Les Italiens africanistes de Mop Mop, le trallallero genovese et la flûte enchantée de Zeng Ming, c’est le tour du monde musical proposé par Louis-Julien Nicolaou.
N’goni rock
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Le printemps arrive – du moins en théorie – et avec lui une formidable moisson de disques de Musiques du monde. La première grosse sensation, c’est Jama Ko, le nouvel album de Bassekou Kouyaté & N’Goni ba. Enregistré à Bamako pendant les troubles de mars 2012 qui ont vu le renversement du président Amadou Toumani Touré, c’est un disque plein de fièvre, de colère et d’engagement. Le virtuose y électrise son n’goni (petit luth malien) et lui offre la distorsion et la wah-wah indispensables au tumulte hendrixien dans lequel il embarque un répertoire directement inspiré par les traditions maliennes. Pour l’instant, seul le clip du paisible « Jama Ko » est disponible, mais ne vous y fiez pas, le reste de l’album, dominé par des titres furieux comme Dankou ou Ne me fatigue pas ferait passer n’importe quel rocker occidental pour un pied-tendre.
http://www.youtube.com/watch?v=wXDgemkVbDs
Veloso sobre et sensuel
À 70 ans, celui qui compta parmi les premiers activistes du tropicalisme n’a rien perdu de son désir d’évolution musicale. Plutôt que d’enchaîner les bossas tranquilles et les sambas luxuriantes qui firent ses grands disques des années 90 (Fina Estampa et Tieta do Agreste), il est depuis quelques années revenu à un style plus binaire, plus rock. Abraçaço, qui vient aujourd’hui clore la trilogie entamée avec Cê et poursuivie avec Zii and Zie le dévoile sans fard, plus sobre et élégant que jamais, la voix toujours aussi débordante de sensualité.
Les rites afros de Mop Mop
Tout démarre dans le mystère d’une jungle épaisse, cris d’oiseaux, bruissements de feuillages, clapotis secret. Puis le rythme se met en place, les percussions africaines résonnent, bientôt rejointes par des programmations. Et Anthony Joseph commence à scander ses mots tel un prophète des rues. Sous la haute influence du Kulu Sé Mama de John Coltrane, Isle Of Magic, le dernier disque des Italiens africanistes de Mop Mop explore un jazz tribal coloré de steel drums et de marimbas, invitant aussi bien Fred Wesley que Sara Sayed à danser des sambas sombres et des rondes vaudous.
L’Italie orientale de Galata
Né de la rencontre entre le chanteur Matteo Merli et l’Orchestra Bailam, groupe italien spécialisé dans les répertoires klezmers et gréco-turcs, Galata marie le trallallero, forme de polyphonie propre à la région de Gènes à des sonorités orientales. Loin de constituer une trahison à cette tradition particulière, le disque rend au contraire un bel hommage à l’Italie d’autrefois, quand le commerce maritime favorisait les échanges culturels et que les portes s’ouvraient toutes grandes pour accueillir l’Orient.
Un projet pharaonique
Les musiciens d’Egyptian Project présentent une vision brillante de l’Egypte actuelle, arabe assurément, et riche de ses traditions, mais aussi moderne, prête à virer rock dès que l’humeur le commande. Clé de voûte du projet, le Nantais Jérôme Ettinger a longuement étudié la musique arabe et joue lui-même de l’arghûl, double flûte dont l’apparition remonte au temps des Pharaons. C’est sans doute la raison pour laquelle ses programmations s’avèrent si respectueuses, mettant parfaitement en valeur la kawala (flûte), le rababa (luth), les percussions et les mélismes vocaux de ses trois compagnons cairotes.
Zeng Ming, la flûte enchantée
Zeng Ming est un maître de la flûte dizi ordinairement utilisée dans les orchestres accompagnant la plus ancienne forme d’opéra que connaisse la Chine, le kunqu .De ce simple morceau de bambou, il maîtrise parfaitement le répertoire mais aussi la technique, ce qui lui permet de jouer de façon moderne des pièces traditionnelles dont certaines remontent à l’ère Ming (1368-1644). Mu Dan Ting est le résultat d’un défi : enregistrer pour la première fois un album entier d’airs de kunqu exécutés seulement au dizi. La réussite est totale ; libérée du chant, la musique jouée par Zeng Ming évoque une Chine rêvée, naturelle, éternelle.
L’imaginaire en fête
En cette fin de mars, les concerts se multiplient : Yom est ce soir à Paris, Dom la Nena y sera le 21, Chicha Libre sera à Marseille le 22… En outre, du 20 mars au 29 juin, le 17ème Festival de l’Imaginaire propose à Paris, Lille et Cherbourg une série de spectacles aussi bien musicaux que théâtraux, pour certains émanant directement de rituels traditionnels, comme les danses masquées des Dogon ou la cérémonie soufie des Mevlevi. A ne pas manquer, les subtils enchantements du Wayang Kulit, théâtre d’ombres javanais qui investit cette semaine la Cartoucherie de Vincennes, les poèmes chantés des Ouïgoures du Xinjiang, ou encore les représentations de Kyôgen, théâtre satirique japonais.
Le monde à Nantes
Où écouter cette semaine le grand chanteur de qawwali pakistanais Asif Ali Khan, qui fut autrefois le disciple du génial Nusrat Fateh Ali Khan ? À Rezé (commune limitrophe de Nantes) où, du 19 au 24 mars se tient la nouvelle édition des Instants du Monde. En prélude à cette joyeuse célébration de l’amour divin, le festival va multiplier les réunions festives. D’Egyptian Project à Nawah (trio unissant le chant judéo-espagnol de François Atlan, celui du Palestinien Moneim Oudwan et les percussions iraniennes de Bijan Chemirani), des échanges libano-bretons du Nahas Project à ceux des étonnants Wang Li et Wu Wei, le pays nantais prouve une nouvelle fois son sens profond de l’hospitalité et de l’échange.
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