Rooms with a view. De tous les rejetons de Scott Walker, il est l’unique héritier d’un goût malade pour l’ombre et la démesure. S. Warner, à juste quelques lettres de S. Walker des lettres de noblesse, bien évidemment. De tous les jeunes prétendants au trône de moins en moins vacant de Scott Walker […]
Rooms with a view. De tous les rejetons de Scott Walker, il est l’unique héritier d’un goût malade pour l’ombre et la démesure.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
S. Warner, à juste quelques lettres de S. Walker des lettres de noblesse, bien évidemment. De tous les jeunes prétendants au trône de moins en moins vacant de Scott Walker de musiques pour Carax en collaborations avec Nick Cave, il est l’un des fantômes les plus actifs de l’époque , Simon Warner s’impose dès ce premier album comme le plus convaincant. Car là où tous les autres, de Divine Comedy à Jarvis Cocker, se sont souvent contentés de suivre à la lettre les recettes, de s’approprier les saintes écritures en les castrant de toute grandiloquence, de tout danger, Warner joue littéralement avec le feu, s’approche au bord du ridicule et regarde le vide sans le moindre vertige. On ne dira jamais à quel point la musique de Scott Walker est violente, brutale, sale. C’est la grande leçon retenue par Waiting rooms, disque outrancier, indécent, mal élevé. « Avant Scott Walker, je n’avais encore jamais entendu quelqu’un mettant aussi bien ses histoires en musique. Dans le rock, les moyens d’expression étaient régis par des règles très strictes Scott m’a prouvé qu’il existait un vocabulaire plus large. » Pourtant, ne pas prendre les paroles du solennel Jamboree (valse chez Emmaüs, où les costumes des morts retrouvent preneur) au pied de la lettre : Simon Warner ne s’habille en aucun cas en prêt-à-chanter, élève attentif mais formidablement indiscipliné. Pas question de faire entrer au chausse-pied une telle éloquence, une telle voix mâle, une telle furie du mot cru dans du standard, du raisonnable, du prudemment délimité. Il fallait à ce verbe emporté, à ce timbre habité, un accompagnement à sa démesure : on est heureusement loin ici de l’orchestre de chambrette Conforama de Neil Hannon, des cordes trop raides, trop niaises de My Life Story. Avec sa remarquable formation (quatuor à cordes, trompette, piano, clavecin, contrebasse, cors, flûte…) capable de le suivre dans toutes les côtes et toutes les plongées, Simon Warner cabotine à merveille. Soit : sur une jambe, en déséquilibre, beaucoup plus Tom Waits que Tom Jones. Les Anglais avaient, dans les années 60, une expression fabuleuse pour parler de leur cinéma naturaliste : « kitchen-sink drama », comme drame d’évier, l’évier comme l’avenir, complètement bouché, encombré d’assiettes graissées au fish & chips. Pas étonnant que chez Simon Warner, l’eau de rose possède si souvent l’élégance de l’eau de vaisselle : imposant storyteller, il n’illustre qu’au fusain, ayant à tout jamais égaré les pastels. Et même si, au détour d’un couplet trop ambitieux, d’un pont trop frêle, Waiting rooms trébuche et fonce, tête dans le guidon, dans le guindé, il trouve toujours les ressources pour se relever, pour faire briller comme l’or des histoires charbonneuses, amochées. Il y a presque trente ans, Scott Walker chantait le bouleversant Angels of ashes. Il y était question de jeu avec le feu, des maigres différences entre le bien et le mal, d’anges, de solitude et de chute. Il y était peut-être question de Simon Warner.
{"type":"Banniere-Basse"}