Serge Kaganski nous raconte la 71e Mostra de Venise qui se tient jusqu’au 7 septembre.
On a beau connaître, l’atterrissage à Venise Marco Polo est toujours une expérience qui tire les larmes, tellement c’est beau de survoler de près la lagune, de reconnaître d’en haut Dorsoduro et Canareggio, les tours de Saint-Marc ou de Santa Maria Maggiore, la Giudecca et le Lido. Surtout sous un ciel bleu azur parfait. Encore plus après la grisaille et la pluie continuelles de Paris en août. Ces cinq minutes d’approche furent mon premier grand film de cette Mostra, peut-être le meilleur. Merci aux auteurs oubliés, les bâtisseurs de cette merveille (et un peu le pilote d’Air France, et la météo).
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Le film du jour
Ce vendredi, pas compliqué, installation et formalités diverses obligent, je n’ai pu en voir qu’un : 99 Homes de l’américano-iranien Ramin Bahrani, avec l’immense Michael Shannon. Bahrani est un habitué du Lido, il était déjà présent il y a deux ans pour un film jamais sorti en France. On comprend qu’une sélection en compète ne dépend pas seulement de la qualité des films mais d’autre paramètres tels que par exemple les liens d’amitié tissés entre un réalisateur et un sélectionneur. Dans ce cas de figure, mieux vaut être pote avec Tarantino ou les Coens ou Kéchiche qu’avec Bahrani – je ne parle pas qualités humaines mais force de la sélection.
Comme les films précédents de Bahrani, 99 Homes est honnête : bon sujet, bons acteurs, réalisation banale, oublié quelques jours après. 99 Homes relate à hauteur de quelques personnages la crise des subprimes et les expulsions massives d’honnêtes citoyens de leurs logements. Bahrani est bon quand il filme ce moment où les flics et l’agent immobilier vautour toquent chez M et Mme Smith pour leur signifier : « votre maison appartient désormais à la banque, vous violez une propriété privée, vous avez deux minutes pour plier vos gaules et dégager ». Du brutal. Surtout quand le rapace a les traits de Michael Shannon.
Cette critique de l’horreur immobilo-financière américaine frappe juste et fort. Là où Bahrani déconne, c’est quand l’un des expulsés se met à la colle avec Shannon pour devenir expulseur (peu crédible), puis finit par être rattrappé par sa nature honnête et crache le morceau des magouilles d’un système pourri qui vire les gens de chez eux (encore moins crédible). L’artificialité de ce yoyo entre bien et mal n’est pas aidé par le pathos familialiste que Bahrani ne peut s’empêcher de verser à grandes louches alors que c’était vraiment pas la peine. L’excès sentimentaliste, une des plaies de toujours du ciné américain. Du ciné tout court. Film très applaudi, évidemment.
Sinon
La rumeur (deux ou trois avis de collègues glanés au hasard) dit que le Inarritu était plutôt un bon film d’ouverture, efficace et plaisant, et que le Beauvois est pas mal. Bref, les films enthousiasmants se font encore attendre. Peut-être ce samedi avec Gordon Green et Jacquot, voire les « mumblecorants » frères Safdie ? A propos de Jacquot, j’étais convié à un dîner en ville avec son équipe et celle du Honoré, featuring la grande Catherine, sa fille Chiara, et tout et tout… J’en connais qui auraient séché le film et traversé la lagune en crawl pour échanger ne serait-ce que deux mots et un verre de blanc avec la Deneuve…
Il faut croire que je suis plus flemmard que mondain et que je n’ai décidément aucun réflexe de chroniqueur à potins ni de fan de base. Il était 22h à la sortie du Bahrani, il fallait prendre le vaporetto (mon lit est au Lido, pas downtown Venezia), j’étais poisseux et fatigué, j’avais ce blog à tenir, bref, j’ai opté pour quelques antipasti di mare dégustés seul et vite fait dans l’excellent bouiboui en bas de mon hôtel. Je ne regrette pas, c’était délicieux et parfaitement vénitien. Et puis j’ai une autre chance de pouvoir remonter mon baromètre people, à la fête du Jacquot, samedi soir.
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