Candidat « parachuté », c’est sans surprise que Florian Philippot, numéro 2 du Front national, est arrivé en tête du premier tour des élections municipales de Forbach (Moselle), avec 35,75 % des voix. Dépassant de peu le maire socialiste sortant, Laurent Kalinowski, qui obtient 33 % des voix. Une droite divisée, un taux de chômage alarmant et un taux d’abstention de 44 % ont fait le jeu du bras droit de Marine Le Pen.
« Morose ». Le mot sort de toutes les bouches lorsque l’on demande aux Forbachois croisés dans la rue de définir la ville dans laquelle ils vivent. Certes, les rues sont désertes, mais pas plus qu’un dimanche ailleurs en province. Ce qui frappe, c’est surtout le nombre de commerces qui ont mis la clé sous la porte. « Tous les six mois, des boutiques ferment », déplore Marie-France, retraitée. Le centre-ville de Forbach n’attire plus grand monde. « Pour faire la fête, on va à Sarrebrück », explique Anthony, 24 ans, au chômage. Son amie, Sheraazade, 21 ans, sans emploi elle aussi, le confirme. Et ce n’est pas Marc Mayer, enfant du pays, ancien gymnaste revenu à Forbach après ses exploits aux Jeux olympiques de Seoul en 1988, qui dira le contraire. L’athlète aujourd’hui âgé de 48 ans, patron du Rendez-vous des chasseurs, un petit café situé rue Nationale, a tenu pendant près de 15 ans une discothèque non loin de là. Faute de fréquentation, le dancing a fini par mettre la clé sous la porte. Pour nombre de jeunes, Forbach est aujourd’hui, « une ville morte ».
La Moselle son « laboratoire de votes » pour le FN
« On n’a jamais vu autant de journalistes », lance un agent de sécurité de l’Hôtel de ville à son collègue. Depuis ce matin, les directs pour les chaînes d’information en continu se succèdent au cœur de l’ancienne ville minière. Il est loin le temps où les télévisions nationales foulaient le sol de la plus grande ville de l’ex bassin houiller sur les traces de Patricia Kaas. La ville, bien que berceau du footballeur Gennaro Bracigliano et d’Helmut Fritz, est tombée aux oubliettes depuis belles lurettes. Jusqu’aux législatives de 2012 au cours desquelles le numéro 2 du Front national, Florian Philippot, est venu disputer l’élection avec le maire socialiste en poste depuis 2008, Laurent Kalinowski. Si l’homme du Rassemblement bleu marine, natif de Croix, dans le nord de la France, a perdu la bataille, il n’en a pas moins gardé ses ambitions, et celles de sa leadeuse, Marine Le Pen : faire de la Moselle son « laboratoire de votes ».
Tous les ingrédients étaient réunis pour que l’expérience soit porteuse. A commencer par un taux de chômage alarmant, le plus élevé de toute la Moselle (14% sur la circonscription soit plus de 4 points que dans le reste du département). « Y a plus de travail depuis la fermeture des mines dans les années 80 », constate, amer, Telatin, 58 ans, natif de Forbach. Les mines, il y a travaillé une dizaine d’années, avant de devenir chauffeur routier. Son père d’origine italienne, arrivé dans les années 50 et aujourd’hui âgé de 85 ans, a passé toute sa vie à extraire de la houille dans la région. Si lui et ses enfants s’en sortent plutôt bien, il admet que « le problème ici, c’est le chômage. Il n’y a plus rien à faire. La dernière librairie vient de fermer ».
« Les étrangers, y en a ras le bol »
L’immigration ? L’insécurité ? Difficile d’obtenir un véritable ressenti auprès de la population. Un couple de sexagénaires, natif de Forbach, installé dans une zone pavillonnaire, s’estimera victime « d’injustice et d’agressions verbales quotidiennes de la part de ses voisins immigrés », sans pour autant affirmer voter Front national. La délinquance ? « Pas plus qu’ailleurs », selon Telatin. Seul Cédric, 33 ans, tatoueur et manutentionnaire, abstentionniste devant l’éternel, confiera « être venu voter pour le Front national parce que les étrangers, y en a ras le bol ». Nous n’en saurons pas plus sur ce vote, vraisemblablement, d’adhésion aux idées bleu marine.
Modestement victorieux ce soir, Florian Philippot n’a cependant pas encore pris la tête de l’Hôtel de ville. « Reste à convaincre les abstentionnistes et les hésitants que je suis le vote utile », a-t-il déclaré au sortir de sa permanence après l’annonce des résultats. Et surtout à faire oublier qu’il n’est pas un enfant du cru. Si le « candidat TGV », comme le surnommait Nadine Morano, peut inspirer confiance grâce à ses diplômes (Ena, HEC), son récent intérêt pour la ville n’est pas sans laisser sceptique un certain nombre de Forbachois. « Il ne connaît rien à notre culture ni à notre patois », estime Clotilde, 85 ans, plutôt satisfaite du bilan du maire sortant. Et les deux hommes sont au coude à coude.
C’est la droite déchirée qui pourrait faire pencher la balance. Eric Diligent, candidat dissident de droite, a obtenu 18,99 % des suffrages. Son « adversaire », le jeune Alexandre Cassaro, candidat officiel de l’UMP, 12,26%. Ce dernier se maintiendra-t-il ? Il a jusqu’à mardi, 18h pour le faire savoir. Dès l’annonce des résultats, Eric Diligent a fait savoir qu’il ferait « tout pour empêcher le Front national de s’installer à la mairie », appelant implicitement Alexandre Cassaro à se retirer de la course.