La pop brésilienne de Bebel Gilberto, le post-punk occitan de D’Aquí Dub et la Thaïlande psyché de Sound of Siam, c’est le tour du monde musical proposé par Louis-Julien Nicolaou.
9Bach, résonances galloises
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En gallois, le terme « tincian » a notamment le sens de « résonances ». Selon Lisa Jên, la chanteuse de 9Bach, il peut évoquer « la cloche de nos souvenirs, le son qui, dans nos esprits, réveille des choses oubliées ». Un titre parfaitement choisi pour le second album de ce groupe qui use du folk gallois comme d’une surface fragile derrière laquelle s’agiteraient des mystères à peine perceptibles. Gutturale et mélodieuse, la langue est ici une pure matière musicale jouant à part égale avec une orchestration où clochettes et harpe se mêlent à des voix qu’emporte le grand large celte.
Le post-punk méditerranéen de D’Aquí Dub
En plaçant son album sous le signe d’une impermanence d’où se déduirait un vide existentiel total, D’Aquí Dub n’a certes pas voulu signifier que toute œuvre était impossible. Car à défaut de rendre compte d’une permanence matérielle ou métaphysique, Impermanència apparaît comme une construction originale et remarquablement cohérente. Les poésies occitanes, persanes et yougoslaves y brûlent d’un même feu spirituel tandis que les danses d’hypnose et les convocations mystiques s’établissent dans le jeu du bouzouki et de la clarinette, d’une voix caverneuse et d’une basse cold-wave soutenues par des rythmes electro. Un disque qui dédaigne de s’offrir dès l’abord pour mieux établir par la suite une lente possession.
Bebel Gilberto entre pop et bossa nova
Fidèle à sa pop légère comme une brise de bord de mer, Bebel Gilberto berce cette fin d’été de douze ballades suaves où Neil Young croise Luiz Bonfá, Antonio Carlos Jobim et Seu Jorge. Ce n’est pas à la fille de João Gilberto qu’on apprendra à faire swinguer une bossa et, même privée de ce qui pouvait autrefois la distinguer (ces boîtes à rythmes et sonorités électroniques qui faisaient l’imprévu de Tanto Tempo et dont l’usage s’est aujourd’hui généralisé), elle reste en mesure d’enregistrer des disques comme ce Tudo plein d’alanguissements, de chair épanouie et de délicieux abandons.
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Volga, primitif et futuriste
Au début du siècle dernier, l’art russe définissait sa modernité en plongeant dans les rites ancestraux des Scythes, Mongols et vieux-croyants à barbes interminables. Aujourd’hui, Volga procède de même en tirant le chaos de son electro-rock du geyser d’images et de mélodies médiévales proférées par une voix issue du fond des âges. Personnage hors-normes, la chanteuse Anzhelika Manukyan a collecté lors de ses voyages aux confins de la grande Russie des textes anciens témoignant de dialectes perdus. Elle en a fait la matrice de Kumushki Pjut, disque qui régale le futurisme russe de noces primitives et orgiastiques.
Esperanza Fernández, Saramargo à Triana
Quand on naît à Triana, le quartier gitan de Séville, et qu’on a pour père le cantaor Curro Fernández, il semble naturel de suivre une destinée flamenca. Mais Esperanza Fernández ne s’est pas contentée de reprendre le flambeau familial : dès ses débuts, elle a su faire preuve d’audace en tentant des combinaisons hardies. Dans Mi Voz en tu palabra, elle orne ainsi la poésie du grand auteur portugais José Saramago de mélodies empruntées aux garrotins, alegrías et malagueñas flamencos. Si certains arrangements trop faciles se glissent ici et là, l’album reste plaisant, en particulier quand Esperanza se cramponne aux fondamentaux du cante gitano, dont elle est aujourd’hui l’une des très grandes interprètes.
Jenia Lubich, fille russe
Révélée au public français par le 3 de Nouvelle Vague, Jenia Lubich a confié à Marc Collin, l’une des têtes pensantes de ce projet, le soin de produire son propre album, sobrement intitulé Russian Girl. Partisan du dépouillement, Collin a habillé la voix blanche de la jeune Pétersbourgeoise d’arrangements éthérés, quitte à geler un peu l’émotion de ses interprétations. Celle-ci sourde pourtant et se libère dès que Jenia se détourne de l’anglais et du français pour retrouver les chuintements ensorcelants de sa langue maternelle.
Le r’n’b métisse de Thaïs Diarra
Le r’n’b jazzy de Thaïs Diarra rappelle un peu celui qui se pratiquait dans les années 90, quand Erykah Badu passait pour montrer la voie. Heureusement, elle a su embellir cette matière d’emprunts aux traditions d’Afrique de l’Ouest. Grâce à cette inspiration que portent aussi bien la kora de Noumoucounda Cissoko et les percussions de Fredy Massamba que la voix d’une chanteuse amoureuse de ses origines, Métisse, album modeste mais sincère, trouve son charme.
Sound of Siam, le blues de la jungle
Expert en travaux d’archéologie, le label Soundway livre un nouveau Sound of Siam qui se focalise sur les styles luk thung isan et mor lam tels qu’on les jouait dans les années 70 au nord-est de la Thaïlande, dans la région de l’Isan. Les formations acoustiques traditionnelles cédaient alors la place à des groupes qui mêlaient le khên (orgue à bouche) et le phin (luth à trois corde) aux orgues et guitares électriques occidentaux pour pomper ici un riff aux Stones, là une intro à Fleetwood Mac. Ce volume 2 rassemble ainsi d’étranges blues de la jungle placés sous le patronage d’un Bouddha des plus psychédéliques.
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