Dans son ouvrage « Auto-Pilot, the art and science of doing nothing », Andrew Smart, chercheur, fait l’éloge de l’inactivité. Il défend le droit à ne rien faire et souligne les risques du stress, qui serait aussi dangereux que le tabac.
Dans votre livre, vous avancez que de courtes périodes d’inactivité sont bonnes pour la santé. Qu’appelez-vous inactivité ? A quelle fréquence est-elle recommandée ?
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Je dirais qu’il est important de se couper du monde extérieur plusieurs fois par jour. Selon les gens, on peut avoir besoin soit de courtes pauses, de temps en temps, soit de beaucoup plus. Pour certaines personnes, ces pauses peuvent durer jusqu’à plusieurs mois. Le type d’inactivité et son niveau sont différents pour chaque personne. Les personnes créatives ont parfois besoin de ne faire vraiment rien, littéralement, comme rester allongé à regarder le plafond.
Quels sont les bénéfices de l’inactivité ?
Les gens ne réalisent pas que leur cerveau fonctionne beaucoup en réalité quand ils sont allongés à ne rien faire. Votre cerveau a un mode par défaut, le pilote automatique, qui devient très actif quand vous prenez votre temps et ne faites rien. Cet état permet à votre cerveau de travailler sur ce qui se passe intérieurement, dans votre conscience. Vous pouvez alors commencer à découvrir ce qui se passe sous la surface, dans votre inconscient, et mieux comprendre vos émotions. Cet état vous permet d’être créatifs, car votre cerveau peut trouver des connexions bizarres entre les choses. Newton, Descartes et Archimède ont tous eu leurs plus grandes révélations alors qu’ils étaient assis à ne rien faire. Donc, la prochaine fois que votre esprit vagabonde, regardez où il s’en va !
Est-ce que dormir compte comme de l’inactivité ?
Dormir est très important et de nombreuses études montrent que nous ne dormons pas assez. Pendant le sommeil, votre cerveau se nettoie des substances toxiques. Mais pour être bien, je dirais qu’il faut ajouter à un bon nombre d’heures de sommeil, des périodes d’inactivité quand vous êtes éveillé. Le cerveau a plusieurs états dynamiques, ou niveaux d’éveil, qui, comme les phases du sommeil, doivent s’alterner.
Vous êtes favorable à une concentration de l’activité sur quatre heures intenses dans une journée, plutôt que réparties sur huit heures. Pourquoi ?
Cela dépend vraiment des individus. Mais je pense vraiment que le nombre d’heures de travail devrait être réduit. On est beaucoup plus efficaces en travaillant intensément pendant de courtes périodes plutôt que dans un niveau de stress bas, réparti sur huit heures. En plus du nombre d’heures, il faut aussi réfléchir au type et à la quantité de choses que nous avons à faire. Dans la plupart des entreprises, les tâches que vous avez à faire sont très mécaniques, aliénantes, comme entrer des informations dans un logiciel, ou aller à des réunions qui n’ont pour but que de prévoir de nouvelles réunions. Toutes ces tâches nous maintiennent dans un état de stress permanent, pas parce qu’elles sont agréables, intéressantes ou ambitieuses, mais parce qu’elles nous sont imposées, et n’ont pas de sens.
Ne rien faire nous paraît souvent impossible. Pourquoi avons-nous cette sensation ? Notre cerveau est-il vraiment capable de stopper toute activité intellectuelle ?
Pour faire simple, notre cerveau est toujours en fonctionnement, il n’est jamais au repos. Mais nous vivons dans une culture qui stigmatise le fait de ne rien faire en appelant ça de la paresse. Ce qui nous fait nous sentir coupable quand nous ne faisons rien. Mais avec notre compréhension actuelle du cerveau, on voit qu’être paresseux est en fait nécessaire à notre esprit et à notre santé à long terme. Si nous sommes toujours concentrés sur des choses à faire, à planifier et à organiser, notre cerveau réagit en relâchant des hormones de stress et en se mettant dans un état d’hyper-vigilance qui fait souffrir notre capacité à penser clairement. Je ne dis pas qu’il faudrait qu’on arrête de travailler, mais je pense qu’il faudrait qu’on travaille moins. Les preuves scientifiques et cliniques de cela sont de plus en plus frappantes. C’est tout à fait comme la cigarette. Il y a cinquante ans, personne ne pensait que la cigarette était mauvaise, maintenant, même les fumeurs savent qu’elle est très dangereuse. Je pense qu’il en est de même avec l’éthique du travail.
Quels sont les risques si on maintient son cerveau en perpétuelle activité ?
On s’aperçoit de plus en plus clairement que travailler de nombreuses heures d’affilée est associé avec une mort prématurée, des maladies cardiaques et des problèmes psychologiques comme la dépression. Les personnes qui travaillent pendant de nombreuses heures d’affilée ont 40% de plus de chances d’avoir des maladies cardiaques. Et même à court-terme, les risques sont vraiment dangereux. Au Japon, ils ont même créé le mot « karoushi » qui signifie la « mort par excès de travail ». De jeunes ingénieurs, pourtant en bonne santé, travaillent parfois jusqu’à 100 heures par semaine et se présentent au bureau un lundi matin, où ils meurent d’une crise cardiaque inattendue. Ces cas sont rares et extrêmes, mais pas si différents des gens qui travaillent trop pendant trente ans et finissent par développer une maladie cardiaque. Mais ce qui souffre le plus, je pense, et qui n’est pas moins important, c’est notre moral et notre créativité.
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