Avec Le Square, Marguerite et le Président et Savannah Bay qu’illumine Emmanuelle Riva, Didier Bezace confirme que l’écriture de Marguertie Duras lui sied comme un gant
On ne vantera jamais assez les vertus du silence au théâtre. Quand une conversation s’interrompt, quand les mots manquent, on dit parfois qu’un ange passe. Ces flottements au cœur d’un dialogue, Didier Bezace les exploite on ne peut plus finement. Le jeu des questions et des réponses n’a rien à voir avec une partie de ping-pong. Les trois textes de Marguerite Duras que le metteur en scène présente en ce moment au théâtre de l’Atelier à Paris en sont une parfaite illustration.
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Le seul point commun entre Le Square, Marguerite et le Président et Savannah Bay, outre leur auteur, c’est de confronter à chaque fois deux personnages. Pour le reste, ils diffèrent largement ; l’intérêt de les monter à la suite étant justement de comparer les états successifs d’une écriture. En précisant tout de même que Marguerite et le Président n’est pas une œuvre littéraire à proprement parler puisque ce spectacle est une adaptation de la série d’entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand publiés en 1986 dans L’Autre Journal. Tous deux se sont connus avant que Mitterrand devienne président de la république. D’où une certaine complicité et, surtout de la part de Duras, une forme d’insolence et d’imprévisibilité qui surprennent dans un tel contexte. Ce que Didier Bezace traduit fort justement en faisant interpréter l’écrivain par une enfant. Se prêtant volontiers au jeu, Mitterrand (Jean-Marie Galey) est plus d’une fois déstabilisé par les remarques très directes de son interlocutrice (Loredana Spagnuolo). D’où les silences, qui en disent long.
Ces silences, on les retrouve dans Le Square où une employée de maison et un représentant de commerce confrontent leurs solitudes dans un jardin public. La beauté de leur échange tient à ce mélange de délicatesse et de timidité qui les maintient à distance l’un de l’autre alors qu’en même temps jamais deux êtres n’ont semblé aussi proches. Remarquablement interprétés par Clotilde Mollet et Didier Bezace, ils ont cette beauté de ceux qui s’ignorent suspendus dans l’attente d’un dénouement impossible.
Enfin Savannah Bay, où entre amnésie et ressouvenir d’un événement traumatisant, deux femmes se livrent à un rituel dont la douceur apparente recèle une forme de cruauté. Là encore, c’est du silence qu’émergent les mots destinés cette fois à se reconstruire face au passé destructeur. L’actrice Emmanuelle Riva y est une grand-mère resplendissante, lumineuse, aux côtés d’Anne Consigny, sa petite fille. En voyant ces trois spectacles à la suite – mais on peut aussi les voir séparément – ce qui frappe comme une évidence, c’est l’adéquation parfaite du travail de Didier Bezace avec l’écriture de Marguerite Duras.
Hugues Le Tanneur
Marguerite Duras les trois âges, mise en scène Didier Bezace. Le Square, avec Clotide Mollet et Didier Bezace. Marguerite et le Président, avec Loredana Spagnuolo et Jean-Maris Galey. Savannah Bay, avec Emmnuelle Riva et Anne Consigny. Jusqu’au 9 mars au Théâtre de l’atelier Paris, 01 46 06 49 24.
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