Le street artist anglais Banksy passe le mois d’octobre à disséminer ses fameux pochoirs aux quatre coins de New York, le tout agrémenté d’un teasing hors pair via son site. De Dumbo au camion plein de peluches : retour sur sa folle escapade. [Cet article sera régulièrement mis à jour]
– 1er octobre : premier pochoir
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Comme Banksy est bien connu pour ne pas y aller de main morte (autant au niveau de ses dessins que des emplacements choisis ou de son culte de l’anonymat), il a commencé son séjour new-yorkais en ciblant Manhattan, cœur de la Grosse Pomme, et en réalisant un pochoir en forme de mise en abîme (une forme qu’il affectionne particulièrement). A côté de l’œuvre est inscrit un numéro de téléphone renvoyant vers un service d’audioguide gratuit. D’après le site Artlyst, qui l’a testé, « une voix douce et académique » s’enclenche une fois le numéro composé, pour nous expliquer l’œuvre « d’une façon très compliquée et très prétentieuse« . Selon The Belfast Telegraph, un numéro renverrait vers une voix expliquant : « Vous regardez un type d’œuvre appelé graffiti, du latin graffito, qui veut dire graffiti avec un O« . Une nouvelle moquerie en somme. Dans une interview exclusive au Village Voice publiée le 9 octobre, Banksy explique avoir lancé cet audio-guide comme « une blague » mais y voir désormais « plus de potentiel » : « J’aime comment il contrôle le temps que vous passez à regarder une image« .
D’après Artlyst, le pochoir aurait été recouvert par de la peinture blanche, tout comme la deuxième œuvre de l’artiste, « This is my New York accent… normally I write like this », réalisée le 2 octobre, toujours à Manhattan.
– 3 octobre : « Banksy Restoration Society »
Un pochoir de Banksy représentant un chient urinant sur une bouche d’incendie est annoté par un tiers. Aussitôt, un homme vêtu d’un gilet et d’un casque de chantier et se faisant appeler la « Banksy Restoration Society » se fait photographier en train de restaurer l’œuvre, armé d’une bombe de peinture et d’une feuille blanche. L’homme, qui a déjà restauré le « This is my New York accent… » qui avait été partiellement recouvert par un tag, dit faire partie de la « Banksy Restoration Society » (dont il semble être le seul membre). Selon le site Animal, repris par Salon, il s’agit de Perry Levy, qui se présente sur son compte Twitter comme « un ingénieur du son de Brooklyn ». Levy, qui a confirmé à Animal être l’auteur des restaurations a expliqué au site : « Je l’ai fait parce que j’apprécie vraiment la culture. Je comprends complètement le graffiti et le fait que les gens veulent surenchérir les uns sur les autres. Sans manquer de respect au graffiti, laissons l’oeuvre là pendant quelques jours, le temps que les gens l’apprécient. Le sourire qu’elle dessine sur le visage des gens est sincère ».
http://www.youtube.com/watch?v=qNPaGa8Nz0s
– 4 octobre : « The Musical »
Dans les quartiers de Delancey, Brushwick et Williamsburg (Brooklyn), le street artist ajoute « The Musical » à des tags déjà existants (Occupy, Dirty Underwear, Playground Mob). Malicieux.
– 5 octobre: jardin itinérant
Le 5 octobre, Banksy poste sur son site – sur lequel il publie toutes ses œuvres new-yorkaises au jour le jour – les photos d’un camion de livraison abritant un jardin miniature, avec arc-en-ciel, pont en bois, fleurs, papillons et chutes d’eau. Un enregistrement audio- qui peut s’écouter sur le site- nous décrit avec beaucoup d’humour le « mobile garden » dont la paternité est attribuée à un certain « Bambi », un artiste qui a la fâcheuse tendance « de se répéter« . Le guide nous invite malgré tout à nous « attarder pour admirer la vue » que renferme ce « camion GMC quatre cylindres de 1992« . LOL.
– 6 octobre: Dumbo et les rebelles
La vidéo intitulée « Rebel rocket attack » met en scène ce qui ressemble à des rebelles syriens tirant au lance-roquette dans les airs et finissant par atteindre leur cible qui se révèle être… Dumbo. Oui, comme dans le dessin-animé. Ce qui réjouit les adultes mais pas l’enfant présent sur le lieu du crime, qui manifeste sa colère en donnant un coup de pied à l’un des tireurs. La vidéo a déjà été vue plus de 5 millions de fois.
– 7 octobre: cœur blessé
A Brooklyn, Banksy peint un ballon en forme de cœur rouge… recouvert de pansements.
– 8 octobre: fausse citation
A Greenpoint, le street artist prouve une fois de plus son sens de l’humour en taggant en blanc sur une porte bleue : « J’ai une théorie comme quoi on peut rendre n’importe quelle phrase profonde en inscrivant le nom d’un philosophe mort à la fin. -Platon ». La porte n’a pas tardé à être retirée...
– 9 octobre : « Crazy Horses »
Dans le Lower East Side, Banksy fait se cabrer des chevaux armés de lunettes pour voir la nuit. Par terre, contre une voiture abandonnée, se terrent des hommes armés. La bande-son disponible sur le site imite les conversations militaires par talkie-walkie. On y entend notamment l’expression qui donne tout son sens à la scène : « crazy horses ».
– 9 octobre (bis) : Banksy démasqué ?
Le tabloïd britannique Mirror News publie une photo de mauvaise qualité montrant un homme en salopette et casquette, au téléphone, prise par Tom McKean, un New-Yorkais fan de Banksy qui affirme qu’il s’agit de l’artiste. La photo aurait été prise le 5 octobre au soir alors que plusieurs hommes s’activaient autour du camion-jardin qui avait un pneu crevé. L’un d’eux se serrait nettement démarqué du groupe, essayant de remettre l’éclairage au fond du camion. Il n’en fallait pas plus à Tom McKean pour affirmer 1) qu’il s’agit de Banksy, 2) envoyer sa photo au Mirror News, 3) contaminer toute la planète avec sa théorie.
– 10 octobre: castor et racketteurs
A Brooklyn, une bande de mecs voient dans le castor dessiné sur un mur du quartier par Banksy un bon moyen de se faire un peu d’argent. Ni une ni deux : ils cachent le pochoir derrière un bout de carton, et font payer le droit de le voir. Le prix varie selon le média rapportant l’affaire : pour le Daily Mail, le coup d’œil est facturé 5 dollars, tandis que le New York Post affirme qu’il faut débourser 20 dollars pour voir l’animal… le tarif varie sûrement selon la tête du client. Dans une vidéo tournée par le journal américain, un des hommes explique : « J’essaye d’avoir à manger. C’est mon quartier. Si vous voulez prendre une photo, il va falloir payer« .
– 11 octobre: Les Sirènes des agneaux
Baptisée en référence au film Le Silence des agneaux, Les Sirènes des agneaux consiste en un camion d’abattoir transportant des animaux en peluche couinant à n’en plus finir. Résultat : l’installation fait un boucan monstre et est plus terrifiante que drôle (voir la tête des enfants dans la vidéo ci-dessous). Cerise sur le gâteau : selon le New York Daily News, le conducteur du camion, qui a refusé de décliner son identité et a affirmé avoir été embauché par une boucherie, est plusieurs fois descendu de son véhicule pour « punir » les animaux afin qu’ils cessent de hurler.
– 12 octobre: critique de la religion
Banksy réalise le pochoir d’un prêtre, la main sur le front, l’air soucieux, sur un cube de ciment. L’œuvre est baptisée « Concrete confessional » soit « confessionnal en béton ».
– 12 octobre (bis): œuvres originales de Banksy à 60 dollars
Un petit stand tenu par un vieux monsieur (Banksy himself ?!) proposant des pochoirs originaux de Banksy pour 60 dollars (dont son fameux Flower Thrower) s’installe aux abords de Central Park. Rappelons, au passage, que la toile Keep It Spotless a été vendue en 2008 par Sotheby’s 1 230 834 euros. Pourtant, le 12 octobre, les passants ne prêtent pas attention aux œuvres de l’artiste, pensant qu’il s’agit de pâles copies. A 15h30, une passante achète tout de même deux toiles, après avoir négocié une remise de 50%. Le happening vise à se moquer de la valeur des œuvres d’art et, plus généralement, du commerce de l’art. Histoire d’enfoncer le couteau dans la plaie, Banksy précise a posteriori sur son site qu’il s’agissait d’une opération « unique » : « l’étal ne sera plus là demain« . Dans son interview au Village Voice, l’artiste mène une réflexion sur la place du graffiti dans le commerce de l’art et explique envisager d’abandonner les galeries :
« J’ai commencé à peindre dans la rue car c’était la seule galerie qui m’offrait une visibilité. Désormais, je dois continuer à peindre dans la rue pour me prouver que ce n’était pas un plan cynique. En plus, ça me permet d’économiser de l’argent sur les toiles. (…) Bien sûr, les gens ont besoin d’être payés – sinon vous n’avez que des actes de vandalisme perpétrés par de gamins travaillant à temps partiel et financés. Mais c’est compliqué, c’est comme si dès que tu profites d’une image que tu as mise dans la rue, elle se transforme magiquement en pub. Quand le graffiti n’est pas criminel, il perd la plupart de son innocence. »
L’interview se termine par une explication concernant son séjour à New York: « Je l’ai choisi pour sa foule et son grand nombre d’endroits cachés. Je devrais peut-être être dans un endroit plus pertinent, comme Pékin ou Moscou, mais la pizza n’y est pas aussi bonne« .
– 14 octobre: Banksy cite Kelly Rowland et Gladiator
Dans le Queens, Banksy réalise un pochoir représentant un homme en train d’effacer le tag « What we do in life echoes in eternity ». Une phrase prononcée par le général Maximus (Russel Crowe) dans le film de Ridley Scott, Gladiator. Sur son site, Banksy précise:
« Certains me critiquent parce que j’utilise des sources un peu « low brow » (cette citation est de « Gladiator »). Mais vous savez quoi? « Je vais utiliser cette hostilité pour me renforcer et non m’affaiblir » comme a dit Kelly Rowland à X Factor ».
L’expression « low brow » renvoie – par opposition à « high brow » – aux oeuvres d’art utilisant des références à la culture dite « populaire ».
– 15 octobre: 11 septembre
La référence était plus grave dans le quartier de Tribeca, où Banksy a réalisé un petit pochoir, en noir, représentant les tours du Wall Trade Center. Seule touche de couleur: une fleur, collée sur une des deux tours.
– 16 octobre: McDonald’s
Première réalisation du nouveau happening de Banksy: un Ronald McDonald’s réalisé en fibre de verre par l’artiste regarde avec un certain mépris un homme lui cirer les chaussures. Le happening sera répété tous les jours à l’heure du déjeuner devant un McDonald’s différent durant une semaine.
//player.vimeo.com/video/77064127
– 18 octobre: vigiles
Banksy a recréé le cadre d’une exposition à l’aide d’un banc et de deux tableaux accrochés à une structure métallique. Sur son site, il écrit: « Les gens me demandent pourquoi je veux avoir une exposition dans les rues, mais avez-vous les galeries d’art récemment? Elles sont bondées« . Reste à savoir si Banksy est à l’origine de la présence de vigiles- et d’un ruban jaune- devant ses oeuvres. Le Monde prend leur présence au premier degré, expliquant qu’ils sont là pour protéger les oeuvres des dégradations, et rappelant que beaucoup d’oeuvres de Banksy ont été vandalisées à New York. Pourtant, la surveillance des oeuvres par deux vigiles, en pleine rue, ressemble bien à un happening de Banksy (à prendre au second degré).
– 19 octobre: trou de fourmis
Banksy a posté sur son site une courte vidéo dans laquelle on voit des fourmis s’activer autour d’un trou, dont la forme a – coïncidence ou non- celle d’un vagin.
-20 octobre: ludique
Au détour d’une oeuvre, Banksy rappelle qu’en tant que street artist, il aime avant tout jouer avec l’espace urbain, avec le lieu sur lequel il appose son oeuvre.
-21 octobre: Ghetto 4 Life
Banksy propose une mise en abyme en réalisant un pochoir représentant un petit garçon taguant sur un mur.
-22 octobre: réplique du sphinx de Gizeh
Dans une sorte de terrain vague dans le Queens, Banksy réalise une réplique à l’échelle 1/36e du Sphinx de Gizeh (Egypte) faite de blocs de ciment, comme précisé sur son site. Mais plusieurs sites (dont le New York Post et le Gothamist) rapportent qu’une vingtaine d’hommes engagés par un commerçant du quartier ont emporté la sculpture dans un camion. Interrogé par le New York Post, le commerçant, Bernardo Veles, explique avoir été lui-même engagé par une femme, qui l’a payé pour qu’il lui rapporte l’oeuvre. Plus tôt, toujours selon le New York Post, un employé de Veles avait vendu une brique de ciment provenant de la sculpture pour $100.
http://www.youtube.com/watch?v=-KB2HYMeQzU
-23 octobre: pas d’oeuvre
Sur son site, Banksy publie à la place de la traditionnelle photo de son oeuvre du jour la phrase: « Today’s art has been cancelled due to police activity » (« l’oeuvre d’art d’aujourd’hui a été annulée à cause de la police »), sans plus d’explications. Depuis le début de sa résidence à New York, la police est à ses trousses (car, on a tendance à l’oublier, réaliser des pochoirs sur tous les murs d’une ville est illégal). Le 23 octobre, les forces de l’ordre ont demandé au cireur de chaussure, posté devant un Mc Donald’s de la ville (voir plus haut), de dégager de la voie publique sous peine d’amende. La statu0 de Ronald Mc Donald a par la suite été retirée par des collaborateurs de Banksy. Il y a une semaine, le maire de la ville, Michael Bloomberg, s’en prenait à l’artiste et plus généralement au street art: « Le Graffiti ruine les propriétés privées et sont un signe de décadence et de perte de contrôle… Personne n’est un plus grand soutien des arts que je le suis. Je pense seulement qu’il y a des endroits dédiés à l’art et d’autres non. S’attaquer à une propriété privée ou publique et l’a dégradée ne correspond pas à ma définition de l’art. Ou c’est peut-être de l’art mais cela ne devrait pas être autorisé, et je crois que c’est exactement ce que dit la loi ».
– 24 octobre: sur la porte d’un club
Le lendemain, Banksy a rassuré ceux qui pensaient qu’il avait mis fin à son activité new-yorkaise en réalisant un pochoir sur la porte d’un club dans le quartier de Hell’s Kitchen, à Manhattan.
-25 octobre: la Faucheuse sur une auto-tamponneuse
A l’approche d’Halloween, Banksy a une nouvelle fois délaissé le street art pour le happening en faisant tourner une Faucheuse sur une auto-tamponneuse, pendant qu’un homme joue de l’accordéon.
//player.vimeo.com/video/77827072
– 26 octobre: « Grumpy »
La plupart d’entre nous avons découvert le verbe « grumpy » avec le désormais célèbre « grumpy cat », star de l’Internet. On le retrouve chez Banksy, qui l’a taggé au dos d’un camion: « Plus vous êtes bougon, plus vous rencontrerez de connards« . Voilà, c’est dit.
– 27 octobre: la tribune refusée par le New York Times
Banksy publie sur son site Internet une tribune écrite sur une fausse une du New York Times et explique l’avoir proposée au journal qui l’a refusée. Et, pour une fois, l’histoire est bien vraie. Une porte-parole du journal a confirmé à la version new-yorkaise de Metro que l’artiste avait bien soumis un texte ainsi qu’une oeuvre d’art au New York Times et que toutes deux avaient été rejetées. Si elle n’explique pas les raisons de ce rejet, elle précise: « ce qu’il a posté sur son site n’est pas exactement ce qu’il nous a proposé« .
Dans son billet, Banksy s’en prend violemment à la tour en construction à la place des tours jumelles détruites dans l’attentat du 11 septembre 2001. L’artiste l’a qualifie de « verrue« , de « désastre« , estime qu' »on dirait quelque chose qu’ils pourraient construire au Canada« , la compare à « un enfant très grand à une fête, baissant ses épaules maladroitement afin de ne pas se démarquer des autres » et va jusqu’à écrire « on pourrait voir le One World Trade Centre comme une trahison de tous ceux qui ont perdu la vie le 11 septembre, parce qu’il proclame très clairement que les terroristes ont gagné ». Venant de Banksy, le tout n’est a priori qu’un gag… mais difficile de blaguer avec le 11 septembre. Le même jour, l’artiste a taggé sur un mur : « This site contains blocked messages » (ce site contient des messages bloqués), une référence évidente au refus du New York Times de publier son texte.
– 28 octobre: robot
Adepte des mises en abyme, Banksy réalise un pochoir représentant un robot taggant un code-barres, et faisant du même coup fuir un pigeon. Nature VS culture?
– 29 octobre: Point Godwin
Comme Banksy n’est pas franchement réputé pour sa finesse, il fallait s’attendre à un moment ou à un autre à ce qu’il touche le point Godwin. C’est fait avec ce tableau énigmatiquement baptisé « The banality of the banality of evil », qu’il a acheté dans un magasin d’occasions, sur lequel il a rajouté le général nazi, avant de pénétrer par effraction dans le magasin pour redéposer le tableau. Résultat: l’oeuvre, ou plutôt la double oeuvre, sera vendue aux enchères ce soir. Les enchères, qui sont déjà ouvertes et se clôtureront ce soir à 20h (heure américaine), se montent à $310 400 (soit près de 228 000 euros).
-30 octobre: la panthère
Sur le mur du Yankee Stadium.
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