Début août, une panne généralisée recréait, pour moins d’une heure, un monde sans Facebook. La baisse du trafic d‘internet provoquée par ce bug, en particulier pour les sites d’infos, montre le poids croissant du réseau social et pose des questions sur l’indépendance des médias.
La semaine dernière, le monde entier a pu passer quelques instants à se tourner – littéralement – les pouces. Fini, les likes : pendant quasiment une heure, Facebook a connu une panne mondiale.
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De la panne généralisée à l’expérience scientifique
Immédiatement, la nouvelle s’est répandue sur la Toile, relayée par les médias, et par un hashtag Twitter créé pour l’occasion. Si la chaîne américaine WNBC a court-circuité ses programmes pour se fendre d’une « breaking news », ce « shutdown » a surtout donné lieu à de nombreuses blagues potaches entre internautes. Une panne tout ce qu’il y a de plus normale, en somme, avec son lot de panique et de dédramatisations.
Mais au-delà de l’ébullition planétaire, ce bug géant a fait l’effet d’une aubaine scientifique : la disparition inopinée de Facebook, en tant que choc exogène et aléatoire (dans les grandes lignes : « tout le monde subit la même chose au même moment« , comme l’explique simplement le site VentureBeat), a créé les conditions d’une expérience scientifique sérieuse, permettant de mesurer l’impact du réseau social aux 1,2 milliard d’utilisateurs sur le trafic des sites web, et en particulier celui des sites d’information.
Que dit cette “expérience malgré elle”?
Premier constat : sans Facebook, nous ne sommes pas complètement perdus (ou idiots). Si les internautes ont été gênés par la panne, ils savent encore trouver les sites d’actualités sans passer par leur réseau social fétiche. Ils ont laissé de côté les téléphones et se sont rendus sur les sites depuis un moteur de recherche via les onglets d’un ordinateur. Pendant une heure, les pages d’accueil des sites, pourtant en voie de momification, ont même ont connu une nouvelle vie.
Pour autant, cette « capacité d’adaptation » à l’absence de Facebook n’a pas empêché le trafic des sites d’actualité de baisser d’un coup. Il a chuté, explique la plateforme ChartBeat, qui recense le trafic des sites web, de 3% en une heure. Pas de quoi crier à la catastrophe – du moins pour l’instant. Mais quand on sait que la plupart des journaux en ligne vivent en fonction du nombre de clics sur leur pages (qu’ils monétisent auprès de leurs annonceurs), ce chiffre qui met en évidence la dépendance croissante des sites d’info à Facebook.
Quand les géants d’Internet deviennent incontournables
Cette « expérience » conforte donc l’idée que les liens partagés sur Facebook sont de plus en plus cruciaux pour la survie d’un journal en ligne. Pour autant, il ne s’agit pas d’une découverte. Depuis plusieurs années, plusieurs études ont mis en évidence le fait que Facebook devienne un nouveau tiers opérant, une entité centralisatrice de l’information – en somme, un médium pour les médias.. qui prend de plus en plus d’ampleur : Numerama cite – entre autres – une étude menée par le Pew Research Center en 2013, selon laquelle « un Américain sur trois passerait par Facebook pour s’informer« .
Le site VentureBeat s’interroge sur l’impact de cette dépendance d’un point de vue démocratique. Le souci, c’est que Facebook n’est pas juste un relais essentiel de l’actualité. Il pose aussi une batterie de problèmes éthiques aux journaux, dont l’indépendance vis-à-vis de cette entité privée, capable de définir nos modalités d’accès à l’info à force d’algorithmes, s’amenuise sans cesse.
La question qui ne se limite pas à Facebook : ces derniers temps, c’est en rapport aux implications d’un autre géant du web, Google (sur le droit à l’oubli et la suppression unilatérale de plusieurs articles de presse) que le débat a fait rage.
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