Kristen Stewart, 24 ans mais déjà dix ans de métier, fait ses premiers pas dans le cinéma d’auteur européen grâce au Sils Maria d’Olivier Assayas. Entretien avec une actrice très à l’aise dans son statut de star.
Des assistants en pagaille, deux attachées de presse, un garde du corps, une maquilleuse, un cameraman filmant ses faits et gestes : c’est entourée de cette armada, marchant à vive allure, que Kristen Stewart se présente à nous. Très loin de l’image de jeune femme hésitante popularisée par Twilight, « K-Stew » semble extrêmement sûre d’elle, presque intimidante.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans Sils Maria, Olivier Assayas se joue de son statut de star et lui fait interpréter l’assistante personnelle d’une autre star, Juliette Binoche. Lumineuse et pragmatique, elle navigue admirablement dans les entrelacs théoriques du film, s’offrant un joli trip, first class, dans le cinéma d’auteur européen, douze ans après sa première apparition dans Panic Room de David Fincher. Entre deux jets privés, elle nous a parlé de cette expérience, aussi exotique qu’exaltante.
Avez-vous le sentiment que cela change quelque chose pour vous, en tant qu’actrice, de jouer dans Sils Maria d’Olivier Assayas ?
Kristen Stewart – Hmmm… Non. A vrai dire, à part les cinq épisodes de Twilight, je n’ai fait que des films très différents les uns des autres, et tous ont changé quelque chose. Je suis très heureuse d’avoir joué dans Sils Maria, mais ce n’est pas une exception.
Le fait d’être sélectionné à Cannes, pour la première fois, ça n’a pas une saveur particulière ?
Oh, si vous parlez de ça, oui, bien sûr, c’est génial. Aux Etats-Unis, on a Sundance et quelques autres bons festivals, mais pour ce qui est de la cinéphilie pure et dure, c’est ici que ça se passe. Depuis que j’ai 10 ans, je travaille dur, je m’investis totalement dans mon métier d’actrice et je vis cette sélection non comme un aboutissement mais comme une grande reconnaissance.
Vous allez beaucoup au cinéma ?
Ça dépend vraiment. Quand je ne tourne pas, je peux m’enfermer chez moi et voir cinq films par jour. En ce moment, je tourne donc je n’ai pas le temps. Mais je n’ai pas une connaissance encyclopédique du cinéma en tout cas.
Vous tournez quoi en ce moment ?
Je tourne en Louisiane un film qui s’appelle American Ultra, avec Jesse Eisenberg. C’est un mix d’action et de comédie, un film un peu étrange, presque surréaliste, qui, je l’espère, devrait être assez drôle.
C’est la deuxième fois que vous retrouvez Jesse Eisenberg, après Adventureland. C’est un film intéressant, pourtant il n’a pas été très bien distribué…
Merci ! Je suis fière de ce film, Greg (Mottola – nldr) est un cinéaste très sensible. Et oui, c’est un immense plaisir de jouer à nouveau avec Jesse.
Vous connaissiez bien le cinéma d’Olivier Assayas avant de le rencontrer ?
J’avais vu Carlos et… son précédent film avec Juliette Binoche, dont je ne saurais prononcer le titre (L’Heure d’été – ndlr), à leur sortie aux Etats-Unis, mais c’est tout. J’avais été frappée par leur intégrité artistique, que j’ai pu vérifier en travaillant avec lui. C’est rare de trouver un réalisateur aussi intègre. Surtout aux Etats-Unis. Olivier n’a que son désir en tête. Il ne voit pas les choses en termes de marketing, il ne pense pas aux recettes que le film devra engendrer. Il est concentré sur son film, ses acteurs, rien d’autre.
Comment se comportait-il sur le plateau ?
« He’s fucking badass » (c’est un putain de tueur) ! Il contrôle tout et, en même temps, il est très relax. Sa main… vous voyez (elle fait le geste avec la sienne), c’est comme s’il tenait tout ensemble, fermement, sans rien laisser échapper, mais sa main est détendue, jamais crispée… Je n’avais jamais vu ça auparavant. Sur le plateau, on n’avait pas besoin de discuter des heures. Il nous laissait relativement libres avec Juliette, on pouvait apporter ce qu’on voulait, mais à la fin, il se débrouillait toujours pour nous ramener à sa propre vision des choses. Voilà comment je résumerais sa méthode : il installe tout méthodiquement et ensuite il laisse aller. C’est presque comme du théâtre : de très longues prises qui semblent ne jamais finir. C’est rare, et très cool.
Vous avez la réputation d’aimer l’improvisation, Assayas vous y encourageait-il ?
Oui, complètement. J’apprends mon texte mais je ne suis pas du genre à y coller à la virgule près ou à répéter la scène cent fois avant de la jouer. Ça convenait très bien à Olivier et à Juliette, qui m’ont même encouragée dans cette voie (elle marque une pause). Pour être honnête, je crois qu’ils étaient un peu déstabilisés au début, et moi aussi d’ailleurs. Il m’a fallu une bonne semaine pour m’habituerau style d’Olivier, qui donne très peu d’indications. A Hollywood, on est parfois dirigé au millimètre : « Dis cette phrase, mets-toi là, marque une pause, retourne-toi de 12°. » Or je trouve que ça tue la spontanéité. J’aime quand l’émotion jaillit sur le moment.
Et Juliette Binoche, comment était-elle avec vous ?
Avec moi ? Adorable. Elle a une énergie dingue. C’est une centrale électrique. Elle est très excentrique et en même temps, elle n’est pas du genre à se mettre dans tous ses états pour un rien, vous voyez ce que je veux dire. Elle ne se contente pas de pontifier, comme le font tant d’acteurs qui parlent des heures de leur métier, de leur carrière, de leur technique et qui, une fois que le metteur en scène a dit « action » vous sortent l’interprétation la plus banale que vous ayez jamais vue… Non, Juliette, elle, met en application sa philosophie. Elle est un peu comme Olivier au fond : ce qu’elle donne ne ressemble jamais à un produit. C’est un terme hyper galvaudé mais c’est celui qui la décrit le mieux je trouve : elle est réelle.
Avec Twilight, vous vous êtes vous-même retrouvée dans ce statut de produit hyper marketé. Comment l’avez-vous vécu ?
Pas très bien. Je commence à avoir un peu de recul désormais et je me rends compte que cette célébrité et toute cette hystérie autour de moi ont été excessives. Aujourd’hui encore, j’en paie le prix. Je suis suivie continuellement par des paparazzi, on décortique ma vie dans les tabloïds… Croyez-moi, ce n’est pas très agréable, mais je dois faire avec.
Sils Maria est justement une réflexion sur le métier d’actrice et sur la célébrité. Vous y avez retrouvé des liens avec votre quotidien ?
Oui, même s’il s’agit d’une composition. Disons que le film est tombé à point nommé pour me permettre de prendre du recul sur tout ça. C’est une façon pour moi de dire que je ne suis pas dupe.
Vous connaissez ce « cirque », comme vous dites, depuis que vous avez 10 ans. Vous trouvez qu’il a beaucoup changé ?
Hmmm… pas tellement, non. Bien sûr, il s’est intensifié pour moi. Internet et les réseaux sociaux – où je vais peu – ont changé le rapport qu’on a avec le public et les journalistes mais, globalement, ce sont les mêmes règles.
Quand vous aviez 10 ans, quels étaient vos modèles, les gens qui vous ont donné envie de faire ce métier ?
En premier lieu, Jodie Foster, avec qui j’ai travaillé sur Panic Room. Elle a énormément compté pour moi. Je la vois encore de temps en temps et elle demeure un modèle. A part elle, Catherine Keener m’inspire. Plus récemment, Amy Adams est une des meilleures, je trouve… Et Cate Blanchett, évidemment !
Avec qui rêveriez-vous de tourner désormais ?
Je vais faire une réponse très classique : Scorsese.
{"type":"Banniere-Basse"}