Alors que sort le furieux et jouissif CD-mix des Belges iconoclastes 2 Many DJ’s, As Heard On radio Soulwax pt. 2, qui mélange allégrement Stooges, Destiny’s Child, New Order, Cramps et Basement Jaxx, retour sur la farce anglaise la plus drôle de l’année : les bastard-pops.
C’est, depuis de longs mois, devenu la joie des garçons un peu tristes : ceux qui vont en club écouter de la musique. Mais ces adeptes forcenés de la référence, ces mabouls du quiz pop, ces tordus du clin d’œil musical ont trouvé un nouveau jeu, autrement plus poilant que le sempiternel repérage de sample dans les disques house ou hip-hop : les bastard-mixes. C’est l’Anglais Kurtis Rush, grand spécialiste de ces mariages contre-nature qui, dans les boutiques londoniennes en vue (Rough Trade, notamment), a inventé ce nouveau bac à maxis : bastard pop.
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L’idée : faire danser ensemble les couples les plus improbables. Par exemple, prendre la voix et la mélodie de Beck et lui rajouter les guitares et batterie d’AC/DC. Ou coller la basse du Magnificent Seven de Clash aux trousses du Romeo de Basement Jaxx. Ou bastonner Kylie Minogue avec les rythmes martiaux du Blue Monday de New Order. Ou imposer la voix de Missy Elliott sur, au choix, le Love cats de Cure, le Connection d’Elastica, le Smells Like Teen Spirit de Nirvana ou le Hells Bells d’AC/DC. Ou faire chanter Christina Aguilera sur les guitares des Strokes.
Bref, on rigole à nouveau sur le dancefloor, dans une ambiance joyeuse de blind-test, de big-beat et de foutoir. Quatre équipes de DJ’s sont particulièrement actives sur le front de cette génétique déconnante. Tout d’abord les Anglais Kurtis Rush et l’immense Richard X, pionnier du genre qui avait greffé Kraftwerk sur Whitney Houston puis Human League sur TLC. On doit à Kurtis Rush quelques-uns des maxis du genre les plus drôles, les plus dansants et les plus diaboliquement parfaits dans leur réalisation. Mais Kurtis Rush est sur le point de jeter l’éponge, dégoûté que ses mixes, réalisés avant tout pour le club où il joue régulièrement à Londres, aient été volés et commercialisés, sous d’autres noms que le sien, par des pirates sans scrupules. Activiste de l’underground, son pote Richard X a trouvé une autre façon de lutter contre cette récupération par les margoulins du vinyle pressé à la hâte et vendu sous le comptoir : il a signé avec le puissant label Virgin Records. Sa première sortie officielle sera d’ailleurs un de ses fameux bastard-pops de l’an passé : un mélange savant des craquettes de Sugababes et de Dr Dre !
La troisième équipe vient de Belgique et elle est aussi passablement dégoûtée depuis que ses mixes, originellement destinés à son émission de radio Hang The DJ (sur la radio nationale belge), ont eux aussi été commercialisés à son insu. Ceux qui suivent de près la musique belge, particulièrement d’Anvers, se souviendront que sur le dernier album (chaudement recommandé) de Soulwax, une chanson s’appelait Too Many DJ’s (Trop de DJ’s).
Elle disait : Tout le monde veut être un DJ/Tout le monde pense que c’est si facile/Tu fais le cador et tu crois être un des nôtres/Mais je sais qui a tort et qui a raison.? On y a pensé quand on a vu débarquer des mixes signés 2 Many DJ’s. Surtout qu’on y reconnaissait bien l’éclectisme réjoui et iconoclaste de ces sacrés Belges. Leur colère, pourtant, est palpable quand on évoque ces maxis vendus en Angleterre sous le manteau : ils n’ont jamais été consultés, jamais payés, jamais même crédités : on ne leur a laissé que les yeux pour pleurer et, éventuellement, les procès à venir. Ils sont particulièrement furieux de voir qu’une compilation, Best Bootlegs In The World, reprend avec un son immonde les mixes qu’ils avaient inventé pour la radio ? en les créditant de noms farfelus de DJ’s usurpateurs.
Pour se venger, les garçons de Soulwax (ou de 2 Many DJ’s, on ne sait plus), sortent le 14 mai leur péplum : As Heard On Radio Soul Wax Vol. 2. Car bien avant que cet exercice ne devienne une mode et donc un vaste marché aux bestiaux, ces Belges s’amusaient déjà à tout mixer dans leur shaker atomique. Leur premier smash-up s’amusait ainsi à prendre le chant de leur propre Saturday, mixé sur la version instrumentale du Billie Jean de Michael Jackson et écrasé par le Kaw-Liga des Residents. Des Stooges à New Order, du Velvet Underground à Felix Da Housecat, des Cramps à Sly Stone, rien n’est ainsi sacré dans le mix haletant de 2 Many DJ’s, qui vont prochainement entrer en studio avec un autre cinglé notoire : l’Américain Felix Da Housecat. Dans leur mix, en trente secondes, on passe de Destiny’s Child à 10cc à Dolly Parton à Röyksopp ? mais sans jamais bouger du dancefloor.
Un génie de la mise en scène au cutter et au poil à gratter que l’on avait déjà repéré chez les quatrièmes champions de ces mixes furieux : les Australiens des Avalanches. Pour leur album Since I Left You, ces farceurs avaient déjà réussi l’exploit d’emboutir neuf cent samples, presque tous tirés de vinyles obscurs chinés dans des brocantes improbables de Nouvelles Galles du Sud ou de Queensland. Mais le plus spectaculaire est ailleurs : dans leurs sets de DJ’s frénétiques à quatre platines, où les Smiths se retrouvent à danser avec De La Soul, Dylan avec Madonna
Ce n’est donc pas un hasard si les Avalanches, Soulwax, Kurtis Rush ou Richard X sont aujourd’hui complices et amis ? en attendant qu’une bande de gais français, dont le chevronné Rubin Steiner (Pixies vs Stardust, ce genre), Pedro Winter, Feadz ou Mehdi, ne viennent rejoindre la confrérie. Entre nous, il se passait un truc musical fort, se souvient David de 2 many DJ’s. Nous nous amusions vraiment à inventer une musique en juxtaposant des morceaux connus ou non. Mais maintenant, tout le monde utilise les mêmes morceaux a capella, tous les mixes se ressemblent..?
Tous, hormis Richard X, ont résisté aux sirènes des majors, qui leur ont parfois offert des fortunes pour réaliser des soi-disant bootlegs-mixes d’artistes en vue, histoire de leur donner un grosse crédibilité dans l’underground. Une fois, une seule, les Gantois de 2 Many DJ’s ont répondu présent : quand on leur a proposé de retravailler des morceaux de Kylie Minogue, qui s’est ainsi retrouvée entortillée autour du Blue Monday de New Order ou du Love Is The Drug de Roxy Music. Eux qui avaient déjà remixé, de manière un peu plus conventionnelle, Muse, Tahiti 80, dEUS ou Einstürzende Neubauten, acceptaient-là leur premier bastard pop commercial et officiel. Commentaire des intéressés : On peut dire non à tout. Mais on ne peut pas dire non à Kylie .
Plus d’infos sur 2manydj’s.org
Pour avoir un excellent aperçu des bastard-mixes, branchez-vous sur la radio du site de Soulwax
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