Au Canada, les femmes indigènes sont surreprésentées parmi les victimes de meurtres. Sur Twitter, la campagne “Am I Next ?” (Suis-je la prochaine ?), qui dénonce l’absence de réactions du gouvernement , devient virale.
Le 17 août dernier, Tina Fontaine, jeune fille indigène de 15 ans, est retrouvée morte dans un sac au fond d’une rivière de Winnipeg. Ce meurtre déclenche une campagne devenue virale sur Twitter avec des photos de femmes autochtones tenant une pancarte où l’on peut voir écrit “Am I Next ?” (Suis-je la prochaine ?). Cette campagne s’adresse directement au Premier ministre canadien, Stephen Harper, en poste depuis 2006, qui a refusé cet été d’ouvrir une enquête nationale sur dle sort de ces nombreuses femmes autochtones assassinées ou disparues.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
#AmINext Justice for our women nation and the relatives left behind #MMIW pic.twitter.com/juoVsUx4MB
— Hml (@inktomilady) 6 Septembre 2014
En effet, le meurtre de Tina Fontaine est le dernier d’une longue série qui ne semble pas s’arrêter. Le problème est connu depuis de nombreuses années. Au Canada, les femmes autochtones auraient quatre fois plus de risques d’être assassinées ou de disparaître. En 1980, le pourcentage de femmes indigènes parmi les victimes de meurtre était de 8 %. En 2012, il s’élevait à 23 % alors que le nombre d’homicides de femmes était lui à la baisse. Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), plusieurs facteurs expliqueraient cette augmentation considérable : le taux de plus en plus élevé de prostitution chez ces femmes, la prise de substances toxiques, leur casier judiciaire et le fait que les meurtriers sont généralement des membres de la famille ou des connaissances de la victime.
Les chefs des « Premières nations » réagissent
Mais ces explications n’ont pas convaincu jusque-là ces femmes autochtones qui se mobilisent de plus en plus. Et elles ne sont pas les seules. Un ultimatum a été lancé en 2012 par les chefs des “Premières nations” au gouvernement fédéral, promettant des actions s’ils n’étaient pas entendus. Derek Nepinak, grand chef de la province de Manitoba où la population autochtone est en pleine croissance, souhaite que le problème soit exposé au plus grand nombre. Le rapporteur spécial des Nations unies, l’association Human Rights Watch et les ministres des Affaires autochtones apportent leur soutien et demandent également l’ouverture d’une enquête.
En 2010, la commission Oppal (du nom du commissaire qui la dirigeait) était chargée de faire la lumière sur le meurtre de six prostituées indigènes à la fin des années 90 dans le quartier de Downtown Eastside à Vancouver. Le tueur, Robert Pickton, avait été arrêté au début de l’affaire sans être accusé pour finalement être condamné à perpétuité en 2007.
Mais la commission a plutôt mal commencé puisqu’elle a été boycottée par des nombreux organismes après le refus par le gouvernement provincial de financer les frais juridiques des associations représentant les prostituées et les autochtones. Puis, l’avocate nommée par la province, estimant que les paroles des victimes ne sont pas assez prises en compte, a démissionné.
Pourtant, certains témoignages sont édifiants. Les familles des victimes accusent les enquêteurs de les avoir ignorées. Un ancien policier affirme que ses supérieurs ont volontairement ralenti l’enquête alors qu’ils savaient qu’un tueur en série sévissait. Enfin, une ancienne employée de la GRC, en outre victime de harcèlement sexuel, estime que les enquêteurs préféraient “faire la fête”. Sans aucune raison, cette employée a été écartée de la liste de témoins. Le rapport final délivré en décembre 2012 a conclu que “l’idée que les défaillances critiques dans les enquêtes sur les femmes disparues soient le résultat d’une politique discriminatoire ou d’un biais institutionnel systémique est vivement contesté.” La commission s’avère donc être un échec.
Contre la discrimination
Depuis 2012, les choses n’ont pas vraiment évolué dans le bon sens principalement à cause de Stephen Harper. Dès son arrivée au pouvoir en 2006, celui-ci a aboli le programme d’aide aux communautés autochtones. Puis, en 2012, il a adopté le projet de loi C-45 visant à modifier les lois environnementales notamment celles sur les Indiens et la protection des eaux. En réponse à cette décision, l’association Idle No more, qui lutte contre la destruction de l’environnement et la discrimination des Premières nations, s’est créée.
Theresa Spence, une indigène, se met en grève de la faim pendant six semaines. D’autres femmes ont organisé une marche de 1 500 km dans le but de rencontrer Harper. Lors du Premier Forum social des peuples qui s’est déroulé du 21 au 24 août dernier, l’objectif principal était clair : contrer la politique du gouvernement et s’opposer au Premier ministre.
La communauté autochtone n’est pourtant pas dupe : “Le gouvernement refuse de recevoir les rapporteurs spéciaux des Nations unies et de l’organisation des États américains. Pensez-vous qu’il va être en mesure d’accéder à cette demande dans laquelle on encourage ou oblige le gouvernement fédéral à aller vers une enquête nationale ? Je ne suis pas naïve” déclare Michelle Audette, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada. Mais la mobilisation semble être relancée plus que jamais et une marche de 2 000 km est prévue le 19 septembre prochain. Les manifestants, hommes et femmes, prévoient de se rendre à Ottawa pour montrer leur détermination.
{"type":"Banniere-Basse"}