Evadé du crew de Kendrick Lamar, Schoolboy Q est le nouvel espoir du rap West Coast. Espoir en noir. Critique et écoute.
« Comme il le dit dans son album, Kendrick Lamar est un bon gars dans une ville de dingues. Moi, dans cette ville, je suis plutôt le sale type.” Contrairement au flegmatique Kendrick, qui crevait les charts en 2013 avec le brillant Good Kid, M.A.A.D City, Schoolboy Q respecte en effet le catéchisme gangsta à la lettre :
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“Dès 12 ans, j’étais un bandit. J’ai fait tout ce qu’il ne fallait pas faire : braquer, dealer, m’embrouiller et me défoncer. C’est ce que je dis dans le disque, je ne raconte pas d’histoires”, explique-t-il depuis son fief de Los Angeles.
Capacité d’interprétation
Mais s’il ne possède pas la tempérance et le calme de son compère, Schoolboy Q possède d’autres atouts qui font d’Oxymoron, son troisième album, la petite bombe de ce début d’année. D’abord parce que ses bravades de bandit se doublent d’un recul qui, quoique dispersé, lui permet de glisser une réelle humanité dans ses récits agressifs, qu’il évoque sa vie de délinquant ou ses addictions. Selon lui, cette science narrative, oscillant entre recul intime et projection guerrière, doit beaucoup au rap new-yorkais :
“Je suis né en 1986, j’ai grandi à L.A. et le rap West Coast n’était pas développé. Mes sources, ce sont EPMD, Krs-One, Mc Shan, puis Jay-Z, Biggie… J’ai des tics de la West Coast, du gangsta-rap, mais ma culture rap vient de l’Est.”
C’est surtout la capacité d’interprétation du rappeur qui rend ce verbe fascinant. Tour à tour nerveux, cynique, rentré ou menaçant, Q fait preuve d’une grande facilité à changer de registre vocal – voire de voix –, à mordre ses syllabes pour mieux les expulser, jouant sur les répétitions, les gimmicks ou les intonations pour donner un relief presque théâtral à son propos, cette instabilité de gangster-fêtard au bord de l’implosion.
Rappelant Pharrell Williams ou Alchemist mais surtout Digi+Phonics, beatmakers du label TDE, la production assombrie, émaillée de beats raides et de mélodies fantomatiques, respecte à la lettre l’esprit de ces danses destructrices, rendant à Oxymoron couleur, cohérence et personnalité. Entre bangers divins (Man of the Year, qui n’a pas volé son titre), cascades erratiques (Prescription) et tension pure (Break the Bank), Oxymoron est un album noir, dense et – très – fort.
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