Il y a trente ans prenait fin la Marche pour l’égalité et contre le racisme qui a traversé la France du 15 octobre 1983 au 3 décembre 1983. La maire socialiste de Dreux, Françoise Gaspard, qui avait perdu face à l’alliance RPR-FN en septembre 1983, a été l’une des marraines du mouvement. Elle a accepté de revenir sur cet évènement historique.
Comment est né le projet de cette marche antiraciste ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’automne de 1983 est marqué par une série d’élections municipales partielles. Celle de Dreux est la première. Au premier tour, la liste du front national conduite par le numéro deux du parti, Jean-Pierre Stirbois, obtient un score jusque-là inégalé : près de 17%. Les thèmes de la campagne du FN ont été depuis des mois l’immigration et l’insécurité. Or, la droite a fait alliance avec le FN au second tour. La campagne était surmédiatisée. A cette période, j’étais en train de terminer avec Claude Servan-Schreiber un livre sur l’immigration qui nous avait conduit à rencontrer de nombreux responsables associatifs tel Adil Jazouli ou Albano Cordeiro. Nombreux sont ceux qui sont venus à Dreux pour aider la liste de gauche dans la dernière ligne droite. Après la victoire de l’alliance RPR-FN à Dreux, la marche a pris naissance aux Minguettes. Claude Servan-Schreiber et moi avons été invités à venir à Marseille pour son départ. Au départ de la marche, nous n’étions qu’une vingtaine…
Cette marche aurait-elle pu avoir lieu sans des relais politiques (militants et cadres du PS notamment) ?
La marche a été un mouvement de jeunes qui s’est appuyée sur un réseau associatif. Mais il est évident que les organisations de jeunesse des partis de gauche ont contribué à la mobilisation.
Quel regard portait le président François Mitterrand sur cette manifestation ?
La thèse que nous défendions avec Claude Servan-Schreiber était que les immigrés étaient devenus des migrants, qu’une majorité d’entre eux étaient déjà sédentarisés. Il y avait déjà ce qu’on allait appeler une « deuxième génération ». Or, les dirigeants politiques croyaient encore au retour dans leur pays d’origine. François Mitterrand semblait d’ailleurs en être convaincu.
Quels ont été les acquis de cette marche ?
L’obtention de la carte de séjour de dix ans a été annoncée à l’arrivée de la marche à Paris. Celle-ci a contribué au développement d’un mouvement associatif. Mais lorsqu’on regarde en arrière, on mesure à quel point les politiques de la ville n’ont pas été capables d’enrayer la relégation d’une partie de la population, souvent en majorité d’origine étrangère, dans des banlieues où sévissent chômage et violences. Un des grands ratages reste la promesse, jamais tenue, de l’accès des étrangers au vote. Elle aurait été un formidable moyen d’intégration dans la cité.
Propos recueillis par David Doucet
{"type":"Banniere-Basse"}