Kris Verdonck fait revivre l’univers absurde du poète russe de l’époque soviétique Daniil Harms, et Guy Cassiers met Macbeth en musique. Deux propositions du passionnant festival Next.
Un homme de petite taille. Son rêve serait de devenir un peu plus grand. Une fée apparaît. Elle lui demande d’exprimer un souhait. Intimidé, l’homme n’arrive pas à ouvrir la bouche. Peu de mots suffisent à Daniil Harms pour installer un climat étrange à la lisière de l’absurde et du fantastique. La fantaisie apparemment inépuisable de cet écrivain russe est d’autant plus frappante qu’elle s’inscrit dans le contexte difficile de la Russie stalinienne.
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Dans H, an Incident, le metteur en scène et plasticien Kris Verdonck transpose avec un talent fou l’instabilité en quelque sorte constitutive dont témoigne la prose poétique de Daniil Harms. Très inspiré, souvent désopilant, son spectacle associe les ressources du cirque et du music-hall utilisant même des instruments robots dont les formes rutilantes brillent dans l’espace d’un éclat curieusement crépusculaire. En dépit de leur perfection, il se dégage de ces machines un aspect fantomatique plutôt inquiétant qui tranche avec la vivacité brouillonne des hommes et des femmes en train de s’acharner sur le plateau. Car la vie n’est pas simple – et encore moins sous le régime de terreur instauré par Staline – comme le démontrent les séquences loufoques imaginées par Daniil Harms.
Le charme de ces récits piégés de l’intérieur tient à la façon dont ils torpillent la logique. Ce règne du nonsense produit un univers cul par-dessus tête. Les débuts n’y supposent aucune fin ; le sol disparaît tandis que les acteurs s’envolent en pleine conversation ; un Sherlock Homes lunaire non seulement n’y résout aucune énigme, mais en invente au contraire à foison.
Un chœur féminin islandais emmené par Erna Omarsdottir ajoute encore à la grâce délicieusement vrillée de ce spectacle en tous points admirable programmé notamment dans le cadre du festival transfrontalier Next, dont il convient de saluer une fois encore la qualité et l’ouverture.
La preuve avec MCBTH d’après Shakespeare, version musicale de Macbeth que met en scène Guy Cassiers sur une partition composée par Dominique Pauwels. Présentée au Théâtre national de Strasbourg lors de la dernière édition du festival Musica, cette œuvre frappe par sa densité plastique. Macbeth y apparaît comme un héros littéralement sonné par le traumatisme de la guerre. Dès l’ouverture, les accords martiaux de la musique de Dominique Pauwels assenés comme une masse sonore dressent un paysage de ruines.
Les parties chantées sont assumées par les trois sœurs fatales qui viennent régulièrement hanter un Macbeth de plus en plus halluciné dont la plongée dans la folie meurtrière semble ne pas avoir de fin jusqu’à cet “assez !” désespéré qui clôt le combat impossible d’un homme avec ses propres ombres. Beau travail.
H, an Incident d’après Daniil Harms, mise en scène Kris Verdonck les 13 et 15 novembra à Bruges (Belgique). Le 19 novembre à Courtrai (Belgique) dans le cadre du festival Next. Les 22 et 23 novembre à Bordeaux.
MCBTH, d’après William Shakespeare, musique Dominique Pauwels, mise en scène Guy Cassiers le 20 novembre à Tournai (Belgique) dans le cadre du festival Next. Les 2 et 3 décembre à la Maison de la Culture d’Amiens, Amiens. Du 11 au 19 décembre à Bruxelles (Belgique).
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