Le numéro 1 de la webculture mainstream américaine lançait la semaine dernière sa version française. Au menu : traductions, chatons et investigation. Miaou ?
le sujet
Recensant au début de son existence (2006) tout sujet “pop” potentiellement viral, BuzzFeed fut pour un temps, une référence en matière de webculture spontanée. Epoque révolue depuis
que l’accent est mis sur la création de contenu “original”, surtout fondé sur des articles à clicks, principalement des listes, illustrées par des gifs animés. Une recette systématique (chaque jour s’affichent sur le site des sujets du type “17 raisons pour lesquelles votre journée n’est pas si horrible que ça”, “13 problèmes que seuls les fans de Call of Duty peuvent comprendre”, etc.) faite pour plaire à une cible de postadolescents surconnectés qui partagent sur les réseaux les articles qui les ont fait rire et/ou auxquels ils peuvent s’identifier. Du divertissement pur auquel s’ajoutent quelques velléités journalistiques exposées lors du lancement de la version française (quasi exclusivement composée d’articles traduits) du site la semaine dernière.
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le souci
A l’occasion de la dernière campagne présidentielle américaine, BuzzFeed engageait de “véritables” journalistes chevronnés au premier rang desquels Ben Smith (jusque-là journaliste politique très connu pour son blog sur le site de Politico). Lui revenait la lourde tâche de soutenir à Paris le lancement de BuzzFeed devant un parterre perplexe d’étudiants de l’école de journalisme de Sciences-Po (pourquoi là-bas ?). Au centre de l’événement ponctué de photos de chiens chelous et de blagues assez moyennes : le malaise quant au mélange des genres revendiqué entre investigation et animaux mignons. Deux aspects de la vie totalement conciliables pour Ben Smith, comparant même BuzzFeed au Café de Flore dans les années 50, où l’on pouvait écouter Sartre parler tout en caressant un petit chat qui passait par là.
le symptôme
“On ne devient pas stupide, on est simplement humain”, affirmait ainsi Ben Smith pour qui des articles quotidiens montrant des classements de chats mignons sont un moyen comme un autre de financer des investigations au long cours. Pourquoi pas. Reste une certaine impression de gêne renforcée par le discours de Dao Nguyen, ex-directrice générale du Monde interactif, désormais vice-présidente du site pour qui une photo de chaton “n’est pas seulement un chaton, c’est un moyen de communiquer une émotion et que les gens se sentent connectés.” En effet, “l’émotion cute, ça se partage (…), de même que la nostalgie, l’humour ou les droits de l’homme”. OK. Outre le scepticisme lié aux prétentions journalistiques de BuzzFeed, demeurait l’impression d’avoir assisté en des termes pseudo-marketing à une laborieuse explication de blague. Le contraire même de ce qui faisait l’intérêt de la webculture gratuite et spontanée qui laissait jadis à tout un chacun l’occasion de dynamiter “for the lulz” le discours médiatique dominant.
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