Le Sénat est allé, mercredi 23 juillet, dans le sens de la loi Thévenoud d’encadrement des pratiques des véhicules de tourisme avec chauffeur. Les VTC ne pourront plus circuler ou stationner sur la voie publique sans pouvoir justifier, à tout moment, d’une réservation en cours.
Le Sénat a tranché : la loi Thévenoud a été adoptée, malgré la manifestation des entreprises véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC) françaises dans la capitale trois jours plus tôt. Seul l’amendement 116, au cœur des controverses, a été légèrement modifié par la chambre haute du Parlement. Le texte retournera donc à l’Assemblée nationale pour une seconde lecture, où la loi avait été votée il y a 10 jours dans le but de « poser des règles du jeu pour l’exercice du métier des VTC« . Des règles qui restent en travers de la gorge de ces compagnies comme Chauffeur-Privé, Le Cab ou encore AlloCab, regroupées au sein de la Fédération française du transport de personne sur réservation (FFTPR).
La loi stipule notamment que les VTC pourront encore être géolocalisés, mais ne pourront plus être « hélés » par les clients avec leur Smartphone (ce que le texte de loi appelle « maraude électronique ») et devront « s’en tenir au marché des courses avec réservation préalable« . Une disposition que réclamaient depuis longtemps les taxis français.
Mais c’est surtout un amendement qui a mis les sociétés de VTC en colère : l’amendement 116. Il interdisait aux VTC de stationner sur la voie publique entre deux courses. Les chauffeurs seraient donc obligés de « retourner au siège de l’entreprise » ou bien « dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé« , comme un garage privé ou une place de parking souterrain louée pour l’occasion. Ceux qui ne se plieraient pas à cette disposition risqueraient alors 15 000 euros d’amende et un an de prison.
Un amendement légèrement modifié par le Sénat
Un amendement dont le créateur de la société de VTC Chauffeur Privé, Yan Hascoet, nous affirme ne jamais avoir entendu parler avant son dépôt « surprise » le 11 juillet dernier. « Cela fait 4 mois qu’on discute avec le député Thévenoud, cet amendement n’a jamais été évoqué. Au moins pour les 30 autres propositions, elles ont été abordées et discutées, il y a eu concertation. Qu’il dépose un amendement dans notre dos… ça dénote une façon très particulière de voir la politique et quelle considération on porte aux concertations. » Une accusation démentie par le député auprès des Inrocks, qui souligne qu’il a été « abordé plusieurs fois » avec eux.
C’est cet amendement que le Sénat a choisi de modifier, mercredi 23 au soir, en ajoutant que le chauffeur de VTC devrait retourner au siège de son entreprise, « sauf s’il justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final. » Cela signifie qu’un VTC aura le droit de réserver deux courses à l’avance et, une fois la première terminée, il pourra enchaîner avec une deuxième sans être obligé de revenir à sa base entre les deux. Les VTC qui circulent ou stationnent sur la voie publique devront ainsi obligatoirement pouvoir justifier, à tout moment, d’une réservation en cours. Sinon, ils devront retourner au siège de leur entreprise ou dans un garage privé.
Le député Thévenoud s’est dit « très satisfait » de la décision du Sénat, soulignant sur son compte Twitter que le Sénat avait « approuvé le texte et enrichi la loi« , parlant d’un « texte d’équilibre« .
Le Sénat approuve et enrichit la loi #taxi #VTC. Un texte d’équilibre et utile pour créer des emplois.
— Thomas Thévenoud (@tthevenoud) 23 Juillet 2014
Un contrôle difficile à mettre en place
Reste une zone d’ombre qui n’a pas encore été abordée. Si les VTC seront obligés, entre chaque course, de se garer dans un garage privé ou de retourner à leur base (s’ils ne peuvent pas justifier d’une réservation préalable), rien ne dit comment il sera possible de les contrôler. Un VTC arrêté par un agent des forces de l’ordre alors qu’il tourne autour d’une gare pourrait très bien mentir, et expliquer qu’il est en train de se diriger vers un garage privé, ou retourner à sa base.
Un argument qui réduit encore plus l’impact de cet amendement 116, déjà modifié par le Sénat. Le député Thomas Thévenoud l’admet d’ailleurs lui-même : « cela montre en effet la difficulté qu’il y aura à faire appliquer cette disposition. Et donc cela relativiste les cris d’orfraie des VTC… »
De leur côté, les entreprises de VTC expliquent ainsi se battre en prévention:
« On n’a aucune certitude que cette mesure restera inapplicable. Dans 3 ou 6 mois, on risque de voir tomber un décret d’application de la loi. On ne va quand même pas attendre qu’ils trouvent une façon de l’appliquer! », nous explique Yan Hascoet.
Que signifie « un contrat avec un client » ?
Autre limite : la décision du Sénat peut porter à confusion. L’amendement rectificatif de l’amendement 116, porté par des sénateurs du groupe Union des Démocrates Indépendants, dispose que « les VTC n’ont pas à retourner à leur lieu d’établissement ou stationner dans un parking s’ils justifient d’une réservation ou d’un contrat avec des clients ». Or, si l’hypothèse de la réservation est claire, l’expression « contrat avec des clients » reste très floue.
Or, certaines entreprises françaises de VTC considèrent que le terme de « contrat avec des clients » peut s’appliquer à tous les clients d’une centrale privée de mise en relation entre chauffeur et usager. Aussi, cela signifierait que tous les chauffeurs qui travaillent pour les sociétés françaises de mise en relation entre VTC et usager seraient définitivement exemptés de retour à la base.