Eric Gallois a une bête noire : le revêtement trop sombre des routes. Selon le pyschiatre, il rend dépressif et participe au réchauffement climatique. Interview.
Comment un médecin en vient à combattre le noir des routes ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Eric Gallois – Quand on sillonne les routes de nuit comme de jour pendant trente ans, on prend conscience de l’importance de cette surface sur laquelle on se déplace. Avez-vous remarqué qu’on regarde bien moins le plafond et le ciel, même azuré, que le chemin sous nos pieds ? Le sol est notre cinquième façade. Dans ma région, jusqu’aux années 70-80, les routes de campagne étaient roses. Les nuits d’hiver, sous la pluie, ces routes reflétaient une certaine luminosité. Elles n’inspiraient pas de peur ni d’angoisse. Il y a une dimension esthétique qui apaise.
Et c’est si grave docteur ?
Le noir foncé du bitume a des conséquences climatiques. Les routes sombres sont des îlots de chaleur qui peuvent entraîner une augmentation de 10 à 20 degrés par rapport à un sol clair. Un impact écologique qu’on n’a plus le droit de négliger. La perte de luminosité a aussi des conséquences sur l’humeur. Elle induit l’angoisse et l’état dépressif.
Alors, pourquoi être passé aux routes noires ?
Les routes sont faites de goudron noir. Avant, un matelas de petits cailloux, de la couleur de la pierre régionale – rose chez nous – y était ajouté. Pour des raisons financières, on a éliminé les cailloux des constructions. Une petite économie qu’on subit tous les jours et pendant trente ans environ, la durée de vie du bitume.
D’après vous, moins de routes noires signifieraient moins de dépressifs?
À Sainte-Anne, hôpital de pointe sur la question, on a un service de photothérapie dédié à la dépression. Cette thérapie régule les troubles du sommeil et les troubles neuro-dépressifs. On l’utilise aussi contre la démence sénile et les troubles graves de l’humeur des femmes enceintes. Si la lumière joue positivement sur les esprits, l’obscurité peut anéantir le moral. Personne ne pense aux routes noires alors qu’elles sont omniprésentes. Elles envahissent notre quotidien. N’importe quel conducteur, piéton ou cycliste au long cours, peut succomber à l’angoisse du noir.
À New York et aux Pays-Bas, les toits sombres sont sur le point d’être interdits pour lutter contre le réchauffement climatique. Faut-il proscrire le noir de toutes les constructions ?
Tout est une question d’adaptation. Par exemple, en Bretagne, les toits traditionnels sont sombres mais c’est cohérent, car on y manque de chaleur. Dans les pays du sud, les maisons et les routes sont claires. Je ne suis pas pour une limitation systématique du noir. Mais aujourd’hui, c’est le noir des routes de campagne qui est omniprésent. Du coup, tout est pareil, dans toutes les régions et dans tous les pays. Nous perdons une part de notre patrimoine pour des raisons économiques minimes.
{"type":"Banniere-Basse"}