On pourrait lire de mille façons la question polysémique jadis posée par un blond chanteur disco. Où sont-elles politiquement, socialement, sociétalement, sexuellement ? Où les situent les hommes ? Où se positionnent-elles, elles-mêmes ? La mort d’Antoinette Fouque repose ainsi la question juvetienne, qui est celle des multiples féminismes. Elève de Barthes, patiente de Lacan, […]
On pourrait lire de mille façons la question polysémique jadis posée par un blond chanteur disco. Où sont-elles politiquement, socialement, sociétalement, sexuellement ? Où les situent les hommes ? Où se positionnent-elles, elles-mêmes ? La mort d’Antoinette Fouque repose ainsi la question juvetienne, qui est celle des multiples féminismes. Elève de Barthes, patiente de Lacan, cofondatrice du MLF et fondatrice des éditions Des femmes, Antoinette Fouque n’aimait pas Beauvoir, récusait les gender studies, refusait le terme « féminisme » lui préférant celui de « féminologie », affirmait la spécificité de la femme qui résidait prioritairement, selon elle, dans la maternité, la capacité de mettre au monde. Elle revendiquait la différence biologique homme-femme, l’existence de deux sexes bien distincts, mais aussi leur égalité en droits et en considération dans la société, combat solidaire selon elle de la lutte des classes et de la décolonisation. « Fouque off »aurait pu lui répondre une Judith Butler. Dépassée par les évolutions philosophiques et sociétales, comme les féministes contemporaines clivées par les Femen, Antoinette Fouque n’en a pas moins joué un rôle essentiel et décisif dans le long et tortueux chemin de l’émancipation des femmes, qui est aussi celle des hommes et de la société entière.
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Les cendres d’Antoinette Fouque seront peut-être un jour transférées au Panthéon, à l’instar de celles de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Comme le féminisme, la résistance avait aussi ses chapelles et les communistes n’ont pas manqué de critiquer le choix de François Hollande de ne pas « panthéoniser » des résistants issus de leurs rangs. On pourrait aussi lui dire « Monsieur le Président, encore un effort pour être féministe. » Choisir deux femmes et deux hommes, c’est mieux que tous ses prédécesseurs, c’est paritaire. Mais c’est insuffisant quand on fait le compte des panthéonisés : soixante-et-onze hommes, deux femmes (Sophie Berthelot, transférée en qualité d’épouse de Marcellin, et Marie Curie, la seule admise au nom de son propre mérite). Le score va passer à 73-4. Super. Et peut-être devrait-on modifier le fronton dix-huitièmiste du monument qui dit : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » ? On propose « Aux grandes figures », ou « Aux grandes personnalités », ou « Aux grands êtres »… Antoinette, marrie, aurait proposé « Aux grands hommes et femmes »… Politiquement correct ? Non, ajustement minimum aux réalités de notre histoire et au XXIe siècle.
Tillion, de Gaulle-Anthonioz, Fouque ont quitté un monde et une époque où certaines femmes mènent des combats opposés aux leurs. De Béatrice Bourges à Frigide Barjot, de Marie-Christine Boutin à Farida Belghoul, elles veulent préserver l’ordre « naturel » de la famille hétéronormée, oubliant que toute l’histoire de l’humanité et des civilisations fut une avancée culturelle contre le naturel. La roue, l’imprimerie, l’électricité, internet, les révolutions, les lois, l’égalité en droit de l’homme et de la femme, la dignité pour tous, les bricoles héritées des Lumières n’ont rien de naturelles. Les cheftaines de la réaction actuelle sont les (in)dignes héritières de celles et ceux qui furent contre le droit de vote des femmes, contre la pilule, contre l’avortement.
Si l’extrémisme conservateur l’avait toujours emporté, on vivrait encore dans les cavernes, les hommes à la chasse, les femmes à la grotte, selon l’ordre « naturel » qui a prévalu pendant des millénaires. Heureusement, rien n’est perdu : selon un sondage BVA publié dans Le Parisien, 54 % des catholiques sont pour le droit au mariage homosexuel, 42 % pour le droit à l’adoption, 30 % pour la PMA, 92 % pour la capote… Les ouailles sont en avance sur le Vatican et sur la bruyante minorité manifestante. L’ouverture au progrès est majoritaire, le gouvernement devrait s’en souvenir et le traduire en actes, ce serait le meilleur moyen de rendre hommage aux grandes figures disparues, panthéonisées ou pas : elles ne reculaient pas, elles, au moindre coup de vent contraire
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