Quelques jours avant la sortie de son troisième album, la sublime Emmanuelle Seigner revient sur sa passion pour le rock, sa rencontre avec Lou Reed, les César et son côté garçon manqué.
Comment avez-vous rencontré Adam Schlesinger, qui est le leader du groupe pop culte Fountains Of Wayne, et qui a réalisé votre disque ? Vous connaissiez sa musique ?
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Emmanuelle Seigner – Non pas vraiment. Mais c’est un producteur américain que j’avais rencontré à l’époque de mon premier album qui m’avait dit que ce type était incroyable. Ce qui m’intéressait chez Adam Schlesinger, c’est qu’il pouvait faire la musique de Mary à tout prix, produire un petit groupe suédois et Katy Perry à la fois. Et puis je suis allée un jour à New York et je l’ai rencontré : le feeling a été immédiat et je lui exposé mon plan de bataille.
Il connaissait votre discographie ? Votre dernier disque en français, Dingue ?
Oui, mais je lui ai dit que je voulais complètement autre chose. Je ne regrette pas ce disque, mon problème ce n’est pas d’avoir chanté en français mais ce côté pop et sucré dans lequel je ne me reconnais pas. Ce n’est pas ma musique, ma musique est plus rock, plus énervée, et donc difficilement compatible avec le français. J’ai toujours écouté du rock : Lou Reed, Nirvana – j’étais dingue de Kurt Cobain.
Comment avez-vous bossé ensemble ?
Je lui ai dit que je voulais qu’il s’inspire des Runaways, mais avec un son très actuel. On a beaucoup bossé par Skype, on s’est achement parlé, sur presque trois ans, c’est du temps. Je jouais au Théâtre de l’Odéon en même temps.
Vous êtes fan des Runaways ?
Oui, j’adore leur musique, leur côté sexy et un peu effronté, un peu garçon manqué. D’ailleurs, je voulais intituler mon album Tomboy, mais j’ai vu que ce titre avait été beaucoup utilisé. Je suis comme ça moi, plus garçon que fille, même si ça ne se voit pas forcément. Petite, je grimpais aux arbres, j’éclatais des trucs contre les murs. Par exemple, quand je vois cette photo de moi sur la pochette, plutôt sexy, je ne me reconnais pas. Dans ma tête, je suis un peu un travelo. J’ai mis une robe pour les César mais c’est tout. En plus, les prix, je m’en fous, je vais dans ce genre de trucs pour voir les copines. Point à la ligne (rires).
Vous avez produit cet album toute seule, pourquoi ?
Parce que les gens de mon ancienne maison de disques voulaient me faire faire des trucs qui ne me correspondaient pas, comme des reprises de chansons de Brigitte Bardot. Je sais que je suis blonde, mais c’est pas une raison (rires).
Pour Distant Lover, votre nouvel album, vous avez enregistré une version de Venus in Furs du Velvet, qu’on entend aussi dans La Vénus à la fourrure, la dernière réalisation de Roman Polanski, où vous jouez aux côtés de Mathieu Amalric…
Quand j’ai tourné le film, je me suis dit : « je suis obligée de la faire. » D’ailleurs, l’histoire de l’enregistrement de cette chanson est assez incroyable. Je devais aller à New York avant que le film soit montré à Cannes, pour enregistrer cette chanson. Et puis ça n’a pas pu se faire pour des questions de planning, alors je suis retourné à New York en octobre.
Je suis arrivé un dimanche, et je m’étais à peine posée que j’ai appris la mort de Lou Reed. J’ai enregistré la chanson en studio avec Adam Schlesinger le lendemain, c’était assez bizarre comme ambiance.
Vous aviez travaillé avec Lou Reed : vous étiez Caroline dans le Berlin de Julian Schnabel, sorti en 2007, ça n’est pas rien.
C’est vrai ça, ça n’est pas rien (rires). J’avais rencontré Lou Reed avant de jouer le rôle de Caroline, et j’ai appris par la suite qu’il avait beaucoup aimé le film et ma performance. Je l’ai revu le soir où il est venu jouer l’album Berlin à Paris, et après le concert il me présentait à tout le monde comme « sa Caroline ». C’était très touchant, d’autant que Caroline est un personnage important pour lui. Pour moi, c’était fou de le rencontrer, je connais tous ses disques, je suis fan. Je vous ai dit : le rock, c’est mon truc.
Il y a une autre reprise sur votre disque : You Think You’re a Man, de Divine.
Divine, j’adore. Cette chanson aussi. Enfin la version de Divine. Je n’aime pas beaucoup la reprise des Vaselines. Divine, je suis fan, j’ai vu tous ses films avec John Waters, c’est génial. J’ai connu ce genre de personnages très excentriques à la fin des années 80, quand je sortais beaucoup aux Bains-Douches, où on croisait Boy George, Terence Trent D’Arby, Grace Jones.
C’est quoi vos derniers grands chocs musicaux ?
Woodkid, Lana Del Rey, Daft Punk, dont j’ai beaucoup aimé le dernier disque. Jay-Z aussi, j’aime plus sa personnalité que sa musique, je crois. Kanye West, aussi : je l’ai croisé, il est sympa.
Vous allez tourner beaucoup avec ce disque ?
Ah oui, c’est le but, j’adore tourner. On ne passe pas huit mois au théâtre si on n’aime pas la scène. Je préfère chanter ou jouer au théâtre plutôt que pour le cinéma. Quand j’ai un rôle comme La Vénus c’est super, mais le reste du temps je me fais bien chier, je dois dire (rires).
Dans La Vénus à la fourrure, vous avez cet énorme tatouage sur le bras, pourquoi ?
On voulait ce côté rock et un peu beauf, c’est le maquilleur qui a eu cette idée. C’est vrai qu’il était un peu too much ce tatouage (rires). Tout le tournage, je devais faire attention en me lavant, pour ne pas le scratcher. On voulait se moquer de ce côté un peu SM biker. Le sadomasochisme, ça n’est pas du tout mon truc, l’idée de me faire fouetter n’est pas du tout mon fantasme, je vous jure (rires).
Ce rôle dans La Vénus, c’est un cadeau pour vous ?
Oui. C’est vrai que tout le monde au cinéma semble vouloir explorer mon côté évanescent, passif quoi… Je déteste qu’on me voie comme quelqu’un de passif ! Déjà, quand j’avais tourné avec Godard dans les années 80 ( Détective, 1985 – ndlr), il me voyait comme ça. Mais je ne suis pas comme ça ! Je déconne tout le temps, j’aime me marrer, j’ai plein d’énergie. Roman, ça, il le sait. Ça faisait longtemps qu’il voulait explorer ce côté de ma personnalité. Et sur le disque, c’est aussi ce que je voulais montrer. Je me suis longtemps cherchée. Sur le premier album, il y avait un côté un peu Nico, ensuite la fameuse « pop sucrée » dont je parlais plus tôt.
Vous écoutez du rock à la maison ?
Ah oui ! J’en écoute vachement, d’ailleurs Roman râle un peu, parce que le rock ça n’est pas forcément son truc. Les White Stripes, les Kills, ça n’est pas forcément son style. Il écoute des choses un peu plus commerciales. Vous seriez étonnés (rires).
Allez-y, balancez…
Non, vraiment, je ne peux pas… Vous ne me croiriez pas, je vous jure…
propos recueillis par Pierre Siankowski
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