Un film glauque, un bijou de fraîcheur, et un moment soporifique : suite de la Mostra de Venise racontée par Serge Kaganski.
Je m’admire filmer
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Un autre spécimen de réalisateur que je n’aime croiser ni en festival ni ailleurs, c’est le gros naze qui se croit sorti de la cuisse d’Orson Welles. Cas de figure emblématique avec le Gallois Duane Hopkins qui montrait Bypass à Orizzonti. Dès le générique du début est écrit « a Duane Hopkins film » : ok, le mec est nobody en dehors de Cardiff mais il se croit world class director from the A list. Après le générique, ça ne s’arrange pas, mais alors pas du tout. Bypass est un film glauque et prétentieux sur de jeunes prolos en galère : jobs pourris, chômage, maladie, deals foireux et dangereux… Avec un catalogue pareil, on peut certes faire des bons films (Dardenne, bien sûr, Pialat, évidemment, voire Loach dans un bon jour…), mais Hopkins ne fait qu’appuyer lourdement sur la touche « enlisement de ses personnages » et sur le bouton « regardez-moi filmer original » : festival de ralentis, accélérations, cadrages décadrés, plans en amorce, effets flous-nets, musique pénible et sur-signifiante, qui ne servent à rien sauf à plomber le film de vanité creuse. Je me suis barré au bout de 45 minutes d’ennui et de la troisième crise de vomissement du héros.
Le film du jour
Orizzonti s’est bien rattrapé avec le stakhanoviste Hong Sang-soo et son délicieux Hill of freedom. Le Coréen est l’exact opposé du prétentieux Gallois : humble, talentueux et filmant épuré, au plus près de ses histoires et personnages, sans une once de virtuosité démonstrative. Il raconte toujours les mêmes histoires de filles et de garçons, d’amours non réciproques, de quiproquos sentimentaux, et toujours dans le même réseau géographique des ruelles et cafés de Séoul. Les différences entre chaque film résident en d’infimes variations et glissements. Ici, un étudiant japonais vient à Séoul retrouver la femme dont il est éperdument amoureux.
Evidemment, il la cherche mais ne la trouve pas et en rencontre une autre. N’en disons pas plus… Hill of freedom est un bijou de fraîcheur, d’humour et de mélancolie. Et de concision (le film dure 66 minutes, ce qui change agréablement du paquet de purges de 2h ou plus qui squattaient cette année le Lido). Dans Hill of freedom (titre du film et nom du bar où se retrouvent les protagonistes), les Coréens parlent anglais, les expatriés anglo-saxons parlent coréen, les Japonais sont confondus avec les locaux, le héros philosophe face à une fille un peu bourrée qui préfère boire que méditer sur le concept de temps. Une fois encore, HSS musarde avec légèreté sur les sisyphiennes relations hommes-femmes, les avanies sentimentales sans fin, et on ne s’en lasse pas, tellement la « hong touch » est gracieuse. Et pour une fois, il y a un happy end amoureux chez HSS… ou pas. Applaudissements nourris et mérités à la fin.
Sinon
Un film turc en compète : Sivas, d’un certain Kaan Müjdeci. Beauté des paysages anatoliens… zzz… Rudesse des rapports entre les paysans et leurs bêtes… zzzz… Gamins du village rebelles mais tellement attendrissants… zzzzzz… Combats de chiens filmés en durée et gros plans : là, on se réveille, mais pour le coup on préfèrerait dormir… Cette compète vénitienne 2014 est vraiment très moyenne, pour rester poli. A part le Jacquot, aucun coup de cœur, aucun film qui captive, surprend, embarque, fait vibrer, et parfois même des choses très en dessous du niveau minimum requis pour une compète de grand festival. Ché passa ? Restent Alix Delaporte, Aibeul Ferrara et Andrew Niccol (mais pour lui, je serai rentré à Paris) pour faire un peu décoller l’ensemble. Heureusement, Venise reste Venise. Mais depuis trois jours, il fait frais et le crachin menace.
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