Le remix de leur “Prayer in C” est le tube de l’été. Nili Hadida, chanteuse de Lilly Wood & The Prick, nous parle de cette bonne surprise, de leur troisième album enregistré au Mali, du conflit au Moyen-Orient et de sa passion des séries.
Vous vous imaginiez être un jour en tête des charts en France, en Allemagne, en Belgique, en Suisse ou bien encore aux Pays-Bas ?
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Nili Hadida – Non, du tout (rires). Après on ne s’attend jamais à rien, c’est un peu notre façon de fonctionner avec Benjamin Cotto (le guitariste de Lilly Wood & The Prick – ndlr). Mais on a l’impression d’avoir une bonne étoile au-dessus de nos têtes.
Contrairement à d’autres groupes qui souffrent pour émerger ?
Faire de la musique, c’est devenu très difficile. Réussir à transformer sa passion en métier, c’est toujours assez rare.
Ce remix d’une de vos chansons sortie en 2010 par le DJ allemand Robin Schulz, qui en a fait le tube de l’été 2014, est un peu dû au hasard ?
Ça s’est fait un peu à l’arrache. Robin Schulz nous a contactés sur Facebook pour demander l’autorisation de remixer le morceau. On a accepté, d’autant plus volontiers que le titre avait quatre ans et que nous nous l’étions quelque peu désapproprié. Quelque temps plus tard, on a entendu la chanson sur SoundCloud et on a décidé de le commercialiser.
Avez-vous l’impression que le morceau a toujours le même ADN ?
Il a accéléré le tempo, mis un beat pas du tout agressif. Au final, il a respecté le morceau d’origine. Je trouve ce remix pas du tout actuel, plutôt vintage.
Les paroles sont assez désabusées, on assiste à la fin d’un monde, d’une époque. Dans quel état d’esprit étais-tu quand tu les as écrites ?
J’ai un peu de mal avec le fait d’exister, je me pose beaucoup de questions. Cette chanson reflète mon état d’esprit.
Avez-vous l’impression de revivre ce qu’a vécu Lykke Li avec le remix d’I Follow Rivers par The Magician ?
Je ne sais pas, j’ai beaucoup aimé son premier album, je la connaissais avant le remix d’I Follow Rivers. Je n’ai pas envie qu’on soit catalogué comme un groupe de remix. Après, je pense qu’il faut profiter de cette belle exposition. Si ça se trouve, nous n’existerons plus dans un an…
A quel moment votre carrière a-t-elle commencé à décoller ? Avec la sortie de Down the Drain en 2008 ?
A l’époque, on jouait avec des potes au bar le Pop In à Paris. On avait à peine appris à se servir d’une boîte à rythmes. Benjamin connaissait quatre accords et on a eu la chance d’écrire ce morceau qui s’est propagé sur le net. On était comme des fous lorsque Jean-Charles de Castelbajac l’a publié sur sa page MySpace. Ensuite, les choses se sont accélérées.
Avez-vous l’impression d’appartenir à la génération des groupes qui ont émergé grâce à internet ?
Nous sommes arrivés un peu après la bataille puisque nous avons été révélés en 2008. Les réseaux sociaux n’étaient plus la seule façon de se faire remarquer. On garde une façon de travailler très familiale. Les deux personnes qui nous ont découverts ont monté une boîte pour continuer à s’occuper de nous. On essaie d’être à la fois indépendant et en même temps chez Warner.
Le succès de ce remix va-t-il vous inciter à changer de registre ?
Non, on ne va pas changer de genre musical pour vendre des disques. Si on veut faire d’autres choses, on le fera sous un autre nom. J’ai par exemple un projet solo en parallèle, Panthère. Un ep va sortir en octobre, produit par Club Cheval et par Benjamin Lebeau des Shoes, l’un de mes meilleurs amis. Mais Lilly Wood & The Prick restera ce que c’est actuellement. Notre troisième album sera très pop. A la seule différence qu’il y aura plein de tonalités africaines puisque nous avons choisi de l’enregistrer au Mali.
Avez-vous ressenti les stigmates de la guerre ?
On est restés presque un mois à Bamako, ce n’est pas dangereux, contrairement au nord du pays. Mais c’était très dur, il y a beaucoup de pauvreté. On s’est pris une bonne tarte dans la gueule. La guerre a amené la crise et la fuite des touristes. Il y a quelque chose d’antinomique, de futile, à aller faire de la musique dans un endroit où les conditions de vie sont difficiles.
Y avez-vous fait des concerts ?
Non, on a uniquement enregistré notre troisième album. On avait très envie de percussions et de chœurs maliens, mais ce n’est pas un album world. Il nous est aussi arrivé des aventures. Le gérant et le propriétaire de notre studio d’enregistrement étaient en conflit. Notre matériel a été confisqué. Des caïds nous empêchaient de le récupérer. Du coup, on était dans la merde. Heureusement, Salif Keïta, en France à ce moment-là, nous a ouvert les portes de son studio.
Quels sont les artistes qui t’inspirent ?
Sur une île déserte, j’emmènerais Chopin et Otis Redding. Des génies. En ce moment, j’écoute Banks.
Sur ta page Facebook, tu as publié le clip de Philippe Katerine Juifs Arabes…
Je suis née à Tel-Aviv, je suis concernée, peinée. Mon père, mon frère, mes sœurs y vivent. C’est difficile de s’exprimer sur ce sujet très sensible… Il faut soutenir ceux qui en ont le plus besoin, et c’est les Palestiniens qui en prennent le plus dans la gueule. Mais je ne peux pas être anti-Israël, je suis née là-bas, c’est mon pays. Effectivement, il y a un problème. Si je n’étais pas israélienne, je serais complètement de l’autre côté. L’armée est obligatoire là-bas. J’ai une sœur qui vient de terminer son service, l’autre qui commence l’année prochaine. Il ne faut pas mettre tout le pays dans le même sac. Je suis complètement pacifique.
Es-tu du genre à passer des heures devant des séries ?
Absolument, je suis insomniaque. Je suis assez angoissée, les séries me rassurent. C’est comme si ton film préféré ne s’arrêtait jamais, tu vas être diverti pendant un bon moment. Ma série préférée est Walking Dead. J’ai commencé Fargo, produite par les frères Coen – dont le film est un de mes préférés. J’ai adoré True Detective, même si la fin est un peu facile, trop ricaine. Sherlock, j’adore. La deuxième saison d’American Horror Story est super, la dernière nulle.
As-tu un livre à nous conseiller pour terminer l’été ?
En ce moment, je lis Demande à la poussière de John Fante, un de mes écrivains préférés. J’adore Mon chien Stupide. Je lis des polars aussi, comme L’Aliéniste de Caleb Carr… Excusez-moi, mais je dois vous quitter pour aller faire du parachute. Salut !
propos recueillis par David Doucet et Anne Laffeter
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