Dans le cadre du festival Fireworks !, la Gaîté Lyrique proposait une soirée placée sous l’égide du label In Paradisum, avec l’un de ses fers de lance : le français Mondkopf. On y était, on vous raconte.
Des hipsters à tête d’oiseaux parcourent la salle d’un air nonchalant et discutent sans vergogne pendant le set de Oake, la première partie de ce soir. On n’est certes pas à la messe pendant un concert, mais entendre continuellement un piaillement dans les oreilles empêche d’apprécier pleinement ce qui se passe sur scène.
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Que s’y passe-t-il, d’ailleurs ? Un homme et une femme, tenue noire de rigueur, s’activant respectivement derrière des machines et un micro, proposent une sorte de drone éthéré. Il y a des séquences sonores intéressantes de la part du duo, mais qui sont malheureusement coupées dans leur élan par la voix de la chanteuse, qui visiblement galère avec les retours au début. Peut-on réellement parler de chant, néanmoins ? Il serait plus juste de parler d’incantation lorsqu’on évoque la vocaliste du groupe, qui ne lésine pas sur les effets sorciers de ses déclamations.
La magie ne prend donc que sporadiquement pendant la performance, plombée par le sérieux papal et le rythme de sénateur qu’impose le couple. Des éclairs bienvenus surgissent néanmoins, comme ce morceau vaguement arabisant, vrai sommet où la voix fonctionne parfaitement en une sorte de mantra bourdonnant. La chanteuse s’en va, la musique devient plus bruitiste. Nappes cloutées, hurlements, le type qui jusque-là gesticulait comme un forcené derrière ses machines se met à vociférer dans son micro et à haranguer le public. Mouais. La musique est à l’avenant, avec des beats que n’aurait pas renié Suicide, mais dans une version plus crépusculaire ici. La scénographie est minimaliste mais efficace, avec des jeux de lumière qui rendent justice à la musique ritualiste du groupe.
Mondkopf, hauteur de vue
L’introduction s’étire sur plusieurs minutes, et annonce le déluge sonore à venir. Les visuels sont d’une beauté grandiose, la disposition de la Gaîté Lyrique offrant un écrin parfait pour la musique du Français. Les projections sont utilisées sur l’ensemble du fond de la scène, accentuant l’ampleur et la force de l’entreprise. Sur scène, à droite, Paul Régimbeau, alias Mondkopf, s’occupe à triturer ses laptops et ses machines, tandis qu’à gauche il s’est adjoint les services du guitariste Greg Buffier du groupe Saaad. Le musicien présente des motifs de guitare obsédants en accompagnement des beats apocalyptiques du Parisien d’adoption, dans une techno impériale et oppressante.
Les visuels accompagneront la tonalité des morceaux pendant tout le concert, fluctuant régulièrement entre pure abstraction et rythmes plus soutenus. Mais si l’on a souvent envie de danser pendant le set de Mondkopf, ce n’est certainement pas d’une danse hédoniste et libératoire. La musique est d’une noirceur infinie, diamant noir évoluant toujours plus avant dans des contrées apocalyptiques et décharnées. La techno à tendance industrielle que propose le groupe nous prend littéralement à la gorge et nous propulse vers le sol.
A l’image de son dernier album, Mondkopf semble avoir laissé de côté la techno martiale qui le caractérisait jusqu’ici, et c’est tant mieux : les majestueuses Stars Are Falling ou Cause & Cure viennent moduler la puissance d’incarnation du rendu sonore, et offrir une sorte de clair-obscur bienvenu. La musique en devient toujours plus belle et sculpturale, et il faut saluer la science du dosage qu’effectue le duo ce soir. Le jeu sur les silences est stupéfiant, et la diversité sonore intervient toujours au bon moment. Grésillements, entrelacs et surimpressions : peut-on encore parler de chansons ? Peu importe, notre cage thoracique en forme de cocotte-minute nous donne envie de continuer à suivre ce grand ado impassible de Paul Régimbeau jusqu’au bout de ses folles ambitions.
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