Intriquées l’une à l’autre, fiction et réalité sont au coeur de la création de l’Argentin Mariano Pensotti et forment le motif de ce qu’on nomme “identité”.
« Au fil des années, on devient le double de soi-même, constate le metteur en scène argentin Mariano Pensotti. Un double qui est fréquemment le reflet d’une personne qui s’est construite selon un mythe qui n’existe plus.”
Son spectacle s’inspire d’un fait réel qui mêle histoire intime et histoire avec
un grand “H”. “A la fin des années 70, mon père militait pour la révolution et, lorsque la dictature s’est instaurée en Argentine, il a décidé de cacher une série d’objets compromettants – des photos, des livres, des lettres de camarades –, au cas où les militaires viendraient perquisitionner notre maison, ce qui a d’ailleurs eu lieu.”
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Enterrés dans le jardin familial, ces objets disparaissent pendant quarante ans, jusqu’au jour où les nouveaux propriétaires creusent une piscine, retrouvent le sac et le font parvenir à son père : “Il s’est alors retrouvé en possession d’une capsule temporelle renfermant les traces de quelqu’un qu’il avait été et qu’il n’est plus.” L’indice de cette transformation, c’est
un objet qui ne ranime aucun souvenir, dont son père ne sait ce qu’il fait au milieu des autres et qui va servir de fil conducteur aux parcours des personnages: un metteur en scène, faux double de Pensotti, confronté à celui qui usurpe son identité de créateur, sa femme, sa maîtresse, son père, ses collaborateurs et leurs rêves piétinés ou métamorphosés par la vie.
L’esthétique désuète, inspirée par un musée archéologique de Patagonie
visité enfant par Mariano Pensotti, inscrit chaque tableau dans un décor constitué de panoramas mobiles de paysages et d’animaux retraçant la diversité des paysages et des époques en un fondu enchaîné surréaliste, de tapis roulants où défilent des objets et des reconstitutions de scènes de la vie quotidienne, qui permet au spectacle de relier des situations a priori déconnectées entre elles, mais qui participent du même puzzle narratif.
Construit comme un roman en plusieurs chapitres, Cuando vuelva a casa voy a ser otro creuse avec humour les implications de son postulat : “L’identité, c’est pas être soi-même, c’est imiter quelqu’un.” Il faut autant d’humour que d’humilité pour l’accepter, d’autant que le ressort par lequel on s’invente constamment, pour échapper au carcan des déterminismes, a un prix : la conscience que “l’identité est en transformation permanente et, en nous tous, il existe une tension fascinante entre la pulsion et le désir d’être autre, la tragédie de n’être qu’un et, en contrepoint, l’angoisse de cesser d’être ce que nous sommes.”
Fabienne Arvers
Cuando vuelva a casa voy a ser otro (quand je rentrerai à la maison je serai un autre), texte et mise en scène Mariano Pensotti. En espagnol surtitré en français.
Du 18 au 25 juillet (relâche le 22) à 18 h, la Fabrica, festival d’Avignon
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