surtout pas la énième tentative de retrouver la formule magique qui avait fait de Yéké Yéké, en 1987, le premier crossover gagnant de l’histoire de la musique africaine. Il n’y a là ni positionnement, ni stratégie, ni surtout la préméditation qui préexiste à tout cela. Mais en revanche, il y a les tons et les saveurs premières, les chatoiements et les enchantements, les fluides et les essences de cette tradition mandingue dont Mory reste le grand conservateur, après en avoir été l’audacieux agitateur.
Il serait bien sot de s’arrêter à ce paradoxe, tant Sabou nous dit de belles choses sur les vertus progressistes d’un certain conservatisme. Il nous dit combien Mory a su mettre à profit sa cinquantaine sereine pour revenir à cet art dont l’enseignement lui fut transmis intra-utérinement, avant de nourrir son quotidien jusqu’à son envol du nid vers l’aventure du Rail Band à Bamako, vers Abidjan, Paris et le monde. Sabou n’est pourtant pas une séquence amnésique dans la discographie de Mory.
Ainsi Diananko (l’un des musts du disque) commence-t-il sur trois notes de reggae. Et nombreux sont les passages fleurant le montuno cubain ou la note bleue du jazz. Car Mory Kanté revient au nid avec dans le gosier ce pollen d’origine africaine qui l’aura nourri partout ailleurs. Il est curieux de constater qu’après Salif Keita et son excellent Mofou, c’est au tour de Mory Kanté de signer là, sans doute, son meilleur album. Où il semble s’être enfin débarrassé du clinquant superflu de la technologie pour ne plus laisser briller que la savante humanité de ses dons d’instrumentiste et de chanteur. Si bien que nous ne pouvons lui souhaiter que ceci : bienvenue chez toi Mory !
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