Concurrence acharnée, baisse des recettes, nouvelles gouvernances, conflit social qui couve : partout dans le monde audiovisuel français, l’ambiance est incertaine et explosive.
Radio France
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Encore brûlants, même s’ils semblent un peu étouffés en apparence, les souvenirs du conflit social du printemps dernier – 28 jours, soit la grève la plus longue de l’histoire de la radio publique – pèsent sur la rentrée de Radio France.
Les inquiétudes des salariés concernant de possibles suppressions d’emplois à venir (on parle de 350 postes), les tensions palpables ces derniers mois entre la ministre de tutelle Fleur Pellerin et le patron Mathieu Gallet, les blocages répétés d’un dialogue social insuffisant au sein de l’entreprise, un trou budgétaire toujours pas comblé par des ressources introuvables, le renvoi soudain au cœur de l’été du patron de France Culture, Olivier Poivre d’Arvor (remplacé par son adjointe Sandrine Treiner) : devant tous les dossiers sensibles accumulés depuis des mois et gérés avec plus ou moins de maladresse, beaucoup en interne dénoncent, comme l’a fait le Syndicat national des journalistes, “une image très sombre de la gouvernance”.
Pas de quoi déstabiliser Mathieu Gallet, étonnamment serein le jour de la conférence de presse de rentrée, qui a présenté les changements dans les grilles des sept radios du groupe et les quelques chantiers éditoriaux en cours (consolider les audiences, relancer France Musique avec Marc Voinchet, nouveau directeur, à la manœuvre, un nouveau site de France Bleu, la volonté de faire de la Maison ronde un lieu culturel, énième transformation de Mouv’…).
Par-delà les nouveautés des grilles, tout le monde attend de voir de quoi sera fait le prochain COM (Contrat d’objectifs et de moyens, signé avec la tutelle), à partir duquel Mathieu Gallet pourra avancer (ou reculer) dans sa gestion d’un groupe dont les plaies ne sont toujours pas pansées.
Canal+
Sans le visage familier et la voix suave de PPD, absent du poste aux alentours de 20 heures, tout ne sera-t-il pas dépeuplé à Canal+ en cette rentrée ?
La mise sous tutelle des Guignols par Vincent Bolloré cet été, décidant de les diffuser en crypté à 20 h 50, avant de virer manu militari fin juillet l’équipe des auteurs (Lionel Dutemple, Julien Hervé, Philippe Mechelen et Benjamin Morgaine), ne trompe personne : Les Guignols ne sont plus que des survivants à l’ère Bolloré, ce nouvel âge de l’histoire de Canal+.
Malgré ce que le nouveau directeur général Maxime Saada affirmait cet été, en déclarant de manière désarmante que la chaîne avait décidé de “développer l’exposition” des Guignols puisque “nous considérons que c’est une pépite qui contribue à l’attractivité de la chaîne”.
Un modèle de langue de bois. D’autant que l’idée de sanctuariser le programme attractif pour les abonnés ne tient pas la route lorsqu’en même temps la chaîne décide de l’offrir sur Dailymotion dans la foulée de la diffusion à l’antenne.
Le renvoi du patron Rodolphe Belmer, mais aussi d’autres figures clés du groupe comme Ara Aprikian, patron des chaînes en clair (D8, D17, iTélé), ou Renaud Le Van Kim, producteur du Grand Journal, plombent en tout cas cette rentrée, même si les contours programmatiques sont en apparence préservés à travers un ballet de chaises musicales entre animateurs et chroniqueurs déjà installés : Maïtena Biraben prend les manettes du Grand Journal, renforcé par la présence de Mouloud Achour, Cyrille Eldin, Augustin Trapenard et Lauren Bastide ; Le Zapping est maintenu à 19 h 40 ; Le Petit Journal est rallongé ; Daphné Bürki arrive à La Nouvelle Edition et Ali Baddou au Supplément…
En attendant d’autres changements probables à venir au cœur de la stratégie du groupe (notamment à iTélé), la rentrée de Canal n’a jamais semblé aussi bizarre, soumise autant à la marque du traumatisme qu’à celle de son refoulement.
France Télévisions
En s’installant officiellement, le 24 août, à la tête de France Télévisions après quatre mois de tuilage et de silence radio, Delphine Ernotte-Cunci, nommée par le CSA fin avril, a enfin pu éclairer ses intentions pour l’avenir de la télévision publique.
Très floue jusque-là dans l’exposition de son projet, l’ex-directrice générale d’Orange France veut réorganiser le groupe afin de résister aux menaces extérieures qui pèsent sur lui : 10 millions d’euros de déficit attendu fin 2015, baisse des recettes publicitaires et des dotations de l’Etat, concurrence d’internet, vieillissement des publics…
Assez déterminée et habile dans le choix de ses nouveaux collaborateurs – Vincent Meslet, parti de la direction d’Arte pour diriger France 2, ou Rodolphe Belmer qui, à peine viré de Canal+, va piloter un comité stratégique de programmes censé consolider le groupe face aux géants de l’audiovisuel –, elle affrontera dans les prochaines semaines plusieurs dossiers sensibles : combler les pertes financières de France Télévisions qu’une nouvelle direction commerciale devra prendre en charge (élargissement de la redevance ? de la publicité ? développement des ressources propres via la vente de droits de production ?) ; fusionner les rédactions de France 2 et de France 3 ; relancer le dialogue social au sein du groupe ; redéployer la création audiovisuelle française, y compris à l’export.
Confirmant son souhait de lancer dès septembre 2016 une chaîne d’info en continu qui “permette de comprendre, d’exposer des points de vue différents, d’éclairer et de décrypter, au-delà de l’information brute et parfois brutale qu’on peut voir sur les chaînes en continu”, Delphine Ernotte entend faire de France Télévisions “une entreprise qui n’ait pas seulement des supports numériques, mais qui soit un vrai groupe numérique”. Il lui reste à ajuster ses moyennes ressources à ses hautes ambitions.
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