Trois ans que l’on n’avait pas vu les punks en chemisettes sur scène : malgré un début (très) difficile, on est repartis les cheveux électriques et les yeux plein d’espoir de leur concert parisien. On vous raconte.
The Soft Pack : quatre Californiens aux têtes de gendres idéaux, une poignée d’ep explosifs, un premier album punk enregistré à la dynamite, un second plein de solos de saxo et une collection de chemisettes à faire pâlir de jalousie un vendeur d’encyclopédies à domicile. Trois ans après leur dernier concert parisien au Nouveau Casino (et un passage, l’année d’avant, au Festival des Inrocks), les Américains n’ont pas perdu leur goût de la liquette rentrée dans le pantalon lorsqu’ils débarquent, visiblement fatigués, sur la scène de la Flèche d’Or. Si quelques nouveautés ont fait leur apparition – un cinquième membre aux claviers et au saxophone, une coupe de cheveux bouclée-longue-aplatie-sur-le-dessus improbable pour le chanteur et guitariste Matt Lamkin –, le groupe originaire de San Diego n’a pas perdu de sa nonchalance et de son sens du no show qui le caractérise.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
The Soft Pack viennent présenter leur second album, Strapped, sorti à l’automne dernier – un disque moins immédiat, moins convulsif, moins urgent que son formidable prédécesseur, mais tout aussi crade et poussiéreux lorsqu’on prend le temps de se pencher dessus (encore faut-il le prendre). Et c’est justement le piège de ce début de concert qu’on ne peut que qualifier de franchement mou du genou : cette impression que les Californiens ont bel et bien sacrifié leur esprit punk, leur son nerveux, cette tension proche de la méchante crampe qui faisait tout leur intérêt, sur l’autel des claviers et des solos de saxo. Cinq morceaux passent – dont certains anciens pourtant plus à vifs que les titres de Strapped –, mais la sauce ne prend pas, la chantilly amère se casse la gueule sans même atteindre les bords du bol. On s’inquiète, on se demande où sont passé les punks en chemisettes qu’on connaissait : bien heureusement, ils ne sont pas très loin.
Après quinze minutes de rétropédalage dans la semoule, le diesel a fait assez de tours de chauffe pour retrouver sa fièvre. Visage fermé pour Lamkin qui remercie le public en lui tournant le dos, grimace de gamin qui se « masturbe compulsivement avant que le bus scolaire n’arrive » pour le guitariste Matthew McLoughlin : le concert commence enfin malgré quelques problèmes de son qui couvre la voix du chanteur. On redécouvre les titres taillés au cordeau des Américains dont l’insolente inertie a encore gagné un niveau.
Tandis que Lamkin s’efforce de trouver quelque chose à faire de son corps – on voit en lui une sorte de Shaun Ryder sobre et étudiant en mathématiques ou un Zach Condon qui se serait mis au punk par accident –, Extinction, Nightlife, Mexico, Brightside ainsi que les plus récentes Tallboy et Bobby Brown défilent sèches, crasseuses et à vif – on ne louera jamais assez les riffs crispés de McLoughlin et la ligne de basse implacable de Dave Lantzman. Ce n’est pas le concert de l’année, certes, ni le meilleur du groupe, mais on ne peut s’empêcher de secouer la tête frénétiquement, de taper du pied et d’avoir soudainement envie de ne plus jamais se laver les cheveux à la fin de ce live sans rappel, sans appel. Les punks en chemisettes n’ont pas disparu : leurs corps sont un peu épuisés par la route mais leur esprit est intact.
{"type":"Banniere-Basse"}