Celles et ceux qui ont grandi dans cette zone de turbulences stylistiques que l’on appelle les années 2000 ont forcément été confrontés à un questionnement identitaire incontournable : “Suis-je un(e) emo-kid ?” Une forme de panique existentielle généralement ressentie à retardement, au moment de rompre définitivement avec cette vieille pile de CD estampillés Blink-182 ou Linkin […]
Comment le rap a absorbé les motifs de la première vague emo.
Celles et ceux qui ont grandi dans cette zone de turbulences stylistiques que l’on appelle les années 2000 ont forcément été confrontés à un questionnement identitaire incontournable : “Suis-je un(e) emo-kid ?” Une forme de panique existentielle généralement ressentie à retardement, au moment de rompre définitivement avec cette vieille pile de CD estampillés Blink-182 ou Linkin Park. Les plus énervés de la secte n’ont jamais douté, et certains attendent encore la reformation de My Chemical Romance en errant les bras en croix devant les deux dernières boutiques de cosplay de Bastille.
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Si le hip-hop a depuis longtemps absorbé l’essentiel des motifs propres aux autres musiques populaires du XXe siècle, il est intéressant de constater comment la nouvelle vague de rappeurs s’approprie les codes emos du début du XXIe. Ces héros du disque immatériel s’appellent Lil Peep, Lil Uzi Vert, Lil Yachty ou XXXTentacion. Leurs tatouages et coupes de cheveux fluos pourraient leur assurer un abonnement à vie à la fashion week de Gotham City, mais c’est bien de notre côté de la réalité qu’ils imposent un spleen nihiliste fascinant, tout en exaltant la fluidité de leurs identités multiples.
Des stage-divings vertigineux de Lil Uzi Vert aux beignes de loubards distribuées par XXXTentacion, de l’absence de technique revendiquée par Lil Yachty au double tweet magique publié par Lil Peep lors de son coming-out (“yes, I’m bi sexual”/“who wants a kiss”), les idoles du rap d’aujourd’hui trouvent dans les réseaux sociaux le média idéal pour séquencer les épisodes de leur surexistence.
La torpeur, l’excitation et les phénomènes d’identification qui suivent l’écho d’hymnes comme XO TOUR Llif3 ou Look at Me rappellent à s’y méprendre le délire déjà vintage de la première vague emo. Reste à savoir si cette inquiétante mais non moins addictive B.O de la dépression ado survivra mieux au passage des années.
Azzedine Fall
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