Loin des débordements colorés de ses premiers films, Pedro Almodóvar dessine, avec le magique Parle avec elle, un monde de douce mélancolie servi par une écriture onirique. Rencontre avec un cinéaste dont l’exubérance se nourrit aujourd’hui d’une impertinente sagesse.
On n’avait plus de nouvelles de Pedro Almodóvar depuis le succès mondial de Tout sur ma mère il y a trois ans. Avec Parle avec elle, son quatorzième long métrage, il creuse le sillon de la solitude et de l’introspection. Alors qu’il a aujourd’hui 50 ans, on continue à associer Pedro Almodóvar à la faconde de ses débuts. Pourtant, de l’underground de la movida à la reconnaissance internationale, vingt-cinq années se sont écoulées. Le cinéaste dit lui-même que « sa vie est devenue plus compliquée », qu’il « a pris l’habitude d’être discret« , d’où le décalage entre son image et sa réalité.
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A vos débuts, on qualifiait souvent votre cinéma de kitsch. Aujourd’hui, recherchez-vous davantage la transparence ?
Je voulais que Parle avec elle paraisse plus transparent, surtout par rapport aux personnages et à la structure interne du scénario, qui est très hermétique et très complexe. Je prends mes distances avec tout ce à quoi on m’associe habituellement. Par exemple, j’étais invité dans une grande librairie l’autre jour ; ils avaient installé autour de nous des meubles en forme de c’ur et de fleur. Ils devaient trouver que ça faisait très « almodóvarien », alors que ça m’a tout simplement semblé horrible ! Je leur ai demandé d’enlever tout ça. Pour moi, c’est la laideur même.
Bien sûr, j’ai beaucoup utilisé le style postmoderne des années 80, mais, à la longue, on finit par être saturé. Dans le kitsch, il peut y avoir des choses horribles et sans intérêt, et d’autres splendides et délicates. Je choisissais les choses qui me plaisaient. Et puis j’ai évolué : le style des années 80 doit rester dans les années 80.
Le kitsch, disiez-vous, protégeait votre pudeur. Aujourd’hui, vous ne vous cachez plus ?
Je ne sais pas si je me cachais derrière le kitsch. J’aimais surtout beaucoup ça et, d’une certaine manière, j’aime toujours ça. Les objets et décors kitsch servaient à définir mes goûts et mes personnages. Inconsciemment, tout sert à te cacher et tout sert à te montrer. Je me cache derrière chacun de mes personnages. Ils me représentent tous. Mais il n’y en a aucun qui soit précisément mon autoportrait. Aujourd’hui, je me protège moins. Même si je parle beaucoup de moi-même, j’ai pris l’habitude d’être discret. C’est devenu ma nature. Je suis pudique pour ce qui touche à ma vie privée, mais quand j’écris, je n’ai aucune retenue.
Dans Parle avec elle, le personnage de la mère grabataire de l’infirmier Benigno a-t-il une origine autobiographique ?
Je me suis inspiré de la mère d’un ami qui avait été la beauté personnifiée. Quand elle a eu la quarantaine, elle et son mari se sont séparés. Et naturellement, sa beauté a commencé à se flétrir. Alors elle est restée au lit, sans être malade. Chaque jour, elle disait : « Je me lèverai demain. » Elle est restée une vingtaine d’années au lit et, à force, elle a fini par être malade, puis elle est morte. Dans le film, c’est pour s’occuper de cette mère grabataire que Benigno est devenu coiffeur, manucure, esthéticien et infirmier. Ça a absorbé sa propre vie : il n’est sorti de cette chambre que pour prendre des cours. On n’entend que la voix de sa mère à un moment donné qui dit : « Benigno, ça fait une demi-heure que tu es dans la salle de bains. » Il sort du cadre. Il y a un fondu au noir. Et quand il revient, il regarde dans la pièce, mais il n’y a plus personne. Il est seul.
Dès qu’il rencontre Alicia, Benigno en tombe amoureux. Elle lui raconte qu’elle danse, qu’elle aime aller voir des ballets, des films muets, etc. Des choses qu’il ne connaît pas. Puis, il retrouve Alicia dans une chambre de la clinique. Elle est dans le coma. Et là, il commence justement à aller voir des films muets, des ballets, pour pouvoir en parler avec elle.
Dans un film où tous les personnages sont solitaires, Benigno l’est sûrement le plus. Mais c’est aussi celui qui a le plus de moyens pour pouvoir supporter cette solitude. Il parle beaucoup à Alicia, comme on parle à son psychiatre.
Tout sur ma mère débutait dans un hôpital et Parle avec elle se déroule dans une clinique. Le monde médical vous fascine ?
Je n’ai pas de fascination pour le monde médical ni pour les appareils qui sont liés à la douleur et à la maladie. C’est par hasard que le monde hospitalier est très présent dans mes trois derniers films. Si Parle avec elle se déroule dans une clinique, c’est moins pour parler de la douleur des personnages que de la vie quotidienne dans ce lieu. Ce n’est pas un espace de douleur mais, au contraire, un espace de vie. Un film fait souvent le lien avec un autre film. Tout sur ma mère se termine sur un rideau de théâtre qui se ferme et Parle avec elle commence sur un rideau qui s’ouvre.
Mais je n’aime pas les hôpitaux. C’est pour ça que, dans cette clinique, j’ai changé subtilement les couleurs, qui tranchent avec la froideur habituelle de ces lieux. Au directeur de la photo, j’ai dit que, pour raconter une histoire d’amour entre un infirmier et sa patiente, je ne voulais pas cette lumière bleue, froide, qu’on trouve dans les cliniques. On a aussi changé la couleur des draps, leur texture, pour pouvoir modeler la jeune fille comme une statue, pour que son corps soit bien présent.
Dans Parle avec elle, vous insérez un film muet que vous avez écrit : L’Amant qui rétrécissait. Une métaphore pudique et élégante d’une scène porno.
J’écris ce que l’histoire exige. Par exemple, quand j’écrivais La Loi du désir, il me coûtait beaucoup de rédiger certaines scènes, mais quand j’écris, je me trouve dans une autre réalité. C’est la seule réalité où je suis absolument sincère et où je n’ai aucune pudeur.
Ici, le film L’Amant qui rétrécissait est un paravent qui cache ce qui se passe à ce moment-là dans l’histoire. Mais ce n’est pas de la pudeur : je ne voulais pas voir le personnage de Benigno commettre l’acte (un viol) et je ne voulais pas que le spectateur ait cette image en tête. Ce que je fais, c’est de la pure manipulation. Au lieu de montrer ce qui se passe, je montre quelque chose qui nous fait oublier ce qui a pu se passer réellement. Mais ce n’est pas un mensonge. Parce que le film muet a des points communs avec Benigno et avec son mode de vie. Le film muet annonce aussi, de façon indirecte, ce qui va arriver au personnage à la fin. L’Amant qui rétrécissait est une transposition surréelle de la réalité : le visage de l’actrice du film muet et celui de la malade, Alicia, se mêlent. Ce film dans le film était un pur caprice, mais un caprice risqué. Maintenant, j’en suis très content.
D’où est venue l’idée de L’Amant qui rétrécissait ?
C’est une histoire que j’ai écrite il y a une dizaine d’années et que j’avais perdue. Je savais que j’allais mettre un film dans Parle avec elle à un certain moment, pour faire écran à la réalité. Je n’ai pas pensé tout de suite à un film muet. Et puis je me suis rappelé de cette histoire que j’avais racontée plusieurs fois à Antonio Banderas. Un jour, à Los Angeles, il m’a demandé ce que j’avais fait de cette histoire d’amant qui rétrécissait. Ça ne me disait rien. Il me l’a racontée et je m’en suis souvenu, mais j’avais des trous. J’ai donc réécrit de mémoire cette histoire que j’avais égarée. Ce n’était pas seulement un récit mêlant romantisme et science-fiction. Il y avait aussi un aspect policier.
Au milieu de l’histoire que je ne pourrai plus utiliser puisque j’en ai tourné le début et la fin , le garçon va chez sa mère, qu’il déteste, et il se comporte très mal avec elle. Il y a un passage que j’aurais beaucoup aimé tourner, mais je n’ai pas eu le temps. Quand le héros est devenu tout petit, il vit parmi les livres et les jouets de son enfance. Il se déplace dans la maison avec un petit train électrique. On a fait un story-board où on le voit sur un livre ouvert en train de lire. Dans ce livre, il trouve une lettre que lui avait écrite son père, où il disait que sa mère était devenue folle et que s’il lui arrivait quelque chose, elle serait responsable. Quand la mère découvre que le fils sait qu’elle a tué son père, elle le pourchasse à travers les jouets dans la maison. Mais bon, je n’ai tourné que le début et la fin de l’histoire.
Pour réaliser ce petit film, je me suis inspiré des nombreux muets américains, allemands ou russes que j’ai vus. J’ai surtout revu les expressionnistes allemands et quelques mélodrames de Griffith, pour voir ce que je pouvais faire, ou pas. Par exemple, le travelling n’existait pas à l’époque, donc je ne devais pas l’utiliser, même si dans L’Aurore de Murnau, il y a quelque chose qui ressemble à un mouvement de grue exécuté manuellement.
Avec ce film muet, vous avez retrouvé l’esprit délirant du roman-photo Patty Diphusa que vous aviez réalisé avant de faire du cinéma ?
Il y a une grande différence entre un film et un roman-photo. Patty Diphusa : la Vénus des lavabos était très moderne, très représentatif de l’époque il est sorti en 1983, je crois. C’était l’histoire d’une star du porno à Madrid. Mais là, ce qui m’a inspiré, c’est ma fascination pour les films avec des personnages miniatures comme Les Poupées du diable de Tod Browning (1936) ou L’homme qui rétrécit de Jack Arnold (1957). Ce qui me plaisait, c’était de jouer avec des décors surdimensionnés. Et puis, il y a longtemps que j’avais envie de montrer un homme se promenant sur le corps d’une femme comme dans un paysage, qui entre dans le sexe de la femme comme dans un voyage final et fatal vers le monde du plaisir. Benigno a toujours vécu autour d’un lit, d’abord avec sa mère, ensuite avec Alicia. Il n’a connu que ces corps.
Vous avez été la figure majeure de la movida. Que reste-t-il de ce mouvement aujourd’hui ?
Rien du tout. C’était un moment intense, mais en même temps éphémère. Le plus important dans ce qu’on a appelé la movida, c’était de la vivre. Au moment où on a commencé à en parler, et où des tas de journalistes du monde entier venaient voir ce qui se passait en Espagne, c’était déjà fini. Les lieux où nous allions avaient fermé, certaines personnes étaient mortes, d’autres étaient passées à autre chose. Le gouvernement espagnol et le maire de Madrid ont tout fait pour que ça disparaisse. La movida s’est déroulée précisément entre 1977 et 1983, ni avant ni après. Ça a été vraiment délirant jusqu’en 1982.
Le parti socialiste aimait bien cette movida à ce moment-là parce que ça faisait parler de l’Espagne à l’étranger. Ils ont essayé de la récupérer en faisant croire qu’ils en avaient été les initiateurs, ce qui était faux. Felipe González, le Premier ministre de l’époque, profitait de l’impact de cette orgie ; elle lui permettait de légitimer la démocratie espagnole. Il disait aux journaux : « Nous vivons dans un pays libre. La preuve : Almodóvar peut faire du cinéma. » Mais, d’un autre côté, González avait une grande ambition européenne, donc il ne tenait pas non plus à ce que Madrid soit trop différente des autres capitales. Il a donc réprimé de façon cynique toute la folie de la nuit madrilène, fait fermer des bars… Il a tout fait pour que Madrid ressemble de plus en plus à Oslo.
Et le maire, qui est depuis longtemps le cauchemar des Madrilènes, n’a que des préoccupations électorales. Il a donc écouté les gens qui se plaignaient du bruit. A Madrid, c’est devenu très difficile d’ouvrir un bar ou une discothèque. Les critères sont draconiens. Le parti socialiste et le maire ont presque réussi à réduire à néant la vie nocturne de la ville. Mais si vous y allez aujourd’hui, je vous promets que vous vous amuserez, sans courir aucun danger. Sauf si vous aimez le danger, et là, vous le trouverez. Madrid a toujours été une ville noctambule, y compris sous Franco.
A la fin des années 60, Madrid a eu sa « dolce vita ». A la place d’Anita Ekberg, il y avait Ava Gardner. Elle se promenait dans la rue, complètement soûle, avec les pédés, les putes, tous ceux qu’elle rencontrait, avant d’aller directement sur le plateau des 55 Jours de Pékin. Toute cette activité était un peu clandestine, mais les autorités fermaient les yeux. A l’époque, ce n’était pas aussi accessible qu’aujourd’hui : c’était plutôt réservé aux artistes, aux peintres, aux prostitué(e)s, qui formaient une sorte d’élite. Mais plus dans les années 80.
La movida n’a pas été un mouvement idéologique ni générationnel. C’était une explosion, une délivrance de l’angoisse des années où Franco agonisait sans fin. On n’avait plus peur de la police. Nous avions décidé, jeunes et moins jeunes, de jouir de la vie, tout simplement, en opposition avec les gens des années 70 qui étaient plus protestataires, politisés et très ennuyeux. Nous n’étions pas politisés en apparence, mais notre posture était aussi politique. Nous luttions pour que notre vie soit la plus frivole, la plus superficielle possible, qu’elle soit complètement orientée vers le plaisir.
A l’époque, vous étiez employé à la compagnie du téléphone. Comment arriviez-vous à concilier ces différentes activités ?
Je dormais peu et je prenais des drogues. J’ai travaillé à la Telefónica jusqu’en 1982. J’ai donc tourné mon premier long métrage, Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier, alors que je travaillais encore à Telefónica. Je jonglais avec mon emploi du temps. A cette époque, on découvrait la drogue, et il y en avait beaucoup à Madrid. Mais j’avais une vocation très ferme, je voulais devenir cinéaste. Ça m’a permis de rester à l’écart des drogues les plus dures. J’avais ce garde-fou de savoir que le lendemain, j’avais quelque chose à faire. C’est pour ça que je ne sniffais que la moitié des rails de coke !
Pour moi, vivre et faire les films, c’était la même chose, parce que c’était la même passion. Mes premiers films avaient justement pour sujet cette vie nocturne de Madrid. Je n’étais pas alors conscient que cette situation allait être éphémère. Bien sûr, on sait que le plaisir intense ne peut pas durer, comme tout ce qui est bon. Mais quand on est dans le feu de l’action, on n’y pense pas. Je savais ce que je voulais faire, j’avais de l’endurance, donc je pouvais vivre intensément et travailler. Aujourd’hui je ne pourrais plus. La movida n’a eu d’intérêt que tant qu’elle a duré. En fait, ça n’a pas été une grande période de création. C’était surtout un mode de vie, un mode de vie très artistique. Par exemple, les gens qui dessinaient des vêtements les portaient pour sortir le soir.
Le seul domaine créatif dans la movida, c’est la musique, qui a eu une influence énorme. C’était très facile et très bon marché de faire des disques. Il y a eu des centaines de groupes excellents, étranges, visionnaires, chose qu’on n’avait jamais vue en Espagne. Mais ils étaient ignorés par les majors et on ne les trouve aujourd’hui que dans quelques compilations. Les écrits marquants de cette époque sont surtout les paroles des chansons ou un roman-photo comme Patty Diphusa. On n’a jamais eu un roman phare comme Sur la route de Jack Kerouac pour la beat generation ou comme les grands textes fondateurs du surréalisme.
Pourquoi ne jouez-vous plus dans vos films comme vous le faisiez au début ?
Quand je jouais, c’était un peu par hasard. Ça m’amusait mais, en général, je le faisais quand il manquait quelqu’un. Par exemple, pendant le tournage du Labyrinthe des passions, l’acteur qui devait chanter sur scène avec Fabio n’est pas venu pour une raison étrange. Alors, j’ai demandé à mon frère d’aller à la maison et de ramener une veste en cuir de mon beau-frère, qui était motard dans la Garde civile. J’ai emprunté des boucles d’oreilles à Cecilia Roth, qui jouait le rôle principal, et j’ai chanté. Je connaissais très bien la chanson parce que je l’avais déjà enregistrée. Je vivais dans le milieu de la musique à l’époque et je fréquentais tous les groupes. Donc il ne m’était pas difficile d’écrire des chansons et de les chanter. Elles amusaient beaucoup un public particulier, underground, moderne.
J’ai commencé à faire de la scène, à être payé pour ça, sans m’en rendre compte. Nous étions alors assez provocateurs. On parlait de nous dans les journaux. Mais c’était un peu involontaire. Quand j’ai compris que les gens n’attendaient de moi que de la provocation et du scandale sur scène, j’ai arrêté. Chanter, ce n’était pas mon métier, et puis je n’avais pas envie de créer le scandale. Je voulais juste faire diversion. Ensuite, quand j’ai tourné d’autres films, il ne manquait pas d’acteurs, donc je n’avais pas besoin de les remplacer. Je ne ressens pas le besoin de jouer ; je n’ai pas la vanité d’un acteur. Maintenant, je ne monte sur scène que pour présenter mes films. J’aime être sur scène, ça m’amuse, je deviens un show-man. Mais je ne le fais que dans ce cadre-là, soit trois ou quatre fois par an.
Pourtant, il paraît que vous jouez tous les rôles quand vous tournez…
Oui. Il y a de bons acteurs qui n’en ont pas besoin, mais je le fais presque à chaque fois. En plus d’expliquer le personnage, souvent je l’interprète carrément pour l’acteur qui joue le rôle. Tout le monde me dit que je suis un très bon acteur, mais je n’en suis pas sûr. Je sais interpréter les personnages que j’ai créés, d’une manière exagérée, pour que les acteurs comprennent ce que je veux. Ça ne veut pas dire que je suis un acteur. Et puis, c’est très oppressant d’être à la fois devant et derrière la caméra.
D’un autre côté, vous aimez poser pour les photographes. Vous vous êtes construit un personnage ?
Ce sont les médias qui ont fabriqué ce personnage, même si parfois je me suis prêté au jeu. L’autre jour, j’ai eu trois sessions photo. Et à chaque fois, le photographe me demandait de faire quelque chose de différent. Quand on est fatigué, on a du mal à refuser. On me dit ci, on me dit ça, « ouvre la bouche », etc. On cherche à me conformer à ma réputation, à cette image de provocateur qui me poursuit. En réalité, je suis exactement comme vous me voyez maintenant : quelqu’un de fatigué, qui a peu dormi la veille, quelqu’un de simple. Je ne dis pas oui à tout. Les photos se font en accord avec les photographes. Et puis, j’ai de plus en plus de problèmes avec mon image, parce que je n’ai pas envie qu’on me voie vieillir petit à petit. Si c’était possible, je refuserais toutes les photos à partir de maintenant. Peut-être que je vais le faire d’ailleurs… en tout cas, un de ces jours.
Quant aux entretiens, j’en accorde pour que les gens comprennent qui je suis. Ça m’ennuie qu’on se fasse de fausses idées sur moi. Mais, au bout du compte, ça n’est pas très grave. Ce qui est certain, c’est que les gens, quand ils me rencontrent, sont toujours surpris : ils n’auraient jamais pensé que j’étais comme ça.
Votre statut vous éloigne-t-il du réel ? Dans Pepi, Luci…, il y avait les groupes de l’époque, alors que dans Parle avec elle, c’est Pina Bausch, le culturel chic.
Pina Bausch est une freak, vous savez. Avant, je regardais davantage autour de moi. Mais ma vie est devenue compliquée. Aujourd’hui, je ne peux pas sortir sans qu’on me reconnaisse, donc je peux plus difficilement m’inspirer de l’extérieur. Je suis obligé de trouver en moi-même. Tout ce qui m’entoure devient très artificiel, donc il m’est difficile d’accéder à la réalité. Je préférerais faire des films où je ne serais pas obligé de puiser dans mes propres émotions parce que ça m’ennuie de montrer ma mélancolie, ma tristesse, ma douleur.
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