Une 8ème édition à l’image des précédentes, dans la paix et la bonne humeur, avec nourriture améliorée sur le site, des hauts et bas sur scène. Un bon cru dans l’ensemble. Vivement l’année prochaine !
Parrainé par Cali, l’enfant-roi du pays (merci à lui), les Déferlantes sont un festival à dimension humaine pouvant accueillir 10000 personnes. Niché au cœur du pays Catalan sur les hauteurs d’Argeles-sur-Mer, point de départ de l’anagrammique Côte Vermeille qui s’étend jusqu’à la proche frontière Espagnole, le château de Valmy n’est rien d’autre que le plus beau site de France accueillant à l’heure actuelle un festival de musique (Versailles étant hors concours sur ce coup-là). Il faut le voir pour le croire. Une fois sur site, vous avez le choix entre la fosse géante ou la pinède alentours qui forme des gradins naturels depuis lesquels on peut assister aux concerts à la cool, mollement avachi sur un plaid de fortune. Les sets s’enchainent sans temps mort entre les deux grandes scènes bordant la fosse, et deux écrans géants diffusent en gros plan les prestations pour un confort visuel maximal.
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Un énorme projo illumine en mauve la façade du château à la nuit tombée, avec le logo du festival. C’est juste magnifique. Pas étonnant dès lors de voir les Déferlantes afficher régulièrement complet. Si la prog explique en grande partie ce succès exponentiel d’année en année, Thierry Claudel, du bureau de presse, est formel sur le maître mot qualifiant les Déferlantes : FA-MI-LIAL. Force est de constater qu’à peu près toutes les tranches d’âge se côtoient dans une bonhommie communicative au sein du site. Ici, pas de bousculades, pas de débordements, pas de stage diving, pas de titubements intempestifs de festivaliers avinés ni de « rock and roll » et autre « à poil » hurlés aux artistes. Trop sage, diront certains. La paix, dit-on ici à l’unisson. FA-MI-LIAL, on vous dit. Allez, on entre dans le vif du sujet.
Texte : Hervé Doukhan / Photos : Marc Osephius
LUNDI 7 : LA NUIT FAUVE
Les trois premiers concerts étant annulés pour cause d’intempéries, c’est Agnès Obel qui a la première l’honneur d’ouvrir le bal sous un soleil radieux qui ne quittera plus le festival. Courageuse Agnès, qui parait bien seule sur sa chaise et cette scène immense, accompagnée de son seul violoncelle la plupart du temps. Malgré la joliesse de l’ensemble, on ne peut s’empêcher de penser que sa musique est faite pour les salles intimes à rideaux pourpres et lumière tamisée et non pas les festivals par nature réticents aux prestations privilégiant les silences et le recueillement.
De Hollysiz, on retiendra surtout l’énergie débordante et la plastique avantageuse de Cécile Cassel, dont le Gossipo-Blondiesque Come back to me final est un passage de témoin idéal pour le premier gros frisson du festival qui s’ensuit. Il semblait cruel à prime abord de faire se succéder dans un curieux téléscopage générationnel la bimbo platine et mamie Blondie, comme une pub antiride vantant ses effets avant et après application. Dieu merci, la peau s’affaisse mais les chansons restent, dit le vieil adage R&R, et le florilège de tubes qui s’abat sur le site met vite les pendules à l’heure : la copie ne vaudra jamais l’original. Une reprise de haute volée du Fight for your right (to party) des Beastie Boys, saluée par un vol majestueux de cigognes au dessus de la scène, achève de convaincre les grincheux. Blondie forever, donc.
On avait eu droit l’année dernière aux merveilleux Madness, et le ska est de nouveau à l’honneur cette année avec Selecter. On craignait là encore une reformation poussive mais c’est une formidable surprise que ce concert survitaminé truffé de clins d’œil 60’s rigolards (Chapeau melon et bottes de cuir, James Bond…) et de tubes en or massif qui n’ont pas pris une ride en plus de trente ans.
Du très lourd prend la relève. La Paradis herself envahit la grande scène, et l’on reconnait immédiatement l’ombre qui s’échine sur un clavier au fond de la scène : Benjamin Biolay, maître d’œuvre du dernier album de la star. Les ragots fusent dans le public, normal. Une nouvelle coupe de cheveux ravissante, un éclairage somptueux et un track-listing impitoyable, tout concourt au sacre de la belle, logiquement ovationnée en fin de parcours.
On ne va pas vous mentir, c’est #Fauve qu’on attendait le plus ce premier soir. Le groupe phénomène de l’année n’en revient pas d’être là, sur ce site exceptionnel, comme une erreur de casting faisant la part belle à quelques monuments du rock français (M, Paradis, Indochine). Ca ne les empêchera pas de délivrer une prestation formidable de tension, jetant à la face des festivaliers médusés prose poissarde et rythmiques obsessives, retournant par on ne sait quel miracle le tout en une joie glaciale pour tous. Fauve effectivement, tant il émane de ce groupe soudé comme une meute une animalité dangereuse. On ne dira jamais assez ce que ce rock malsain en apparence seulement doit à Diabologum, groupe toulousain du début des 90’s dont les membres sont toujours en activité sous des projets divers, et dans une moindre mesure à feu Daniel Darc, autre chantre de la prose misérabiliste made in France. Bref, cette musique vous veut du mal sans jamais y parvenir. Dieu, que c’est bon !
Cette première soirée s’achève sur le monstre Indochine. On marche sur des œufs, là. Qu’on aime ou pas ce groupe, la voix de casserole rouillée de Nicolas Sirkis, qui semble ignorer jusqu’à l’existence des cours de chant, et son entêtement (55 ans quand même) à chanter les émois adolescents depuis plus de trente ans, on est obligé de s’incliner devant la ferveur du public et la faculté du groupe à transcender les générations. Le light show est époustouflant, et la retranscription sur écran géant donne l’impression d’une mise en vidéo du show en temps réel. La part belle est donnée au dernier album, les tubes des années 80 étant compilés en un long medley en fin de parcours. Les festivaliers repartent heureux, repus de nostalgie. Et soudain, cette évidence : il n’y aura JAMAIS un album de la maturité pour Indochine, et c’est peut-être très bien comme ça. Les Peter Pan de la scène française.
Mardi 8 : il dit M, et on l’M
On arrive à la bourre au festival, après une virée gastronomique à la Balette de Collioure et une séance de snorkling sur une des criques de Paulilles. On a loupé la soul classieuse de Bo Saris, tant pis pour nous, et une mauvaise nouvelle nous cueille à froid : annulation de Gesaffelstein pour une raison indéterminée, remplacé au pied levé par The Hacker. Arf !
C’est donc Seasick Steve qui nous dépucèle les esgourdes aujourd’hui, et pas en bien. Ce blues rock sudiste un peu lourdingue, enfant pauvre de ZZ Top sans les belles pépés des clips, semble plutôt hors-jeu en cette fin d’après-midi.
S’ensuivent les vétérans UB 40, pendant reggae réjouissant de Madness pour la virtuosité mélodique toute britannique, qui nous préparent en douceur à la furia funkoïde qui va suivre. Autres vétérans du rock français, FFF (Fédération Française de Fonk pour les néophytes) livre un set à l’énergie indubitable mais l’ensemble parait un peu daté, figé dans les 90’s. Allez quoi, les gars, un nouvel album svp.
On apprend que The Hacker, qui devait remplacer Gesaffelstein au pied levé, a loupé son train ! Tant pis ou tant mieux, tant on était curieux de voir en live le jeune français surdoué de l’electro aventureuse, qui devait en toute logique être une autre révélation marquante du festival.
La soirée s’emballe sur un show époustouflant de M, de l’avis de tous véritable point d’acmé du festival. Tour à tour câlin ou bestial, le guitar hero frenchy le plus sensible de sa génération enchaine les tubes dans une évidente communion avec le public, qui manifeste sa joie par d’impressionnantes olas dignes d’un stade de foot. D’ailleurs, par une cruelle ironie du sort, M achèvera son show par la très brésilienne Baia au moment précis (on était informé en temps réel par SMS) ou la Mannschaft crucifiait d’un septième but l’infortunée Seleção.
Ce deuxième jour décidément placé sous le signe du funk s’achèvera sur une prestation bien peu nuancée de Shaka Ponk. Les aficionados le savent depuis longtemps mais les récents convertis le découvrent avec stupeur : plutôt gentils sur disque, les Shaka Ponk se transforment en Mister Hyde tendance métal sur scène. Pour le plus grand bonheur de certains et l’affliction d’autres, dont votre serviteur. Mêmes les tubes, boostés à la testotérone la plus triviale, sont quasiment méconnaissables. Vite, on rentre à l’hôtel s’informer sur la déroute historique du Brésil !
Mercredi 9 : le réveil du Phoenix
Même topo que la veille : on a raté pour cause de farniente Even If, collectif de musiciens de tous horizons (Richard Kolinka, France Cartigny etc…) dont on aurait été curieux de voir le résultat alchimique, et on arrive au milieu du set de Cascadeur, dont on s’imprègne du millefeuille pop et de la grâce éthérée juste assez pour nous faire amèrement regretter d’avoir loupé le début. Un Ghost rider somptueux enveloppe de son linceul psychédélique un site conquis. L’électronicien casqué le moins connu de la planète, mais plus pour longtemps assurément. Une grande, très grande révélation et un nouveau cocorico lâché sur la scène pop mondiale.
S’ensuit Yodelice, dont la pop racée very british fait bien le job en cette fin d’après midi, puis un Keziah Jones légèrement soporifique, comme son dernier album. Le sympathique Gaëtan Roussel redresse bien la barre avec un set carré dégageant plein de good vibes. Mention spéciale à une cover très réussie du Road to nowhere des Talking Heads, à l’aise une plus belles pop songs de tous les temps.
C’est Phoenix qui marque de sa pop luxuriante ce dernier jour de festival. Quoique peu volubile niveau communication avec le public, le plus US des groupes français laisse sa pop West Coast sophistiquée parler pour lui. Un show impeccable, probablement rodé sur les routes US (on ne fait pas le Madison Square Garden pour rien) rend évidente la métamorphose du groupe en monstre scénique, dorénavant peut être même plus calibré pour les festivals que pour les salles. Thomas Mars s’offre même un petit bain de foule en fin de set, chose inconcevable il fut un temps. Phoenix enfin prophète en son pays, on se plait désormais à y croire.
Autre sensation très attendue du festival, le concert mitigé de MGMT aura au moins eu le mérite de dissiper le formidable malentendu Kids. Non, MGMT n’est pas ce groupe fantasmé de rave hédoniste alignant les tubes universels sur fond de BPM impitoyables, mais de modestes artisans d’un psychédélisme synthétique de bon aloi et de bonne facture, qui s’écoute plus qu’il ne se danse. Dont acte.
C’est Lilly Allen qui était en charge de fermer triomphalement les bans de cette 8ème édition des Déferlantes. Disons-le tout net, ce fut une immense déception. En lieu et place de la peste irrévérencieuse qu’on aimait tant , on a droit à une Rihanna du pauvre, à l’image de son navrant dernier album. Soit une bouillie R&B sans les tubes et des chorés cheap avec des choristes même pas bonnasses. Dans son attitude même, quelque chose a radicalement changé. Ses tentatives de communication avec le public tombent à plat (« j’ai 30 ans, plein d’oseille et deux merveilleux enfants, la vie est belle », pour résumer). Jusqu’au décor lourdingue à base de biberons, clin d’œil appuyé à sa récente double maternité. Non, décidément, rien ne va. Le pire étant que la belle elle-même a l’air de s’ennuyer sur scène, pressée de retourner à ses maternelles occupations. Reste pour sauver les apparences quelques tubes de la splendeur passée, ces Smile et autres Fuck you trop noyés dans une masse de morceaux indignes pour réveiller les ardeurs du public. Rendez nous Lilly-la-peste !
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