Muse était en concert hier le 8 septembre au Théâtre du Châtelet : l’occasion de faire le point sur le groupe anglais avant la parution de son prochain album le 14 septembre, et son méga-concert à Bercy le 17 novembre prochain. Et ça fout les boules.
Le théâtre du Châtelet était déjà en ébullition lorsque, vers 20 heures, les premiers cris d’impatience se faisaient entendre de l’étage d’en haut. A l’extérieur de l’enceinte, le trottoir ne désemplissait toujours pas sous les assauts des quelques élus attendant depuis une heure avec l’espoir de décrocher un billet, tenus au courant du concert secret de Muse par bouche à oreille, blogs ou forums interposés. Le pied total, le revival rêvé pour faire le point sur leur évolution depuis leur premier album, Showbiz. L’occasion ou jamais en somme de voir Matthew Bellamy et ses comparses avant leur grand concert à Bercy, et de découvrir en entier les nouveaux morceaux qu’on a pu apercevoir subrepticement par tranches de 30 secondes sur leur site officiel.
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Le pa-papa-pa-papa-paaa retentit dans la salle sur l’air de Seven Nation Army, et l’on sent le condensé de fans qui, langues pendantes, commencer à suinter tout autour de nous. Pas d’inquiétude se dit-on, ça va passer. Après quelques bravades d’applaudissements avant l’heure, le concert commence à 21 heures 30, une demi-heure de retard alors qu’arrive Matthew Bellamy en t-shirt jeans slim, pour commencer son riff et se mettre à genoux dès le premier morceau. « Il en fait trop… » me souffle aussitôt mon voisin d’à-côté, plus impliqué qu’un militant UMP au milieu d’un conglomérat d’indécis. Rien d’étonnant là-dedans, Muse est connu pour faire de chaque apparition une ode à l’absolu, au tout-pour-tout, à l’infini, et l’on se dit que ce petit slide n’est certainement qu’un hors-d’œuvre avant le festin à venir. Le monde au balcon brandit le bras à chaque mesure, comme pour appuyer les flexions-extensions du chanteur. La mise en scène fonctionne, et les éclairages dignes d’un film de Travolta (points lumineux style boule à facette) virevoltent dans la salle. Le décor est froid, manichéen, limite religieux, et surtout complètement intègré à l’univers apocalyptique de Muse. Puis vient l’heure de Resistance, un plat composé où l’on retrouve Depeche Mode, Queen, et U2, tous trois assaisonnés nonchalamment à la sauce Muse. Pour le reste on retiendra en vrac quelques (rares) titres de Showbiz, et une reprise de Popcorn, intronisé comme l’un des premiers morceaux de musique électronique et popularisant le Moog dans les années 70.
Le gros problème de Muse, dans les retranchements multiples qu’il découvre au fur et à mesure de ses albums, est d’incarner dans le rock tout cet attirail indigeste et éculé, incapable de faire le saut indispensable vers le 21e siècle. La voix du chanteur est poussive, le batteur un peu mou, et l’ensemble manque réellement de charisme. L’imaginaire de Matthew Bellamy a beau être cohérent et intègre comme dans toutes leurs productions précédentes, la propension du groupe à se renouveler relève de plus en plus de l’impossible, et cela se constate dans tous les aspects de sa musique. Muse avance comme un monolithe inaltérable, qui paraît traverser toutes les époques du siècle dernier sans jamais subir aucune influence ni faire preuve d’aucune sensibilité à l’évolution actuelle de la musique. Là où le bât blesse vraiment, c’est lorsque Muse commence à vouloir faire du Freddie Mercury, à pomper allègrement les ficelles déjà bien visibles de Depeche Mode, et pense qu’en y ajoutant des rythmes à la Backstreet Boys cela va les replacer sur les rails sécurisés de la hype 80’s, fraîchement dépoussiérée de la fin des années 2000. Malheureusement, le décloisonnement des genres n’a pas le même effet pour tout le monde : Muse a toujours un wagon de retard depuis Showbiz, et ferait mieux de le raccrocher au plus vite à la locomotive, avant de finir sous peu dans les arcanes oubliées du siècle dernier.
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