Spécial municipales. Installé depuis 37 ans à la mairie, le parti socialiste rennais devrait remporter à nouveau les élections. Mais l’opposition semble plus unie que jamais : les écolos ont fait alliance avec le parti de gauche, et la droite classique bretonne rejoint la droite réactionnaire de la Manif pour tous.
1. La gauche, toujours la gauche
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Trente-sept ans que la gauche dirige la ville : l’ancien ministre de la Santé Edmond Hervé est resté en place cinq mandats, avant de passer la main à son adjoint Daniel Delaveau. Preuve que la greffe est depuis longtemps entérinée, c’est ici que François Hollande a réalisé l’un de ses plus beaux scores, alignant 67% des voix à la présidentielle. Et pour ces municipales, le PS n’a même pas installé de permanence de campagne ouverte au public. Autant dire que Nathalie Appéré, candidate intronisée sur le tard, est loin d’être inquiète.
Avec un bilan globalement positif (le métro, le bilan écolo, des finances saines…), la candidate de 37 ans n’a qu’à poursuivre les chantiers de son prédécesseur avec l’appui de ses alliés communistes. Seul bémol, son rétropédalage sur l’interdiction du cumul des mandats : si elle se dit prête à renoncer à présider Rennes Métropole une fois installée dans le fauteuil du maire, Appéré compte garder son poste de députée d’Ille-et-Vilaine jusqu’à la fin de son mandat.
2. Les écolos s’acoquinent avec le Parti de gauche
Trop de tensions, trop de conflits : Notre-Dame-des-Landes, le modèle productiviste breton, l’urbanisme… Comme en 2008, les écologistes rennais rompent leur alliance avec les socialistes pour les municipales. EE-LV est donc allé chercher plus loin du centre, au Parti de Gauche, où l’on s’agace aussi du règne persistant du PS. Un attelage presque inédit qu’on ne retrouve qu’à Grenoble. La liste “Changez la ville” est menée par Matthieu Theurier pour les écolos et Valérie Faucheux pour le Front de gauche. Ces compères de circonstances espèrent aller au-delà des 9% et des 5% qu’ils avaient respectivement rassemblés en 2008.
L’alliance dérange le PS mais les socialistes n’excluent pas encore l’éventualité d’un accord stratégique entre les deux tours. L’entourage d’Appéré moque cette drôle d’alliance : “les écolos ont toujours très centralisateurs, contrairement au Front de gauche plutôt décentralisateur, ils sont aux antipodes.”
3. L’union de la “droite sociale bretonne” et de la “droite réactionnaire”
La permanence du pouvoir socialiste aiguise les appétits de l’opposition. Bruno Chavanat fustige cette “génération d’apparatchiks”, installée dans une pratique politique sclérosée. Membre du Conseil d’Etat, ex-conseiller de Raffarin, le candidat de 53 ans mène deux familles politiques au front pour déboulonner l’appareil en place. Ancien UMP, il est passé récemment à l’UDI et rassemble les deux étiquettes sur sa liste, avec le soutien du Modem, du Parti Breton, du Parti Chrétien-Démocrate et, en bonus, de membres de la Manif pour tous.
“À gauche, on va mobiliser sur la base d’un projet local alors que la droite va tenter de mobiliser un camp social façon fonctionnaires contre professions libérales, analyse un proche d’Appéré. Mais j’ai encore du mal à voir comment la droite sociale bretonne va se mélanger à la droite réactionnaire.”
Chavanat a en tout cas décidé d’axer sa campagne sur l’écoute des citoyens. En octobre, le candidat de la droite modérée a sorti Osons Rennes, livre devenu son slogan, pour lequel il a recueilli les remarques de 3 500 Rennais sur les changements à opérer dans leur ville. Principal coup qu’il porte à la gauche, la hausse de la fiscalité (+30% selon Chavanat), notamment liée au chantier de la deuxième ligne du métro.
4. Le FN n’est pas le bienvenu
Pour n’avoir pas pu boucler sa liste à temps, le Front national était absent des élections à Rennes en 2008. Face à ce territoire traditionnellement hostile à l’extrême droite, Gérard de Mellon joue le modéré. Et préfère rappeler qu’il a été investi par le Rassemblement Bleu Marine, et qu’il n’est pas encarté au FN. Mais sa candidature a déjà été chahutée, d’abord par une manifestation antifa lors d’un meeting de Marine le Pen en février rassemblant des centaines de participants. Et de nouveau, début mars, où la permanence du candidat a été vandalisée. Ces bousculades successives font sourire Gérard de Mellon, qui profite de cette visibilité involontaire. Objectif 10 % à Rennes, avec un programme axé sur la lutte contre l’insécurité, la réduction des impôts et l’annulation immédiate de la réforme des rythmes scolaires.
5. Le comeback de Jacques Cheminade et la présence du Parti pirate
Autre particularité de l’élection rennaise, la présence d’une liste Solidarité et progrès, le parti de Jacques Cheminade – le conspirationniste qui voulait coloniser Mars. Pour Rennes, Cheminade fait montre de moins d’ambition : outre un aérotrain qui relierait Rennes et Nantes en 20 minutes, il souhaite faire voter en conseil municipal un « voeu » pour séparer les banques de dépôt et d’investissement. Préambule obligatoire à la création d’un « crédit public » qui servirait ensuite… à financer les projets municipaux. Plus sérieux mais tout aussi microscopique, le Parti pirate tente de se faire entendre à Rennes en s’alliant à l’ex-Modem Rémy Lescure sur la liste “Rennes Alternative”.
6. L’emploi au cœur des préoccupations
A l’image de la Bretagne, la situation économique s’est sérieusement dégradée dans le bassin rennais avec les fermetures annoncées d’Alcatel et de Renesas, et les incertitudes sur l’avenir de l’usine PSA La Janais. Nathalie Appéré espère créer 1000 emplois par an pendant cinq ans grâce aux principaux chantiers engagés comme la ligne de métro. La candidate n’est pas inquiète : l’essor des industries de technologies de l’information et de la communication à Rennes devraient également générer 20 000 emplois d’ingénieurs et de cadres.
7. Transports : de bonnes idées mais trop de bouchons
Rennes a été la première ville à lancer son vélo en libre service en 1998 (le STAR), et son offre de bus est la plus élevée de France. Pourtant elle reste la 9e métropole la plus embouteillée du pays : un Rennais passe en moyenne 31 heures par an dans les bouchons. Le centre est régulièrement bondé, et s’il est déjà difficile d’y circuler, c’est encore plus compliqué de se garer. Certes, une nouvelle ligne de métro se profile, mais elle ne devrait pas régler ce qui reste le problème majeur de la métropole, l’engorgement de la rocade. Selon Air Breizh, les Rennais se délocalisent de plus en plus loin hors des murs de la ville et le trafic automobile augmente chaque année de 2,2% dans l’agglomération. Alternative envisagée mais encore peu crédible, certains candidats parlent aujourd’hui de la création d’un RER, pour élargir l’offre de transports à la périphérie.
8. La lourde facture du Centre des congrès
Rennes est l’une des rares métropoles françaises à ne pas posséder son Zénith. La ville commence à revoir ses équipements, à commencer par un Centre des congrès dont les travaux ont commencé fin février. Le projet est ambitieux, la salle étant bâtie sur l’ancien couvent des Jacobins, classé monument historique. L’architecte Jean Guervilly, qui avait déjà mené le chantier de restauration du Parlement de Bretagne, pilote la transformation du bâtiment.
Avec une facture estimée à 100 millions d’euros, le Centre des congrès indigne les candidats d’opposition aux municipales. Trop cher, pas rentable, la plupart ont déjà fait savoir qu’ils arrêteraient tout bonnement les travaux s’ils étaient élus. “Le Centre des congrès a une vocation économique et professionnelle avec une capacité de 1000 places, se défend Nathalie Appéré. On propose aussi une Arena pour accueillir des spectacles, afin de compléter le réseau des salles déjà existantes”.
9. Le défi de l’euro-région : Rennes et Nantes alliées ou concurrentes ?
Si Rennes et Nantes aiment présenter leurs projets immobiliers sous la bannière “pôle métropolitain Loire-Bretagne”, comme au salon de l’immobilier Mipim à Cannes, les deux cités du Grand Ouest ont chacune des intérêts à défendre. Ainsi, 4 ans après le lancement du quartier d’affaires EuroNantes, Rennes lance le chantier EuroRennes pour accompagner les nouvelles LGV prévues d’ici 2020. Et Rennes de développer son attractivité économique grâce à la zone d’activités ViaSilva où 25 000 emplois devraient être créés d’ici 2040. Capgemini ne s’y est d’ailleurs pas trompé, installant une branche à Rennes deux ans après s’être installé à Nantes. Autre point de friction, le potentiel aéroport Notre-Dame-des-Landes : si la candidate PS nantaise Johanna Rolland assure que l’aéroport servira à dynamiser le grand ouest, c’est surtout l’aéroport de Rennes qui en fera les frais.
10. Une campagne écolo
Peut-être est-ce dû au succès électoral des écolos aux européennes de 2009 (27,38% loin devant l’UMP à 21,46% et le PS à 20,48%) ou aux régionales (22,38%), mais les programmes des candidats ont verdi. Jadis pionnière de la ville verte avec le vélo en libre service et les composteurs collectifs au pied des immeubles, Rennes a pris du retard dans certains domaines comme l’énergie verte. EE-LV et même la droite, qui consacre tout un chapitre de son programme à la “ville plus propre, plus verte et à échelle humaine”, fustigent la nouvelle gare EuroRennes, trop minérale à leur goût.
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