Mouloud Achour (qui a commencé à Radikal) et Jean-Pierre Seck (ancien journaliste à l’Affiche et membre de 45 Scientific) ont produit un nouveau talk show sur Dailymotion offrant un décryptage adulte et spécialisé du rap français.
Vous en avez marre du traitement caricatural réservé au rap à la télévision ? Branchez-vous sur On refait le rap. Ce nouveau talk-show mensuel produit par Mouloud Achour (qui a commencé à Radikal) et Jean-Pierre Seck (ancien journaliste à l’Affiche et membre de 45 Scientific) propose un décryptage adulte et spécialisé du rap français. Avec impertinence et dans la bonne humeur, ces spécialistes avisés décrypteront tous les mois l’actu hip-hop, sur Dailymotion. La première émission diffusée ce mercredi est consacrée à la nouvelle scène du rap français.
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Qui a eu l’initiative de cette émission ?
Jean-Pierre Seck – J’avais eu l’idée en 2007 de réunir SEAR, Olivier Cachin et Mouloud Achour pour un talk-show sur le rap français. L’idée était de proposer des visions différentes du rap français et américains par des journalistes reconnus de la presse écrite (Get Busy, L’Affiche, Radikal ). Il s’agissait d’une émission de radio diffusée sur la plateforme allmade.com qui s’est transformé aujourd’hui en projet audiovisuel réalisé en partenariat avec le studio Dailymotion.
Mouloud Achour – On a naturellement eu envie de filmer ces entretiens, de la manière la plus simple qui soit, en laissant place à la parole et à l’analyse. Quand j’ai commencé à tomber dans le rap, je dévorais les exemplaires de Get Busy, Down with this, puis de l’Affiche ou Radikal. Et c’est ça que j’avais envie de faire, écrire sur cette culture, dans ce genre de magazine. Se retrouver tous ensemble et discuter normalement, c’était inimaginable à l’époque de la presse rap mais c’est aussi l’occasion d’être avec des mecs qui savent de quoi ils parlent et ça fait vraiment du bien.
Comment l’idée vous est venue ?
Jean-Pierre Seck – En constatant qu’avec la disparition de la presse écrite spécialisée, c’est aussi son rôle de prescripteur qui s’est envolé. Il nous semble important de le faire renaître avec une émission sérieuse dans laquelle les choses sont dites sans langue de bois.
Mouloud Achour – La presse spécialisée a généré plusieurs plumes, avec des tons et des styles assez différents, on trouvait ça important de pouvoir transmettre cette histoire-là. Des fanzines aux magazines spécialisés, il y avait tout un underground qui s’agitait et les journalistes savaient de quoi ils parlaient, c’était des passionnées mais des journalistes avant tout. Aujourd’hui, quand on cherche à se renseigner sur le rap, on est face a une dichotomie entre une offre large mais éditorialement assez étroite.
Quel regard portez-vous sur le traitement médiatique du rap ?
Jean-Pierre Seck – Le traitement médiatique du rap est globalement caricatural ou stigmatisant, même si certaines initiatives proposent une approche différente. Malgré l’impact de cette musique sur notre société ou constate encore trop de méconnaissance et/ou mépris de cette musique. Par ailleurs, les acteurs du rap français peinent souvent aussi à se faire comprendre des grands médias. Notre objectif avec « On Refait Le Rap » est d’apporter un regard adulte sur les différentes problématiques du rap français.
Mouloud Achour – A la télévision, on a souvent le droit aux traditionnels tribunaux d’inquisitions ou à la foire aux happenings où l’on voit des rappeurs qui se prêtent à des exercices assez dénaturants. Et dans le fond, on oublie l’essence de cette musique, ce qu’elle raconte et de quels gens elle peut parler, quelle réalité le rap est censé décrire. C’est comme si on leur disait : « venez avec vos baskets mais pas avec vos problèmes, laissez ça chez vous ou dans vos textes » ou bien « allez, fais-moi peur avec des muscles et tes tatouages ». Côté spécialisé, l’offre internet est vraiment réduite à des freestyles et aux traditionnelles interviews face caméra mais ça se limite souvent à des questions cherchant à faire du clash et du buzz donc ça va rarement très loin, même si aujourd’hui des sites indépendants commencent à être organisés et à se professionnaliser de plus en plus. Sinon, on a droit aux traditionnels suceurs de cailleras, issus de la presse rock ou de forums rap qui s’encanaillent parce qu’ils écoutent du rap et qu’ils ont mangé un grec avec un rappeur, ou à ceux qui en parlent uniquement pour vendre la street-culture a des marques, en en faisant un objet uniquement festif fashion et promotionnel. Mais il y a aussi des journalistes plus jeunes qui ont grandi avec le rap, qui font des papiers au long court, qui creusent et refont un travail d’archive et on sent leur amour pour cette culture. On voulait donc apporter une autre grille de lecture au milieu de tout ça, un peu plus posée et on pense que la meilleure façon de rendre accessible cet univers, c’est de montrer qu’on peut en parler normalement, sans forcer le trait. On a envie de faire un pont générationnel rassemblant les gens qui ont grandi avec cette culture mais qui ne trouvent pas d’offre adaptée et aux plus jeunes, qui ont envie d’aller plus loin que les traditionnels freestyles et interviews promos rap.
Propos recueillis par David Doucet
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