Le référendum du 16 mars a entériné (à 96,5%) le rattachement de la péninsule à la Fédération russe. Retour sur une annexion éclair.
Les tensions entre pro-russes et pro-occidentaux se sont cristallisées de longue date en Crimée, cette péninsule divisée entre Russes (60%), Ukrainiens (25%) et Tatars (12%), qui s’avance dans la mer Noire, au sud de l’Ukraine. Ce petit bout de territoire, « offert » en 1954 par Nikita Khrouchtchev (président de l’URSS d’origine ukrainienne) à la République socialiste soviétique d’Ukraine, n’a jamais renié son attachement à la « mère patrie » russe. Au moment de la dislocation de l’URSS, en 1991, la Crimée, majoritairement russophone et qui abrite encore la flotte russe à Sébastopol, souhaitait rester dans le giron de Moscou. Elle a finalement obtenu le statut de République autonome par rapport à l’Ukraine, disposant de ses propres lois constitutionnelles, sans pour autant être indépendante du gouvernement central de Kiev.
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La Crimée était donc, jusqu’au référendum de ce dimanche 16 mars 2014, un territoire sous souveraineté ukrainienne, qui bénéficiait d’un statut d’autonomie, et qui pouvait être un foyer de sympathies pro-russes. La fièvre revancharde de Poutine, face à la révolution ukrainienne du 22 février, a donc pris logiquement comme point d’ancrage stratégique cette péninsule séparatiste. La suite s’est enchaînée très vite.
24 février
Le Bloc russe, un parti sécessionniste, rassemble à Sébastopol une foule qui réussit à s’emparer de la mairie, faisant élire à la tête du conseil municipal un homme d’affaires établi à Moscou, Alekseï Tchaly.
27 février
Un commando d’hommes armés présentés comme membres des milices d’autodéfense prend possession du Parlement régional de Simferopol, la capitale de la Crimée. C’est dans ce contexte de putsch qu’un nombre imprécis de députés a voté, le soir même à huis clos, le principe d’un référendum “sur l’autonomie”. Serguei Axionov, petit homme d’affaires au passé sulfureux de mafieux, membre du parti pro-russe Unité russe, est élu par ce petit comité de fidèles à la tête de la Crimée. Le 28 février, des soldats russes sans insigne s’installent dans la péninsule sans tirer un coup de feu. Le drapeau russe flotte déjà sur le toit du Parlement.
6 mars
Changement dans les termes : le Parlement annonce la tenue d’un référendum qui portera plus directement sur le rattachement à la Russie, ou une autonomie accrue de la Crimée au sein de l’Ukraine. Les affiches de propagande des nouvelles autorités incitent à opter pour la première alternative : « Ensemble avec la Russie », proclament-elles. Dans tous les cas, le maintien du statu quo n’est pas envisagé. A deux reprises la date du référendum est avancée : du 25 mai au 30 mars, puis au 16 mars.
15 mars, veille du scrutin, alors que personne n’était censé faire campagne, deux écrans géants placés sur la place centrale de Simferopol martèlent : « Il y a 70 ans, le peuple de Crimée, uni, a résisté aux fascistes. Aujourd’hui, une nouvelle vague de fascisme surgit. Participez au référendum ». Le fascisme moderne, c’est selon les autorités autoproclamées le mouvement né à Kiev sur la place Maidan, qui s’est insurgé suite au refus du président Ianoukovitch de signer l’accord d’association avec l’UE le 21 novembre 2013.
16 mars
Avec une participation officielle de 83%, 96,5% des Criméens se sont prononcés pour le rattachement à la Russie. Les Tatars se sont abstenus, respectant l’appel au boycott du référendum lancé par leurs autorités, qui défendent le nouveau pouvoir de Kiev. Cette position a des fondements historiques: en 1944 les Tatars de Crimée, installés sur le territoire depuis le XIIIe siècle, avaient été déportés sur décret de Staline, accusés d’avoir « collaboré avec les autorités d’occupation allemandes ». Ils n’avaient été autorisés à revenir en Crimée qu’en 1989, à la faveur de la perestroïka. Dans la foule réunie à Sébastopol pour les résultats, ce dimanche 16 mars, le drapeau de l’Union soviétique (marteau et faucille sur fond rouge) côtoyait celui de la Fédération russe.
17 mars
Dans la foulée, le Parlement de la Crimée a proclamé son indépendance, et demandé officiellement son rattachement à la Fédération de Russie. Vladimir Poutine a d’ores et déjà signé un décret reconnaissant l’indépendance de la péninsule séparatiste. Le référendum du 16 mars est cependant considéré comme illégitime à Kiev et en Occident. Les dirigeants européens et américains s’apprêtent à sanctionner la Russie.
Depuis une dizaine de jours, plusieurs activistes politiques pro-Kiev ont été arrêtés et sont détenus sans charge en Crimée, selon l’organisation Human Rights Watch. Alors que vendredi l’Ukraine et l’Union européenne ont prévu de signer le volet politique de leur accord d’association, les relations avec la Russie ne devraient pas se décrisper de sitôt.
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