A l’occasion de la sortie de leur dantesque film en 3D “Metallica Through the Never” – dix ans après le “docu-vérité” “Some Kind of Monster” – rencontre avec le guitariste soliste Kirk Hammett, en permanente ébullition créative.
A quel point vous êtes-vous investis dans Metallica Through the Never ?
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Kirk Hammett – On s’y est tous impliqués, même si je n’ai qu’une ligne de texte, et les autres encore moins. Mais j’aime cette séquence d’ouverture où on ressent vraiment ce qui se passe avant un concert de Metallica. J’aime le fait que Nimrod (Antal, le réalisateur – ndlr) ait tourné ces scènes sur nous en montrant qu’on était très loin de Some Kind of Monster. C’est le même groupe mais qui a gagné en maturité, est devenu plus autonome, et plus fonctionnel.
Plus en confiance aussi ?
Plus en confiance, bien sûr. Ce qui donne un groupe soudé, qui a redécouvert le plaisir de bosser en équipe. En conséquence, on vous embarque dans ce voyage un peu hors normes et cette expérience fascinante avec le groupe et avec Trip, le régisseur qui devra faire preuve de ténacité pour s’en sortir. Une qualité qui nous parle…
Outre le fait qu’on ait glissé du rockumentaire à la fiction entre Some Kind of Monster et Through the Never, le bonus reste évidemment l’apport de la 3D qui vous a coûté un bras ?
La somme que l’on a dépensée représente… beaucoup (rires) car on voulait garder un contrôle créatif total sur le film. Mais avec la 3D Imax, on cherchait le souffle de la nouveauté, de l’inédit afin que le spectateur ait l’impression de nous voir plus vrais que nature. On a aussi cherché à mieux rendre le réalisme des scènes « hors live ». Et d’emmener les gens dans notre univers personnel, depuis l’avant-concert, afin qu’ils aient l’impression de vivre l’expérience de la scène comme nous.
Repousser les barrières créatives comme Metallica le fait depuis des années implique d’être parfois incompris…
Je confirme (rires).
… Et depuis le triomphe du Black Album en 1991, il vous faut en outre composer avec des hordes de haters qui crachent sur tout ce que Metallica propose, et se défoulent plus encore depuis l’apparition du net. Comment réagissez-vous à cette avalanche de critiques ? Cela vous affecte-t-il ?
En fait, il en va ainsi depuis 1984. Dès la sortie de Ride the Lightning, on s’en est pris plein les dents. Comme si notre public de base qui avait apprécié Kill’em all, l’avait d’emblée érigé au rang de disque-étalon et n’ait pas supporté qu’on tente autre chose par la suite. Pour cette frange du public, nous n’avons alors fait que suivre une pente descendante. Pourtant, pour une raison ou une autre, notre public de base est passé de 15 000 personnes à 15 millions en chemin. C’est juste un exemple de l’impossibilité de plaire à tout le monde à chaque fois. Pourtant, en tant qu’être humain, pour survivre dans ce monde, on pense souvent à soi avant de penser aux autres. Eh bien, en tant qu’artistes, il me semble que nous devons adapter cet état d’esprit : penser à nous en premier. Et mettre ce qui nous plaît, nous émeut, nous donne envie de nous surpasser ou nous inspire au sein du collectif, de l’unité qu’est Metallica. Ces sentiments existent en nous. Pourquoi alors se laisser distraire en regardant comment ça se passe chez les autres ?
Tu veux dire, ne pas laisser le reste du monde interférer dans votre processus créatif ?
Oui. Essayer de laisser tout cela infuser de manière la plus pure possible, et, parfois se retrouver avec un résultat inattendu… et surtout auquel les fans ne s’attendent pas. Et dans un sens, tu te dis après coup, « Mon dieu, je n’avais aucune idée de ce que ça pourrait donner, mais en fait c’est bien! » et de l’autre tu as des fans qui eux se disent » Wouah, je n’aurai jamais pensé qu’ils sortiraient un disque comme ça : et je déteste ! » (rires) Bref, on se farcit ces critiques à répétition depuis notre deuxième album et ce n’est pas parti pour s’arrêter. Je me demande même si nos enfants ne devront pas en répondre un jour !
En même temps, savoir se renouveler, c’est un peu l’essence de l’art ! Quel que soit le genre où l’on officie ?
Bien sûr, si j’étais peintre ou architecte, je ne me satisferais pas de produire toujours les mêmes tableaux ou des immeubles en série. Pour la musique, c’est pareil. Pour que ton esprit créatif ne se tarisse pas, il faut continuer à le nourrir, de différentes choses, différents aspects, différentes émotions et différents sentiments. Tant que tu gardes ça à l’esprit, il y aura du changement. La dynamique de travail entre nous quatre change aussi constamment. Et l’on se renouvelle ainsi. En se demandant même parfois ce qui adviendra au prochain épisode…
Malgré les stades remplis depuis vingt ans et la débauche d’effets spéciaux en live, on sent bien au fond de vous ce côté « club rockers » que vous entretenez régulièrement. Je pense au concert surprise donné cet été sous le nom de « Dehaan » ou à l’intensité de ces trois concerts donnés le même jour à Paris en 2003 ?
Cette journée parisienne fut le jour le plus chaud de ma vie. Et pour cause, je me suis évanoui entre le deuxième concert au Bataclan et celui du Trabendo. J’ai dû retourner à l’hôtel car je souffrais de déshydratation et d’épuisement. Ma femme m’a soutenu en me versant du champagne dans la gorge, ce qui m’a remis en selle ! Quant à Kill’em all que l’on a rejoué sous ce pseudo de Dehaan*, j’ai adoré la décharge d’adrénaline que ça m’a procuré et je remettrais bien ça ailleurs !
Qui plus est, vous semblez vraiment vous éclater dans ce genre de configurations plus intimistes ?
Quiconque a la chance de faire ce que l’on fait et vient te dire : « Oh, je préfère me produire dans ces immenses stades que dans des clubs », est un imposteur pour moi ! Parce que si ton public compte vraiment pour toi : l’énergie, l’intimité et l’interaction que tu ressens dans ces shows en club, tu ne les retrouves nulle part ailleurs. Et tu te disperses moins. Comme dans le mythique Apollo Theater de Harlem, en septembre où nous sommes entrés dans une autre dimension en termes d’intensité.
Fin 2012 tu as publié Too Much Horror Business, un livre sur ta passion des comics et des films d’horreur. Une passion dévorante depuis tes cinq ans. Qu’a signifié pour toi cette échappée « hors Metallica » ?
J’ai une si vaste collection de posters, jouets et d’objets que j’ai pensé le temps venu de la montrer aux autres. Mais je me suis investi dans ce livre de la même manière que pour le groupe. En travaillant dur, et en réunissant le plus de matière et de renseignements possible. Et j’ai aussi le projet de monter une convention d’horreur à San Francisco.
Ce livre comptait plus pour toi que par exemple une autobiographie, le genre à la mode dans la sphère Metal ?
Oui, ça c’est le genre de chose que je vois plus se produire en fin de carrière, or je ne me sens pas déjà arrivé là !
Recueilli par Guillaume B. Decherf
*Du nom de Dane Dehaan qui joue Trip dans Through the Never, acteur déjà vu dans The Place Beyond the Pines ou Des hommes sans loi, scénarisé par Nick Cave.
Film Metallica Through the Never, en salle aujourd’hui
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