Le CSA doit choisir le président du groupe radiophonique et rompre avec la méthode Sarkozy. Pour quel profil dans le contexte économique actuel ?
Le 12 février prochain, les 4 000 salariés de Radio France en sauront un peu plus sur le profil de celui qui présidera leur groupe à partir de mars. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit en effet publier la liste des postulants qu’il souhaite auditionner parmi les douze qui ont fait acte de candidature. Et dont on sait jusqu’ici assez peu de choses, l’instance ayant opté pour une procédure sans grande publicité et stricte afin de se montrer irréprochable.
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Il s’agit de la première nomination depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Un texte conçu essentiellement pour mettre fin au mode de désignation mis en place par l’ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, qui avait en 2008 dépossédé le CSA de ce pouvoir à son profit. Avec pour conséquence de faire régner une certaine suspicion sur les patrons de Radio France et France télévisions. « Cette réforme qu’il a fallu mettre en œuvre car elle était voulue par l’Elysée s’est avérée la pire chose pour les dirigeants du service public », convient rétrospectivement un ancien membre du cabinet du ministère de la Culture et de la communication. Jusqu’à mai 2012, celui qui les avait nommés a souvent été vu à la manœuvre ou imaginé derrière plusieurs décisions, recrutements, évictions, contrats… conclus par les équipes de Jean-Luc Hees ou – et surtout – Rémy Pflimlin.
Modalités clarifiées
Pour faire oublier cette proximité affichée avec le pouvoir, le CSA a depuis le 11 décembre arrêté des modalités de procédure très claires. Avec notamment une déclaration de candidature dans laquelle les intéressés présentent un projet stratégique pour le groupe radiophonique public, agrémenté « des documents attestant de l’expérience et des compétences du candidat » ; ou des auditions durant la seconde quinzaine de février face aux neuf sages du conseil pour détailler son projet ; ou encore l’élection à bulletins secrets du futur PDG d’ici au 7 mars. On est donc loin du précédent quinquennat, lorsque le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant recevait en catimini ceux qui avaient avant tout le mérite de plaire au chef de l’Etat. Et maintenant, sans aucune garantie sur le nom, voire la sensibilité politique supposée de celui qui sortira vainqueur du scrutin.
« Rappelons-nous que six des neufs conseillers de cette assemblée ont été nommés par la droite, estime un ancien dirigeant de l’audiovisuel public. Il serait difficile à son président Olivier Schrameck d’imposer quelqu’un, s’il était tenté de le faire. »
Le 31 janvier dernier, sur l’antenne d’Europe 1, celui-ci affirmé « très clairement et très fermement [qu’]il n’y aura non seulement aucune consigne, mais pas la moindre suggestion du pouvoir politique », soulignant même « c’est peut-être la première fois ».
L’ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin à Matignon de 1997 à 2002, souvent présenté comme un serviteur de l’Etat, mise sur l’exemplarité du processus. Il a ainsi imposé le huis clos à la séance plénière du 29 janvier dernier pour l’ouverture des enveloppes portant la mention « Procédure de nomination à la présidence de Radio France – Personnel et confidentiel ». De cette réunion où Olivier Schrameck avait proscrit toute présence autre que celle des huit conseillers et du secrétaire général est d’ailleurs sorti uniquement le nombre de dossiers adressés au CSA. Cette précaution a le mérite de ne pas mettre les candidats déjà en fonction dans l’embarras vis-à-vis de leur actuel employeur. Et « il évite aux conseillers d’affronter le traditionnel lobbying en faveur de l’un ou de l’autre », décrypte un politique rompu à l’univers médiatique.
Auditions privées
En revanche, l’absence de publicité qui sera donnée aux auditions des candidats jugés éligibles risque de favoriser les interprétations. D’autant qu’à l’automne dernier, la conseillère Mémona Hintermann-Afféjee jugeait « la transparence nécessaire, c’est une question démocratique ». Mais il existe « une différence entre ‘il faut le faire’ et ‘on peut le faire' », explique-t-on au siège du conseil, où il a été décidé en décembre que les auditions « ne seront pas ouvertes au public », pour se mettre « en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2000 ». La juridiction suprême avait estimé que leur publication pouvait porter atteinte à la nécessaire sauvegarde de la vie privée des candidats et posait un problème de liberté de parole.
« Il ne s’agit pas de se retrouver avec une annulation de toute la procédure parce qu’un candidat n’a pas été nommé », plaide un collaborateur de l’instance.
Parmi les 12 candidatures, seules celle -logique- du PDG sortant, Jean-Luc Hees, et celle -plus humoristique- de l’ancien chroniqueur de France Inter Stéphane Guillon débarqué avec pertes et fracas en juin 2010, ont été officialisées par les intéressés eux-mêmes. Le journal Les Echos a confirmé la candidature fortement pressentie du directeur général de France télévisions, Martin Ajdari, ancien n°2 de Radio France ; et il a révélé celle de la directrice générale d’Arte, Anne Durupty. Ces deux postulants, donnés favoris, avaient pris la peine de prévenir par un mail interne les entreprises où ils évoluent. Quant à Anne Brucy, l’ancienne directrice du réseau France Bleu et dont le nom circule depuis plusieurs semaines, elle n’a pas démenti s’être lancé dans la course. A la différence de nombreuses personnalités citées régulièrement depuis deux mois dans les conversations du Paris médiatique, notamment le président du directoire du Monde Louis Dreyfus ; le directeur général de France télévisions Bruno Patino ; la présidente de France médias monde Marie-Christine Saragosse ; ou encore le directeur du Nouvel Observateur Laurent Joffrin ; Mathieu Gallet et Emmanuel Hoog, qui président respectivement l’Ina et l’AFP… Subsiste donc une grande inconnue sur l’identité des sept derniers postulants, qui pourraient bien être quelques originaux ou les éternels postulants au moindre poste vacant… Mais également un challenger sérieux souhaitant préserver l’anonymat et doté d’un profil adéquats.
Les observateurs avisés des médias remarquent que la présidence de Radio France se caractérise depuis une vingtaine d’années par une alternance entre énarques et journalistes. Le PDG sortant Jean-Luc Hees relevant de la seconde catégorie, nombreux sont ceux misant sur un haut fonctionnaire pour prendre sa suite. D’autant que le futur dirigeant aura un contexte économique délicat à gérer.
Son premier objectif consistera à mener à bien la réhabilitation de la Maison de la Radio, en chantier depuis six ans et pour deux années encore, avec un budget qui a explosé. Parallèlement, il devra poursuivre la coûteuse migration vers le numérique et redynamiser des antennes qui peinent à trouver un souffle, à l’exception de France Bleu et France Culture. Mais il aura également l’obligation de composer avec un budget dont la progression, voire le maintien, est sujet à caution, face à un pouvoir en quête d’économies. Des syndicats envisagent des réductions drastiques, les plus pessimistes tablant « jusqu’à 200 millions d’euros sur le budget et jusqu’à 300 personnes dans les effectifs étalées sur les cinq prochaines années ». De quoi favoriser la candidature d’un gestionnaire doublé d’un fin politique. Toutefois, à entendre Olivier Schrameck, « c’est la comparaison des mérites et des atouts de ces personnes qui fera la décision collective du Conseil supérieur de l’audiovisuel ». Et de préciser qu’« il n’y a pas de critère automatique » et « pas de grille d’examen ». Réponse le 7 mars prochain, au plus tard.
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