Une rentrée explosive avec, entre autres, les nouveaux albums de Lana Del Rey, New Order, Libertines, Joanna Newsom, The Shoes, Lou Doillon, Feu Chatterton!, Disclosure ou John Grant.
Joanna Newsom
L’Américaine n’avait rien sorti depuis son ambitieux triple album Have One on Me de 2010. Le premier titre dévoilé mi-août, Sapokanikan, a été mis en images par le réalisateur Paul Thomas Anderson (elle jouait dans son dernier film Inherent Vice). Il annonce un grand album, coproduit par Steve Albini, avec instruments d’orchestre, voix haut perchée, bruits d’animaux, compositions comme des féeries baroques et perverses. Pas de révolution, mais la permanence d’un talent excentrique, rare et magique, dans le monde un brin exténué et conformiste du néo-folk. SD
album Divers (Drag City/Modulor), sortie le 23 octobre
Richard Hawley
Huitième album studio pour l’Anglais Richard Hawley, et retour aux sources. Son nom d’abord, Hollow Meadows, est celui d’une bourgade un peu fantôme voisine de sa hometown Sheffield (où il a enregistré tous les précédents). Aussi, Richard Hawley l’a-t-il préparé en réapprenant à marcher dans les parcs de sa ville natale, suite à une jambe cassée et un dos esquinté. Pas taillé pour la danse, le beau Hollow Meadows avance pas après pas, mais à pas de géant, parce que Hawley commence à en connaître un rayon dans l’art languide de la ballade country-pop, patinée et satinée, puis mâtinée de parcimonieuses fulgurances électriques. SD
album Hollow Meadows (Parlophone/Warner), sortie le 11 septembre
David Bowie
Premier volume d’une série de coffrets qui va retracer l’œuvre de Bowie, celui-là aborde l’ascension de Ziggy Stardust plutôt que sa chute : six albums studio, de Space Oddity jusqu’à PinUps – inclus donc plein de tubes éternels – plus deux albums live vintage (Santa Monica ‘72 et Londres ‘73), des titres et des versions rares compilés sur deux disques et un gros livret illustré… Disponible en douze CD, treize vinyles et en version digitale. SD
coffret Five Years 1969-1973 (Parlophone/Warner), sortie le 25 septembre
Feu! Chatterton
Depuis leur découverte aux Bars en Trans de Rennes fin 2013, il n’a pas été difficile de suivre l’actualité des cinq garçons de Feu! Chatterton. Sur internet, dans la presse, en festivals : ils furent partout les mois suivants, jusqu’à la finale du concours Sosh aime les inRocKs Lab qu’ils remportèrent haut la main. Quelques mois plus tard, le groupe partait en Suède, à Göteborg, pour enregistrer son premier album avec le producteur Samy Osta (La Femme, Rover). Le résultat : une série de chansons musicalement plus souples, plus ouvertes, mais toujours dans la veine poético-écorchée de leurs débuts.
A écouter en boucle en attendant : Boeing, un single tubesque qui donne effectivement des ailes. MdeA
album Ici le jour (a tout enseveli) (Barclay/Universal), sortie le 16 octobre
Julia Holter
Au fil des albums, qu’elle publie à un rythme très soutenu, cette jeune Californienne délaisse un peu plus ses expérimentations pour s’approcher à pas feutrés de la forme pop, qu’elle domine avec un aplomb stupéfiant.
Sur Have You in My Wilderness, qui est déjà le quatrième chapitre de son passionnant roman musical, elle conserve l’essentiel de ses mystères sonores tout en provoquant l’éblouissement, à travers des mélodies qui risquent bien de nous hanter très longtemps. La pochette, lointain hommage au Horses de Patti Smith, la dévoile aussi pour la première fois sans paravent, à l’image du reste. CC
album Have You in My Wilderness (Domino/Sony), sortie le 25 septembre. concert le 16 novembre à Paris (New Morning)
William Sheller
Baptisé Stylus, le treizième album de ce prince discret de la chanson pop et poignante sortira au mois d’octobre. Il sera précédé ces jours-ci par un premier extrait, Youpylong, qui dévoile la teneur de l’ensemble. Du Sheller piano/voix/cordes, ultrasensible et majestueux, qui valait vraiment l’attente (sept ans) depuis le déjà très séduisant Avatars. Un homme heureux, qui vieillit bien, et poursuit un chemin singulier à l’écart du reste des variétés hexagonales. CC
album Stylus, sortie en octobre (Mercury/Universal)
New Order
Dix ans après Waiting for the Sirens’ Call, les vétérans de toutes les batailles de Manchester ont perdu en route Peter Hook mais retrouvé Gillian Gilbert et le chemin des studios. Le nouvel album, Music Complete privilégie cette fois l’électronique plutôt que les guitares, le trio historique, renforcé par Tom Chapman et Phil Cunningham. New Order évite l’autoparodie et tente des pistes audacieuses en acceptant la visite de guests comme La Roux, Iggy Pop ou encore Brandon Flowers des Killers. Le tout emballé comme il se doit dans une belle pochette de Peter Saville. CC
album Music Complete (Mute/Pias), sortie le 25 septembre. concert le 4 novembre à Paris (Casino de Paris)
The Shoes
Attendu depuis belle lurette, découvert partiellement sur scène (festival les InRocKs Philips, festival Fnac Live…), le nouvel album des Shoes a enfin un titre et une date de sortie : Chemicals paraîtra le 2 octobre. Après un premier album salué par la critique et le public, une poignée de remixes variés, de Shakira à London Grammar, et la production de l’album platiné de leur copain de label Woodkid, le duo revient avec ce qu’il préfère, par superstition et pour éviter l’écueil du deuxième album, présenter lui-même comme son troisième disque. Un album placé sous le signe de la pop démontée, dématée, tabassée, et pour lequel les Français ont convié, au chant, Esser, SAGE, Black Atlass et Blaine Harrison de Mystery Jets. Un mois et demi après la sortie de Chemicals, les Rémois seront à l’Olympia le 18 novembre. JS
album Chemicals (Gum), sortie le 2 octobre
Fat White Family
Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur ces flibustiers londoniens, vivant en autarcie dans un squat-bunker et responsables de quelques-uns des plus beaux concerts émeutiers de ces dernières années. On a évoqué le plus bel esprit de gang voyou depuis les Happy Mondays, un romantisme échevelé à la Spacemen 3, mais on a oublié parfois, aveuglés par des performances scéniques détraquées, le songwriting sans gimmick, sans tricherie, sans gras de ces faux durs. Qui se révèlent habiles artisans en chansons vrille-cœur sur un second album suave, lent et vicié par un psychédélisme particulièrement contagieux. JDB
album Songs for Our Mothers (Pias), sortie en octobre
concert le 13 novembre à Paris (Cigale, festival les InRocKs Philips), avec The Districts, Wolf Alice et Bo Ningen
Bertrand Belin
“Je veux bien suivre un chemin, mais sans qu’il y ait des murs sur les côtés”, nous disait Bertrand Belin il y a deux ans, à l’époque de l’album Parcs. Pour le nouveau, il garde son cap (exigence d’écriture, voix de deep-crooner, fidélité à son équipe de musiciens et au studio Yellow Arch de Sheffield), mais c’est quand même un autre cap, Cap Waller, le titre de ce cinquième album, que le chanteur poursuit sous des cieux moins pluvieux que d’habitude. La nouveauté ici, c’est l’influence de la musique qui se danse, de motifs africains, d’horizons toujours élémentaires, mais baignés par le soleil. Sans cesse en quête d’un renouvellement de la langue par l’économie des mots, Bertrand Belin a aussi mis sa musique au régime sec. C’est fertile, hypnotique, inflammable, et ça devrait garantir de belles suées pour la tournée d’automne. SD
album Cap Waller (Cinq 7/Wagram), sortie le 9 octobre
concert le 15 décembre à Paris (Bataclan)
Kurt Cobain
Brett Morgen, réalisateur du documentaire Cobain: Montage of Heck l’a confirmé. Le premier album solo de Kurt Cobain sortira le 6 novembre pour accompagner la commercialisation du film en DVD et Blu-ray. C’est donc au tour de l’ex-leader de Nirvana de mesurer, depuis l’au-delà, la toute-puissance quasi christique de son œuvre immortelle. Mais à la différence des disques posthumes estampillés Hendrix, Joplin, Notorious B.I.G. ou encore Tupac, le cas de cette résurrection par le disque pose un questionnement moral. Peut-on décemment décider de prolonger l’œuvre d’un artiste disparu, alors qu’il a lui-même choisi de la suicider ?
Sans surprise, le disque inclura des enregistrements entendus dans le documentaire mais également des inédits ainsi qu’un “sketch humoristique”. Le réalisateur n’hésite pas à conférer à ce “premier solo de Kurt Cobain” le pouvoir de nous transporter “assis dans son salon pour le regarder créer”. Quelques extraits intimes ont déjà filtré sur internet, renforçant la certitude que Cobain n’a jamais eu l’intention de publier en l’état ces morceaux enregistrés à domicile. Pas plus qu’il n’avait imaginé s’afficher sur le bonus d’un Blu-ray en 2015 pour désolidariser son image de celle de Nirvana. La qualité du disque suffira-t-elle à chasser le malaise qui entoure le projet ? Réponse le 6 novembre. AF
album sortie le 6 novembre
The Dead Weather
Une bonne nouvelle peut parfois en cacher une mauvaise. Cinq ans après Sea of Cowards, Jack White, Alison Mosshart et les Dead Weather seront de retour avec l’album Dodge and Burn, prévu pour le 25 septembre.
Mais le supergroupe a immédiatement prévenu qu’il ne programmera aucun concert. La tracklist promet douze nouveaux morceaux dont les explosifs Buzzkill(er) et Open Up (That’s Enough) publiés en 2014. Pour ce troisième album du Dead Weather, Jack White prouve qu’il peut se montrer fidèle en amitié puisque Dean Fertita (multi-instrumentiste des Queens Of The Stone Age) et Jack Lawrence (bassiste des Raconteurs) seront à nouveau de la partie. Tellement fidèle qu’il a réservé, dans un premier temps, l’exclusivité de la diffusion du clip du dernier single à Tidal, la plate-forme de streaming décriée de son pote (et associé) Jay Z. Le morceau s’intitule I Feel Love (Every Million Miles) et donne envie de prendre un aller simple pour parcourir le Tennessee en long et en large. Avec Alison Mosshart comme partenaire de route. AF
album Dodge and Burn (Third Man Records/Warner), sortie le 25 septembre
We Are Match
Un an avant Feu! Chatterton, We Are Match sortait major de la promotion 2013 du concours Sosh aime les inRocks lab. Deux années passent et le groupe revient sur le devant de la scène avec un premier album bricolé dans une maison de campagne, mais dont les sonorités évoquent davantage les rues citadines. Electronique, pop et fêtard, Shores a tout le charme de la nouvelle scène française – celle qui chante l’anglais sans accent, sans œillères et sans complexes. Mais pas sans talent ni sans ambition. MdeA
album Shores (A+LSO/Sony), sortie le 25 septembre
Disclosure
Un peu partout, des milliers de bras en l’air. Nous sommes en 2012 et le monde découvre, les yeux écarquillés et les mollets tremblants, deux jeunes Anglais qui font danser jusqu’à la transe. Très vite, les frangins Lawrence se placent parmi les plus gros ambianceurs FM, deviennent stars des festivals et tissent des liens magiques entre traditions house et modernité pop. A la clé : un énorme succès qui se poursuit en 2015 avec un deuxième album gonflé à bloc, où les collaborations (Sam Smith, Lorde, The Weeknd, Miguel, Gregory Porter…) ne sont pas qu’un faire-valoir mélodique, mais bien le signe d’une prise de pouvoir sans équivalent actuellement. Avec Disclosure, le monde appartient à ceux qui se couchent tôt (le matin). MdeA
album Caracal (PMR/Barclay/Universal), sortie le 25 septembre
Lana Del Rey
Oubliée la production nonchalante et spartiate de Dan Auerbach des Black Keys. C’est dans un édredon mince de cordes que se lovent aujourd’hui ces torch-songs au faste discret, à l’image de ces Honeymoon, God Knows I Tried ou Terrence Loves You qui simulent le désert mais abritent des luxuriances noyées dans les échos sans fin. Soit une pop de plus en plus informelle, immatérielle, lancinante comme la BO d’un film flippant et crépusculaire. A noter : au hasard d’un refrain, Lana Del Rey appelle Major Tom, le héros de Bowie lui aussi perdu dans l’espace. JDB
album Honeymoon (Polydor/Universal), sortie le 18 septembre
Pixx
Trente ans après, le label 4AD déniche en Pixx une version 2.0 de ses propres Cocteau Twins. On ne connaît pour l’instant qu’un ep riche en sensations et déstabilisations de l’adolescente londonienne, mais l’avenir donnera forcément raison à Pixx, qui reconnaît à parts égales les influences d’Aphex Twin et de Joni Mitchell. On passera l’hiver dans ses bras. Ou ses tentacules. JDB
album à venir (4AD/Beggars/Wagram)
Libertines
Anthems for Doomed Youth : c’est le titre du troisième album des Libertines. Un recueil qui marquera aussi la réunion, sur disque, de Carl Barât et Pete Doherty après plus d’une décennie de projets parallèles. Les titres Gunga Din et Barbarians ont déjà été dévoilés et, à l’heure où vous lirez ces lignes, les deux frères ennemis devraient aussi avoir foulé la scène du festival Rock en Seine. Une version deluxe de l’album est promise avec, en bonus, une demi-dizaine de morceaux enregistrés aux studios Karma Sound, en Thaïlande. JS
album Anthems for Doomed Youth (Mercury/Universal), sortie le 4 septembre
Girl Band
Après un ep fascinant de fureur et d’électricité sorti en début d’année, les Irlandais publieront Holding Hands with Jamie, le 25 septembre. Un disque mitraillé de mélodies brutales et de percussions rythmiques illogiques, capable d’évoquer la scansion du punk, la liberté du garage et les bouffées délirantes des raves. Impressionnants de générosité sur scène, les musiciens abandonnent leurs dégaines d’étudiants en école de commerce dès les premiers tremblements de chaque concert. La basse gronde, les veines temporales gonflent, les gueules rougissent. Et Girl Band déploie à une incroyable altitude un rock viscéral, délicieusement régressif. AF
album Holding Hands with Jamie (Rough Trade/Beggars/Wagram), sortie le 25 septembre
Frank Ocean
Au moment d’écrire ces lignes, le second album de Frank Ocean n’a toujours pas de date de sortie officielle. Annoncé pour le mois de juillet, le successeur du magnifique Channel Orange (2012) se fait toujours attendre et l’excitation de la fanbase du chanteur cohabite avec une impatience de plus en plus crispante. Depuis trois ans, Ocean a pris l’habitude de jouer avec les nerfs de son public en alternant déclarations d’intentions péremptoires, inédits bouleversants et effets d’annonce déceptifs. Dévoilée en fin d’année dernière, la candeur addictive du morceau Memrise reste le gage le plus fiable de la constance de ses inspirations. AF
album à venir (Def Jam)
Abd al Malik vs Laurent Garnier
Le rap et la musique électronique ont grandi dans les mêmes clubs, parfois derrière les mêmes platines, avant de se disperser. Le slameur Abd Al Malik et le pape techno Laurent Garnier accouchent d’une remise à niveau baroque où ni l’un ni l’autre n’arpente pourtant de terrain conquis. Sur ces treize titres, rappeur et producteur croisent leurs idées mais sortent surtout de leur zone de confort : on a rarement entendu Laurent Garnier livrer un 4/4 aussi serré, ni Abd Al Malik rapper avec cette hargne, cette morgue. On avait presque oublié que l’ex-dealer strasbourgeois a livré au rap français des lettres fulgurantes à la fin des années 90, et on réalise du même coup qu’il n’est jamais aussi puissant que lorsqu’il délaisse les contes d’amour patauds de ses précédents disques pour creuser son intérieur, décochant d’un flow martial une gifle dans la gueule de ses démons. On y entend Juliette Gréco et Joeystarr, la chanson française, le rap et la techno. Scarification est une collision nerveuse, un creuset où s’entrechoquent nappes acides et beats en acier trempé, verbes épineux et instants de grâce. Vénère. TBl
album Scarification (Pias), sortie le 6 novembre
John Grant
Voix impériale des magnifiques Czars, John Grant, plongé des années dans le noir tumultueux et les affres douloureux d’une vie cabossée de toutes parts mais revenu des ombres avec deux premiers albums solos splendides, est sans doute l’un des personnages les plus passionnants et tordus de l’ère moderne. Un songwriter brillant qui n’a peur de rien, d’aucun mélange improbable, d’aucun détour effrayant, d’aucune cabriole stylistique : son troisième album, croisement habile et surprenant de grande ampleur pop, de bizarreries électroniques, de funk drogué, de rock sanglant, de romantisme crasse et de beautés abyssales, est un écrin suffisamment déraisonnable pour accueillir toutes les complexités de son âme alambiquée. Grandiose sur scène, le barbu se produira le 15 novembre à la Cigale parisienne lors du festival les inRocKs Philips. L’automne sera son royaume. TB
album Grey Tickles, Black Pressure (Bella Union/PIAS), sortie le 2 octobre
concert le 15 novembre à Paris (La Cigale, festival les inRocKs Philips), avec Flo Morrissey, Tobias Jesso Jr. et Max Jury
Lou Doillon
Le successeur de Places, premier album gagnant de Lou Doillon, ne fut en rien un fleuve tranquille. Marquée par le décès de sa demi-sœur Kate Barry, Lou a bien failli ne plus y être pour personne pour de longs mois encore. C’est à Montréal qu’elle a finalement retrouvé sa route, accompagnée par un copilote de prestige, Taylor Kirk, le capitaine de Timber Timbre. A l’arrivée, le très beau Lay Low fusionne à merveille les compositions et les mélodies capiteuses de Lou avec les paysages expressionnistes de Kirk, pour un bouquet de folk-songs fantomatiques mixées en conséquence par nul autre que le producteur de Nick Cave, Nick Launay. CC
album Lay Low (Barclay/Universal), sortie le 9 octobre
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