L’Anglo-Américaine offre avec humour et finesse son intimité à nos pulsions voyeuristes. Un récit qui, grâce au talent de son auteur, ne s’avère jamais embarrassant.
En guise de prologue à cet album autobiographique, l’Anglo-Américaine Gabrielle Bell représente un groupe d’amis sur un toit, matant, dans l’immeuble d’en face, un couple en train de faire l’amour. Dès cette première scène, Gabrielle Bell donne le ton et l’on comprend, comme le suggère le titre, que l’on va être spectateur de quelque chose de très intime, qui va conduire le lecteur à la limite entre gêne et excitation.
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Dans Les Voyeurs, Gabrielle Bell consigne quatre ans de sa vie, de 2007 à 2010. Ce journal dessiné retrace autant ses états d’âme sur la vie moderne que son quotidien. On la suit avec son petit ami de l’époque, Michel Gondry, au Japon – où ils font la promotion du film Interior Design, adapté d’une des BD de Gabrielle –, en France dans la famille du réalisateur, aux Etats-Unis, où elle va de conférences en dédicaces. Elle livre ses réflexions sur sa pratique du yoga, sa relation à la nourriture, son obsession du net, les fêtes new-yorkaises, ses amis et amants, ses lectures…
Des incursions délirantes dans le fantasme et dans le fantastique
Son carnet de croquis jamais loin, Gabrielle Bell s’observe, observe les autres, et raconte tout cela. Son travail est sa vie, et vice versa. Gabrielle Bell se révèle particulièrement douée pour construire une œuvre passionnante à partir de ce matériau brut qu’est son existence. Grâce à son sens de l’observation, ses textes lapidaires et drôles, sa clarté, sa culture, son recul salvateur dans les moments d’angoisse, ses doutes, voire sa misanthropie, elle relate ses tranches de vie de façon concise et percutante. Ses réflexions, que lui inspirent les instants triviaux de la vie, sont pertinentes, critiques sur elle-même et sur le monde.
Gabrielle Bell n’hésite pas à pimenter ses souvenirs par quelques incursions délirantes dans le fantasme et dans le fantastique – comme dans cette scène imaginaire où sa mère lui soutient qu’elle a bien connu Valerie Solanas. Son humour et sa finesse font des Voyeurs une lecture toujours excitante, et l’on en ressort vivifié, jamais gêné.
Les Voyeurs (Actes Sud/L’An 2), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Soizick Jaffre, 156 pages, 22,50 €
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