Lancée suite à l’élection de Donald Trump, la plate-forme CrossCheck réunit trente-sept médias ayant décidé d’agir ensemble contre la prolifération des fausses informations sur la toile. La présidentielle française lui offre un terrain d’expérimentation idéal.
Et si l’entraide était le meilleur moyen de lutter contre les fake news ? C’est en tout cas le pari que se sont lancé trente-sept médias français et internationaux. Le 28 février, une organisation à but non lucratif appelée First Draft News et Google News Lab mettaient en ligne une plate-forme pour lutter contre la propagation de fausses informations.
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Baptisée “CrossCheck” (“contre-vérification”), elle vise à instaurer une collaboration entre différents médias pour produire davantage d’articles de fact-checking. En coordonnant leurs moyens, Le Monde, Libération, l’AFP ou encore La Voix du Nord œuvrent plus efficacement contre la diffusion de rumeurs sur les réseaux sociaux.
Cohésion et transparence
CrossCheck est née suite à l’élection de Donald Trump, en novembre 2016, alors que la circulation de fausses informations, et leur impact sur la victoire du magnat de l’immobilier, agitent les Etats-Unis (lire pages précédentes). “Il était urgent pour les médias de réaffirmer leur importance, martèle Sam Dubberley, représentant de First Draft News, qui coordonne la plate-forme. Et l’élection présidentielle française arrivait au bon moment pour expérimenter CrossCheck.”
Le constat est clair : face à une perte de confiance et une impopularité grandissante, les médias traditionnels doivent changer leur approche quant au traitement de l’information. Deux défis s’imposent alors au projet : arriver à faire travailler ensemble trente-sept rédactions, tout en instaurant de la transparence dans le processus de production journalistique.
Investigation collective
“Il y a aujourd’hui une tendance à négliger la véracité des faits. Or, c’est aussi un angle de couverture de la campagne présidentielle qui est très important”, insiste Jules Darmanin, journaliste à BuzzFeed et membre de CrossCheck. “Malgré des lignes éditoriales différentes, il est nécessaire de montrer que l’on peut se rejoindre sur la défense des faits”, renchérit Adrien Sénécat, journaliste aux Décodeurs du Monde.
Le principe est simple : tous les membres peuvent alerter les autres lorsqu’une information qui paraît douteuse commence à prendre de l’ampleur sur les réseaux sociaux. Démarre ensuite une sorte d’investigation collective où plusieurs rédacteurs vont œuvrer à leur manière, avec leur savoir-faire, pour débusquer l’information. Seule condition primordiale : une information doit être systématiquement fact-checkée par un deuxième média pour obtenir le tampon “faux”, “douteux”, “sans conclusion” ou “vrai”. Une dépêche est ensuite rédigée sur le site de CrossCheck.
Repérer les publications virales
Le tout est réalisé de manière volontairement pédagogique, puisque n’importe quel internaute peut ensuite retracer le cheminement effectué par les journalistes grâce aux liens. Un formulaire est également mis à disposition des lecteurs pour signaler un fait ou une rumeur qui leur paraissent suspects. Les membres de la plate-forme peuvent se saisir de plusieurs outils de coordination et de veille, comme CrowdTangle, qui permet de repérer les publications qui commencent à devenir virales sur les réseaux sociaux.
Parmi l’une des histoires débusquée par CrossCheck, on retrouve celle de la page Facebook “On aime la France sans islam”, qui avait partagé un article sur une affaire de pédophilie en France en l’illustrant avec une photo d’une petite fille voilée, prise en réalité en Indonésie en 2008. “Nous partons du principe que les fausses informations peuvent influencer la campagne présidentielle, et tout l’enjeu est de donner aux citoyens le pouvoir d’aller voter avec toutes les cartes en main, explique Anaïs Condomines, journaliste à LCI. Chacun est libre de faire son choix, mais au moins les faits sont là”, conclut-elle.
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