Depuis le début de l’année, Jean-Marc Ayrault offre un lifting à sa communication web. A défaut de faire rêver les citoyens lors de ses interventions, il mise sur les répercussions que peuvent avoir ses tweets, au-delà du public encore sélect de ses abonnés. Plus connecté, le Premier ministre pourra-t-il redorer son image ?
Jean-Marc Ayrault est encore loin de faire son apparition dans le top 50 des personnalités préférées des Français. A l’Assemblée nationale, il ne fait pas vibrer l’assistance par ses interventions. Et à l’instar de François Hollande, sa cote de popularité stagne à 20 %.
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Depuis quelques mois pourtant, sur les réseaux sociaux, le Premier ministre prend à contre-pied les stéréotypes qui lui collent à la peau. Le phénomène est flagrant sur son compte Twitter. Le 23 janvier, il donnait directement un coup de pouce à un ado qui révisait tardivement son contrôle d’histoire sur les Accords de Matignon du Front populaire de 1936. Le 14 février, il souhaitait une “bonne #Saint-Valentin à tous les amoureux <3”, avec une parfaite maîtrise du smiley old school. Le 20 février, il fêtait l’adoption de la loi pour l’Accès au logement et à un urbanisme rénové (Alur) en postant un selfie pimpant avec Cécile Duflot. Les réseaux sociaux l’aideront-ils à briser les carcans de l’image austère qui lui est systématiquement accolée ?
“Une petite frustration”
Jean-Marc Ayrault a un compte Twitter depuis le 3 décembre 2009, et maîtrise parfaitement la communication sur ce réseau social. Pourtant, le jour de sa nomination à Matignon, il lui a fallu faire des concessions, et sacrifier une partie de sa liberté d’expression pour ne pas risquer de contredire François Hollande. Des consignes ont en effet intimées aux ministres de laisser de côté leurs comptes Twitter, et de privilégier les comptes institutionnels.
En 2012 Jean-Marc Ayrault déclarait ainsi à L’Express que la suspension de son compte constituait pour lui “une petite frustration”. Cette contrainte est commune à tous les ministres, car “pour tweeter, il faut de la liberté et de la spontanéité, et quand on est ministre on perd forcément un peu de l’une et de l’autre”, explique Emmanuel Rivière, directeur Stratégies d’opinion à la TNS-Sofres.
Jean-Marc Ayrault a fait son retour sur Twitter en 2013, et depuis le début de l’année 2014, il a intensifié son activité sur le réseau social. Cette présence renforcée peut-elle redorer son image dans l’opinion ? A condition d’être lui-même, ce n’est pas un mauvais calcul pour se rapprocher de certaines franges de son électorat, notamment les jeunes, “majoritaires sur les réseaux sociaux, selon Emmanuel Rivière, alors que Jean-Marc Ayrault a – comme François Hollande – un déficit d’image chez les plus jeunes”.
Cependant son audience sur Twitter (138 000 abonnés) est loin d’être représentative de la population : “Twitter peut être un outil de reconquête d’un électorat relativement jeune, fortement éduqué et intéressé par la politique, mais les catégories populaires font défaut. Cependant, quand on est à 20 % d’opinion favorable, la reconquête commence d’abord par les siens”, analyse le spécialiste des sondages. Il n’y aura donc pas de révolution de l’image de Jean-Marc Ayrault dans l’opinion, même si ce qui est posté sur Twitter peut avoir des retombées dans la presse.
Pédagogie politique
Mais le réinvestissement de Twitter par le Premier ministre, et la manière dont il l’utilise ont un autre intérêt. Sur le fond, au-delà de l’aspect divertissant de ses tweets, le Premier ministre fait aussi de la pédagogie politique. Lui qui déclarait en 2012 “on n’explique pas une politique en 140 signes” a fini par reconnaître et adopter l’outil de communication politique que peut représenter un réseau social.
Interrogé par Les Inrocks, le cabinet du Premier ministre se défend de faire dans la fantaisie : “Notre objectif est de transmettre un message politique. Lorsque Jean-Marc Ayrault a aidé ce collégien, il en a profité pour renvoyer aux Accords Matignon, un grand texte de la gauche, qui contient notamment les congés payés.”
.@Matt_Styfler Bon courage pour le contrôle sur les Accords de @Matignon ! Je vous envoie le texte pour réviser http://t.co/Yee2d0Wsen
— Jean-Marc Ayrault (@jeanmarcayrault) 23 Janvier 2014
De même, en publiant son selfie avec Cécile Duflot, le Premier ministre a non seulement contribué à faire parler de la loi Alur, mais il a aussi diffusé l’image d’une équipe gouvernementale soudée. “Le Premier ministre a parfois donné l’impression de manquer d’emprise sur l’équipe gouvernementale, et des divisions sont apparues à quelques occasions. En ce sens ce selfie fait office de démenti”, constate Emmanuel Rivière.
Avec @CecileDuflot, heureux que la loi #alur ait été définitivement adoptée par le Sénat aujourd’hui pic.twitter.com/PkEgfhXt2g — Jean-Marc Ayrault (@jeanmarcayrault) 20 Février 2014
Cette stratégie pourrait s’avérer politiquement profitable, selon l’analyste de la TNS-Sofres : “Là où une communication plus émotionnelle, télévisuelle, ne lui a pas profité, une forme de communication plus rationnelle, écrite, comme Twitter, peut être intéressante pour le Premier ministre. Elle peut lui permettre de donner des éléments de contenu, et de reconquérir un électorat de gauche qui a besoin d’arguments de justification de son choix en 2012.”
Dans l’émission Des paroles et des actes le 27 septembre 2012, il annonçait que les Français devaient “apprendre à [le] connaître”. Il semble aujourd’hui nous tendre la main sur Twitter. Il était temps.
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