A Brest, avec « Beyrouth, les lucioles”, la jeune scène libanaise a confirmé sa créativité et son engagement.
Il fallait bien une nuée de lucioles pour éclairer le ciel, parfois chargé, de Brest : du Quartz à la Carène – sans oublier le dancing Vauban au charme désuet –, cette édition de DansFabrik qui mettait Beyrouth en lumière avait fière allure.
Danya Hammoud déjà repérée à Montpellier Danse ou June Events ouvrit le bal avec son solo Mahalli puis une étape de travail de sa prochaine création Mes mains sont plus âgées que moi. Elle y partage la scène avec Mounger Baalbaki et Khouloud Yassine. Cette dernière, chorégraphe à ses heures tout sauf perdues, aura marqué le festival de sa belle présence. Que ce soit avec Le Silence de l’abandon où face à un public restreint “elle expérimente le proche” dans un simple jeu de regards.
Plus chorégraphique peut-être, Entre Temps 2 la voit dialoguer avec un joueur de oud Oussama Abdelfattah et son propre frère le percussionniste Khaled Yassine. Jeu de bras, travail à partir du haut du corps, Khouloud Yassine impose une gestuelle épurée et précise qui semble flotter dans les airs.
Nancy Naous donnait au Quartz plein comme un œuf la première européenne de These Shoes Are Made for Walking. Une pièce aux qualités évidentes – engagement des interprètes, construction du récit – qui souffre parfois d’un manque de rythme. Nancy Naous se demande comment le corps, “son corps”, peut résister face à la situation actuelle dans le monde arabe. Elle est partie de différentes pistes comme une danse entravée ou au contraire révoltée. La “dabkeh”, forme traditionnelle orientale, est une de ces sources d’inspiration justement. Au final, le cri de résistance de Nancy Naous est devenu un spectacle engagé.
Une question de vie ou de mort
Le corps, il en était question encore dans Tajwal le solo d’Alexandre Paulikevitch qui nous a ouvert les portes de ses ultimes répétitions. Pour cet interprète flamboyant qui a choisi comme vocabulaire la danse “baladi” (que l’on rapproche à tort de la danse du ventre) c’est une question de vie ou de mort. Insulté dans la rue, menacé de façon plus ou moins directe, il répond sur scène en revêtant les atours de la danseuse orientale : lourde ceinture, jupe de voiles rouges qui se perd dans ses mouvements du bassin. La bande-son elle est constituée des sons électroniques, de bruits de bombes réelles. Les insultes défilent. Et Paulikevitch de finir à genoux, empéché de se mouvoir, la tête ondoyante. Il est celui qui dit non.
Dans le magnifique film de Rania Stefan présenté à la Passerelle et qui échantillonne des centaines d’extraits de films de l’actrice star égyptienne Soad Hosni on entendra cet avertissement en guise de clap de fin : “Il faut regarder devant, toujours devant”. Durant une semaine au Quartz de Brest, les Lucioles, chorégraphes, musiciens, artistes visuels réunis par Yalda Younes ne firent pas autre chose.
Tajwal d’Alexandre Paulikevitch, les 26 et 27 mars au TAP Auditorium de Poitiers
Mes mains sont plus âgées que moi de Danya Hammoud, les 4 et 5 juin, June Events, Atelier de Paris, le 15 juin au Festival Uzès Danse