L’ego trip mystique de Lëk Sèn, la poésie créole de Nathalie Natiembé et Keziah Jones en super-héros africain, c’est le tour du monde proposé par Louis-Julien Nicolaou.
Keziah Jones, super-héros pour l’Afrique
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Planté sur le toit d’un camion ou surplombant l’agglomération tentaculaire de Lagos, Keziah Jones revient sous une nouvelle identité, Captain Rugged, super-héros courageux et charitable qui se heurte à l’incrédulité des siens. Sujet central de son dernier album, les aventures picaresques de Rugged offrent à Keziah l’occasion de refonder son blufunk en afronewave, valorisation musicale et philosophique de l’homme africain d’aujourd’hui, fort, ingénieux, capable de s’adapter à toutes les modernités sans renier ses traditions. L’énergie et la fierté qui débordent de l’album Captain Rugged sont le fruit de cette conviction. Elles laissent présager d’excellentes soirées, les 16 et 17 décembre au Bataclan.
Mamar Kassey, légende du Niger
Mené par le fabuleux chanteur et flûtiste Yacouba Moumouni, Mamar Kassey est plus qu’un groupe, une communauté d’hommes et de femmes dont la démarche est aussi bien artistique que politique. Les foisonnantes traditions musicales nigériennes permettent à Yacouba de plaider en faveur d’une modernisation des mœurs qui s’appuierait néanmoins sur la sagesse africaine séculaire, et de caresser le rêve de voir s’estomper les clivages ethniques, ce staphylocoque responsable de tant de maux en Afrique de l’Ouest. Enregistré pour l’excellent label breton Innacor avec la complicité du flûtiste Jean-Luc Thomas, Taboussizé bénéficie d’une production dépouillée qui met en valeur le groove imparable et les mélodies d’une grande pureté du groupe. A ce degré de sincérité et de qualité de jeu, on ne peut parler que de beauté, au sens absolu du terme.
Nathalie Natiembé, poétesse créole
Eprise à la vie à la mort de poésie, Nathalie Natiembé ne connaît pas la triche. Chacun de ses mots est l’expression d’un vécu, mal au cœur, ivresse, trop-plein de joie ou d’amertume que berce sans cesse le bruissement d’une nature immense, impalpable et omniprésente. Ces mots, elle les frappe, elle les choque, dans un maloya auquel elle s’accroche depuis toujours comme un naufragé à sa bouée, sans pour autant cesser de le traiter avec rudesse, en rockeuse anar, Ferré féminin qui parcourrait les rivages créoles. “Rien à faire, mon bouche i veut crier”, lance-t-elle dans Flakdolo, au cœur de son nouveau disque, Bonbon Zetwal. Un cri superbement musical qu’il faudra recueillir le 6 décembre, au Studio de l’Ermitage.
Harold López-Nussa revient à Cuba
Dès la première écoute, la délicatesse du toucher, la finesse du swing et la palette émotionnelle des compositions ne laissent planer aucun doute : Harold López-Nussa est de ces pianistes complets qui ont étudié le classique – il le pratique toujours et a notamment enregistré le quatrième concerto pour piano du grand compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos – avant d’aborder le jazz et ses improvisations. En quelques années, ce prodige de 30 ans est ainsi devenu l’une des figures les plus stimulantes du «jazz cubain », qu’il élabore en s’accompagnant de percussions, contrebasse et trompette. Enregistré à la Havane, A New Day, son cinquième disque, est porté par l’émotion revigorante du retour à la terre natale, à la douce fraîcheur des aubes caribéennes et à l’espoir de plénitude qu’offrent les vastes horizons marins.
Les éthiopiques de l’Imperial Tiger Orchestra
L’Ethiopie est un pays si fertile en mélodies et en rythmes qu’il représente à lui seul un continent. Quand, comme l’Imperial Tiger Orchestra, on se met à explorer ses divers âges musicaux et à ausculter minutieusement les innombrables disques et cassettes qui en ont conservé la trace, ce continent lui-même n’en finit plus de se dédoubler. Pour autant, le groupe de Genève ne cherche pas à figer cette mémoire, préférant s’en servir d’argument pour élaborer sa propre dynamique. Les instrumentaux colorés de Wax peuvent ainsi évoquer aussi bien le P-funk que le jazz, l’electro ou le dub, le seul fil directeur, outre l’Ethiopie, étant l’évidente volonté de faire danser. Ce qu’on ne manquera pas de faire, le 30 novembre au Studio de l’Ermitage.
Oana Cătălina Chiţu chante Maria Tănase
En sortant Divine, Oana Cătălina Chiţu paye son tribut à Maria Tănase, splendeur faite femme, reine de la chanson populaire roumaine dont la destinée dramatique s’est achevée il y a cinquante ans. Si l’album est consacré aux plus belles de ses chansons, Oana ne se laisse pas pour autant écraser par son aura. Aux folles cavalcades des orchestres tziganes actuels, elle substitue une orchestration douce (cymbalum, accordéon, saxophone…) qui ranime l’atmosphère des cabarets roumains des années 30 et 40, quand les mélodies des Balkans pouvaient s’orner des flonflons de l’Europe de l’Ouest sans qu’aucun mur ou fil barbelé ne vienne les en empêcher. Elle rappelle ainsi que, n’en déplaise à certains, les artistes roumains ont bien vocation à participer au rayonnement culturel de l’Europe.
http://www.youtube.com/watch?v=Bfmg1I5JJY8
L’Imaginarium de Kevin Seddiki et Bijan Chemirani
Percussionniste très prisé dans le circuit des musiques du monde, Bijan Chemirani est néanmoins resté fidèle à son instrument de prédilection, le zarb iranien, dont son père Djamshid lui a transmis la science, ainsi qu’à son désir de mêler ses rythmes aux vibrations d’instruments à cordes. Si lui-même pratique le kamantchê, c’est auprès du joueur de lyra crétoise Ross Daly ou du guitariste flamenco Juan Carmona qu’il a d’abord assouvi cette envie. Mais la complicité établie avec Kevin Seddiki, guitariste qui a notamment accompagné Al di Meola, est plus profonde encore et permet à leur album commun, Imaginarium, de déployer une musique sereine et habitée d’inspiration jazz aussi bien qu’orientale et folk.
Du Bartàs, langue d’oc en Méditerranée
Attaché à son Languedoc natal, Du Bartàs ravive les anciennes rondes et complaintes occitanes pour les mettre au service de textes contemporains. Laurent Cavalié, le meneur de la troupe, a senti que pour survivre, cette culture devait trouver des échos dans les temps actuels. Il a aussi perçu la nécessité de la confronter à des sonorités orientales, mettant au jour un cousinage qui, à l’écoute, prend force d’évidence. Un air de Tarara (chant espagnol) par ici, une mélopée arabe par là, des tambourins et des chœurs partout, Tant que vira… dépeint une vaste contrée plantée de villages, de vignes et de Super U où passent des hommes malheureux, de belles filles et de fiers anarchistes. La métaphore d’un brassage permanent qui inspire à Cavalié cette conclusion : « Sèm totis bastards ! » (« Nous sommes tous des bâtards ! »).
Lëk Sèn, rude boy sénégalais
Sorti l’année dernière, Tomorrow imposait le flow rugueux et le reggae métissé de hip-hop et de folk africain de Lëk Sèn. Intarissable, le bouillonnant chanteur lance déjà une nouvelle offensive avec Hope Inna Afreeka, dans lequel il confronte l’électricité de la vie urbaine à l’infernale chaleur nocturne de la brousse. Cette atmosphère d’orage permanent, quand le pouls s’emballe et que l’excitation ne cesse de croître favorise l’ego trip et le mysticisme du soul rebel : “Rappelle-toi que je suis chaud comme le feu / Dieu sait que si tu me touches, tu te brûles / Je suis anti-vampire / Un vrai fumeur de kaya” chante-t-il sur Koraman. Mais Hope Inna Afreeka est plus qu’un disque, c’est aussi une action solidaire, puisque les bénéfices réalisés sur ses ventes serviront à la création d’une école à Ngor, village de pêcheur où Lëk Sèn a grandi.
http://www.youtube.com/watch?v=uMBQHPvo2jU&feature=youtu.be
L’agenda des concerts
Le froid arrive, il est temps de se planquer dans les salles de concert, d’autant que les ambiances les plus chaudes sont à prévoir. Le 28 novembre, Carlton Rara ouvre le bal en se produisant au Petit Bain. Le 29, on monte d’un cran avec Lëk Sèn au Zèbre de Belleville, pour une soirée qui sent bon… ce que sentent habituellement les concerts de reggae. Le 2 décembre, nouveau cap, cette fois vers le cosmos, dans un Bataclan ivre livré à Yom. Autres extases, africaines cette fois, Debademba se produit le 3, au Café de la Danse et Djeli Moussa Condé le 7, au New Morning. Le 9, courez apprécier la fougue kurde de Nishtiman au Café de la Danse et le 19, la classe de Fredy Massamba au Studio de l’Ermitage. Le même soir, Isabel Sörling passe au New Morning avec Ibrahim Maalouf en guest. Le 11, la démence psychédélique des Meridian Brothers gagnera le Point Ephémère. Enfin, pour (se) finir en beauté, on s’en remettra aux furieux ambianceurs de Black Bazar, le 13 au Pan Piper.
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