Ils débarquent. Avec des idées, des désirs. Des frustrations et des revendications. ils réfléchissent, proposent, agissent. Tout l’été, nous dresserons le portrait des moins de 30 ans qui feront demain. Aujourd’hui : Valentin Reverdi, 16 ans à peine, se lance dans l’aventure de la presse.
Seul face à l’ordinateur de l’associé de sa mère, il a peur de faire une connerie. Allez, tant pis. C’est trop tentant. Il tapote le clavier avec ses petits doigts – Valentin a 9 ans. Il clique sur “imprimer”. La machine avale la feuille vierge et ça fait un boucan d’enfer. “J’avais super peur de me faire engueuler mais j’étais super excité aussi. C’était la première fois que je faisais un truc cool avec un ordi.” La feuille ressort, fraîchement imprimée. Un simple mot, quelques lettres d’encre noire qui s’apprêtent à sécher : “Bonjour”.
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Premier blog à 11 ans
Il passe ses premières années dans une petite ville du Val-de-Marne. Après le divorce de ses parents, il quitte la France pour la Tunisie où sa mère a trouvé du travail. Il crée son premier blog à 11 ans puis un second à vocation plus journalistique fin 2010 lorsque la révolution de Jasmin éclate. “J’ai recruté – symboliquement – deux rédacteurs qui publiaient des articles sur l’actualité française. On faisait tous plein de fautes d’orthographes, on ne savait pas écrire.”
Quelques mois plus tard, inquiète pour la sécurité de ses enfants, la mère de Valentin décide de rentrer en France. Il a 15 ans. Un soir, à la gare RER de Viroflay, il assiste à une scène peu ordinaire. Un homme se présentant comme un cadre d’Orange insulte rageusement une agente SNCF qui lui a intimé de parler moins fort au téléphone. Valentin dégaine le sien et filme l’altercation. La vidéo sera relayée par le journaliste Vincent Glad et fera le tour du web. Les médias contactent Valentin pour recueillir son témoignage. Lui qui rêvait de buzz est ravi. “Après l’interview sur LCI, je ne voulais pas quitter les coulisses. Ils ont fini par me commander un taxi…”
Décrochage scolaire
Valentin rencontre alors un autre journaliste en herbe, Florent Derue. Les deux jeunes décident de créer leur propre média. Ce sera le site newsyoung.fr, qui s’ambitionne “premier réseau mondial des jeunes journalistes”. “L’idée, c’était de démocratiser la production de l’info, de donner une exposition médiatique aux jeunes et à leur travail. Même aux mecs de 13 ans”. Valentin revendique un amateurisme joyeux. L’envie de faire, c’est ça qui compte.
A l’école par contre, Valentin n’est toujours pas à son aise. II arrête à 16 ans. “Une très mauvaise idée, estime Vincent Glad. Il me fait penser à ces jeunes footballeurs français qui partent au Real Madrid à 15 ans et prennent le risque de gâcher leur talent en allant trop haut, trop vite.”
Sa mère exige qu’il trouve du boulot. Valentin envoie un mail à l’animateur et producteur Mouloud Achour. “Je lui ai dit : voilà j’arrête l’école, j’ai pas de diplômes mais je sais faire des trucs.” Mouloud le reçoit : “Il m’a fait penser à moi au même âge, lorsque j’ai commencé la radio. Je lui ai dit : je ne sais pas comment t’aider mais viens, fais ce que tu veux au bureau, rencontre des gens.” Valentin squatte les réunions, les tournages, les soirées. “J’ai juste mis le holà sur les boîtes de nuit”, précise Mouloud.
“J’ai 16 ans, j’ai arrêté l’école, je lance un magazine”
Valentin veut aller vite. Il a un nouveau projet en tête : créer son propre magazine. Un gratuit qui serait distribué dans les lycées. “Un magazine papier qui ressemble à un blog, avec une écriture, une mise en page et un ton qui parlent intuitivement aux jeunes.” Il espère lancer le premier numéro dès le mois prochain. Il a trouvé le titre – Dissemblances – et le slogan : “L’insolence du papier”.
Il y a chez ce grand adolescent un cocktail de timidité et de culot, d’arrogance et de candeur. Récemment, Vincent Reverdi est tombé sur Frédéric Beigbeder dans la rue. “Je me suis présenté hyper rapidement en lui donnant les trois trucs un peu cools chez moi : j’ai 16 ans ; j’ai arrêté l’école ; je lance un magazine.” S’il avait poursuivi des études, il aurait choisi une école de commerce, pas de journalisme.
Il se voit bien en magnat de la presse. Mouloud Achour y croit : “Il va aller très loin. C’est un entrepreneur. Il marche sur les pas d’un Xavier Niel plus que d’un Edwy Plenel. Parfois je me dis que dans cinq ans il sera mon patron.”
“C’est vieux, Victor Hugo”
Valentin a remis le temps des flirts à plus tard : “Je ne vais pas avoir de meuf pendant deux ans mais je vais sortir mon magazine.” D’autres centres d’intérêt ? “J’aime bien les bagnoles. Non, je plaisante.” Il a arrêté la guitare, ne s’intéresse pas à la politique, ne lit presque jamais de livres. Parfois, il va trop vite, au risque d’être un peu court : “Je ne comprends pas qu’on fasse lire Victor Hugo dans les écoles. C’est vieux, Victor Hugo.”
Vincent Glad met en garde : “Je pense qu’il a un talent fou, une précocité incroyable. Mais il doit encore apprendre la vie, prendre le temps de grandir.” Valentin veut décrocher la lune. Au risque de se brûler les ailes ? Allez, tant pis… C’est trop tentant.
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